Top albums - mai 2014

La plaie ces intros... c’est vrai quoi, c’est toujours pareil avec les bilans du Forum Indie Rock : toujours différent, ça part dans tous les sens, aucun atome crochu si ce n’est deux bouilles de bébés joufflus qu’arborent les covers de deux disques par ailleurs on ne peut plus éloignés, hormis peut-être dans leur dimension névrosée - également partagée avec un crâne lunaire doté d’un troisième œil et une rétine exorbitée. Alors quoi, une constante : le baroque ? Même pas, allez tant pis, place aux avis, et à 7 disques qui auront moins de mal que nous à imposer leur cohérence narrative... ah, on y arrive, le voilà finalement ce point commun !


Les Résultats



1. Young Widows - Easy Pain

< avis express >

"Quatrième album pour les noise-rockeurs de Louisville, Kentucky, discrets depuis 2011. Jamais l’ombre de The Jesus Lizard n’a été aussi présente chez Young Widows que sur ce Easy Pain. Pas tant dans la manière d’aborder leurs expérimentations sonores que dans les façons d’exorciser cette rage contenue et autodestructrice commune aux deux groupes.
Ainsi, les riffs corrompus de Easy Pain vrillent les tympans pendant que l’écho des rythmiques déchausse les dents. La souffrance, thématique récurrente chez Young Widows, est cette fois totalement assumée et le groupe l’étreint, l’accepte pleinement pour la convertir en énergie sauvage et salvatrice.
Un album dense, inquiétant et addictif, qui semble le reflet de personnalités à la sensibilité exacerbée."

(nono)


2. Swans - To Be Kind

Que sortir après un monument tel que The Seer, capable à lui seul de tuer une disco ? Pour Michael Gira, la question ne se pose pas : un autre monument pardi ! Deux heures bon poids, double galette, deux ou trois références bibliques dans les titres, ça vous rappelle des choses ? Eh bien ne cherchez pas plus loin : là où The Seer était ouvert (aux montées de tension/explosions, aux ruptures impromptues et autres accalmies acoustiques, aux quatre vents et même à quelques invités étonnamment mis en avant), To Be Kind prend le contrepied de sa propre thématique de retour à la vie au gré de morceaux majoritairement massifs, oppressants, hypnotiques sur lesquels viennent se greffer les incantations hallucinées de l’Américain, privilégiant aux progressions épiques quoique déjà pas mal plombées de l’opus précédent une plongée dans les abysses drone voire krautrock qui sous-tendent depuis longtemps la musique du groupe.
Les cuivres menaçants rugissent presque autant que les guitares discordantes, les backing vocals d’Annie Clark (St. Vincent) ou de la propre fiancée juvénile de Gira distillent un soupçon de quiétude au second plan mais aucune douceur ici, c’est Swans dans toute sa démesure et son ambivalence, dans toute sa mégalomanie aussi, c’est parfois un peu long mais c’est à prendre ou à laisser, une claque qui ne calcule pas pour ceux qui oseront s’immerger corps et âme dans le mysticisme torturé de l’un des plus grands créateurs de formes du noise rock d’aujourd’hui.

(Rabbit)


3. Owen Pallett - In Conflict

Plus de quatre ans après un Heartland réussi en tout point, il va sans dire que les fans du violoniste commençaient à s’impatienter. Malgré cette vive attente qui engendre parfois une relative déception, la magie n’a pas disparu, loin s’en faut.
Les cordes se marient parfaitement aux synthés pour produire une forme de symphonie électronique sur laquelle se pose la voix du Canadien, plus majestueuse que jamais puisque capable de variations de timbre bienvenues et jamais dispensables. Cette relative mesure est peut-être la principale évolution depuis Heartland. Elle s’avère appréciable puisque jamais cet opus ne verse dans la grandiloquence. Quant à l’évolution du disque, non seulement elle suit une trame cohérente mais elle semble, de surcroît, aller crescendo en termes de qualité, atteignant son sommet au trois quarts de l’opus avec un Riverbed empli de majesté.
Plus intimiste que son prédécesseur, à l’image du poignant The Sky Behind The Flag, In Conflict est un album lyrique, inspiré et incroyablement beau. Tout simplement.

(Elnorton)


4. John E Cab - Do What They Say

"Rappeur, producteur et instrumentiste accompli (notamment au violon), le compère d’Ill Clinton au sein d’US Natives vole enfin de ses propres ailes avec cet album ambitieux et douloureusement personnel.
Sensibilité jazz et cuivres ambient, guitare latine et cordes torturées, beats abstract et syncopations dub, samples cinématographiques et autres chœurs opératiques s’entremêlent au sein de compos insaisissables et denses qui multiplient les contrepieds avec une paradoxale fluidité et dont la production surprenante de clarté permet de saisir chaque nuance, chaque chemin de traverse à mesure que les tiroirs s’ouvrent sur d’autres tiroirs, creusant progressivement la psyché tourmentée de ce musicien désormais basé à Austin, Texas.
John E Cab aura mis 7 années à se livrer ainsi, à mettre en son les petites joies et surtout les grandes douleurs qui parsèment son parcours d’artiste et sa trajectoire d’être humain, à faire le deuil de son frère décédé en couchant sur sillons les émotions contradictoires et les sautes d’humeur, parfois avec l’aide de mots, parfois dans un maelström de sentiments changeants auxquels seule la musique pouvait rendre justice."

