A l’issue d’un premier EP housy aussi vite écouté qu’oublié, où seules surnageaient les nappes capiteuses de cordes éthérées et autres idiophones carillonnants d’un Thrown à nouveau présent ici dans une version aux contrastes affinés jusque dans sa conclusion poignante de dépouillement, on ne donnait pas cher de Kiasmos, duo formé par l’icône islandaise du classical ambient Ólafur Arnalds, lui même en demi-teinte depuis quelques sorties, avec son compatriote Janus Rasmussen, beatmaker du combo électro-pop Bloodgroup.

C’était pourtant enterrer un peu vite l’auteur des superbes Eulogy For Evolution et ... And They Have Escaped The Weight Of Darkness, nettement plus présent sur ce long format éponyme où les rythmiques deep house efficaces de son comparse équilibrent admirablement ses nappes pastorales aux sonorités tantôt limpides (les pianotages en mineur de Dragged), impressionnistes (le spleen affleurant par touches délicates sous les beats dansants de Swayed) ou embrumées (les drones vaporeux de Lit, qui se muent en cordes crève-cœur le temps d’un majestueux break au piano valant à lui seul tout un Atomos).

Déjouant la tendance d’Arnalds aux envolées orchestrales parfois trop emphatiques, la sobriété de Rasmussen lui ouvre la voie pour une approche plus mesurée et jamais l’Islandais ne s’était montré aussi parcimonieux dans ses élans lyriques, flirtant avec l’élégance cotonneuse et le spleen cristallisé dans l’air ambiant d’un Pantha du Prince (Held) ou trouvant dans un crescendo de percussions un tremplin inattendu vers des cimes de mélancolie (l’immense Looped). Une réussite en somme, que sa dimension hautement mélodique ne réserve pas seulement aux amateurs du genre, fait suffisamment rare dans la house pour être souligné et salué.