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(Rabbit)


4. Fire ! Orchestra - Enter !

Il y a du Mingus, du Pink Floyd, du Ornette Coleman, du Magma, du Charlie Haden, du Sun Ra, il y a surtout la verve inépuisable d’un saxophoniste hyperactif et hyper talentueux, Mats Gustafsson, et de ses deux acolytes, Johan Berthling (basse) et Andreas Werliin (batterie), avec qui il forme Fire ! en 2009. Trio suédois qui s’est entouré d’une trentaine de musiciens, la fine pointe du jazz scandinave, pour produire une musique orchestrale fortement influencée par les big bands des années 60, par l’efflorescence rock et expérimentale des années 70, mais aussi par la veine noise de la production musicale récente. Construites sur un groove imparable dont la progression répétitive peu à peu hypnotise, les deux longues plages de cet Enter ! voient s’amonceler cuivres puissants qui barrissent tous azimuts, voix de femmes au timbre suave pour un gospel inspiré, voix d’homme plus éraillée pour une déclamation habitée, guitares distordues et crépitements électroniques dans un ventre noisy et foutrement free, non pas mou mais vallonné, sinueux, escarpé...
Enregistré live d’une seule traite (dépêchez-vous de retourner le vinyle pour l’entendre en intégralité), ce nouveau coup de maître du trio suédois constitue l’envers de l’album Exit !, qui nous invitait l’année dernière à sortir du capharnaüm réel, pour mieux nous introduire à présent dans l’univers palpitant du feu !

(Le Crapaud)


6. James Murray - Mount View

"Déjà de retour aux affaires moins d’un an après la sortie de son précédent long format, l’Anglais James Murray - qui nous faisait partager il y a quelques mois ses concerts favoris de 2013 - donne suite aux reflux électro-acoustiques de l’EP Broken Homes, morceau fleuve de 17 minutes lâché en novembre dernier.
Ultime volet d’une trilogie autobiographique qui ramène le musicien au point de départ d’un passé douloureux pour mieux s’en délester et aller de l’avant, ce troisième LP en trois ans creuse encore plus avant la veine ambient minimaliste et lancinante de l’excellent The Land Bridge, laissant les influences néo-classiques passer au second plan des vibrations plus texturées (en témoigne la présence plus feutrée que jamais du piano sur Long Light ou These Hands) voire s’effacer complètement au profit de radiations drone délicates et d’arrangements électroniques discrets.
Le résultat, cocon de spleen solaire aux éclats lancinants, tend vers l’abstraction et l’irréalité, entre magie, onirisme et austérité à l’image d’un Swift Returns aux allures de liturgie pastorale."

(Rabbit)


7. People Under The Stairs - 12 Step Program

"Mine de rien, à coups d’albums toujours implacables (The Next Step et O.S.T. en tête), Thes One et Double K sont en train de rentrer définitivement dans la légende du cool ! Rien de révolutionnaire avec cet excellent 12 Step Program, un titre en référence au 12 pistes de l’album ou plus assurément un clin d’œil au SP-12, le sampler qui avait révolutionné le hip-hop à la fin des 80s.
L’art du sample donc est ici central, le cool aussi, comme la spontanéité, les histoires de quartier, ATCQ, The Pharcyde, Ugly Duckling, l’âge d’or de la côte Ouest, voilà pour le menu. Et des tubes, une homogénéité (mise à part 1 Up Til Sun Up qui n’a rien à foutre là), L.A. Nights, Cool Story Bro ou Doctor Feelgood, une voix, un beat, une boucle, que des bombes en toute simplicité."

< pour d’autres avis sur ce disque, lire notre comité d’écoute spécial hip-hop >

(Spoutnik)


Les choix des Rédacteurs



- Elnorton :

1. Owen Pallett - In Conflict
2. Komparce - Zerlegzen
3. Sébastien Tellier - L’Aventura
4. Millimetrik - Lonely Lights
5. Yann Tiersen - Infinity

- Le Crapaud :

1. Young Widows - Easy Pain
2. Fire ! Orchestra - Enter !
3. The Roots - ...And Then You Shoot Your Cousin
4. Monsieur Saï & Dakota - Libertés Nomades
5. I Am A Curse - Sequel For An Unforgiving Wreckage : Civil War

- leoluce :

1. Fire ! Orchestra - Enter !
2. Young Widows - Easy Pain
3. People Under The Stairs - 12 Step Program
4. Delphine Dora & Bruno Duplant - Inner Fields
5. Ambarchi/O’Malley/Dunn - Shade Themes From Kairos

- Lilie Del Sol :

1. Sharon Van Etten - Are We There
2. Franklin - Cold Dreamer
3. Jenny Lysander - Lightouse (EP)
4. Yann Tiersen - Infinity
5. Owen Pallett - In Conflict

- nono :

1. Young Widows - Easy Pain
2. USA Out Of Vietnam - Crashing Diseases & Incurable Airplanes
3. Collapse Under The Empire - Sacrifice & Isolation
4. Serpentine Path - Emanations

- Rabbit :

1. John E Cab - Do What They Say
2. James Murray - Mount View
3. Swans - To Be Kind
4. Monsieur Saï & Dakota - Libertés Nomades
5. Sylvia Monnier - Second Thought

- Riton :

1. VAllEY - s/t
2. Now Wakes The Sea - Bildungsroman
3. Swans - To Be Kind
4. James Murray - Mount View
5. John E Cab - Do What They Say

- Spoutnik :

1. Skyzoo & Torae - Barrel Brothers
2. People Under The Stairs - 12 Step Program
3. Creestal - Difference
4. Kool Keith - Demolition Crash
5. Blu - Good To Be Home

- UnderTheScum :

1. Kikagaku Moyo - Forest Of Lost Children
2. John E Cab - Do What They Say
3. Swans - To Be Kind
4. James Murray - Mount View
5. Nick Mulvey - First Mind