Archive - Restriction

Les goûts évoluent dans le temps. On renie ce que l’on a aimé, on adore ce que l’on a aimé détester. L’indifférence peut également apparaître. Il n’y a aucune raison pour que les perceptions musicales échappent à cette évolution.

1. Feel It
2. Restriction
3. Kid Corner
4. End of Our Days
5. Third Quarter Storm
6. Half Built Houses
7. Riding in Squares
8. Ruination
9. Crushed
10. Black and Blue
11. Greater Goodbye
12. Ladders

date de sortie : 12-01-2015 Label : PIAS

Il faut bien avouer qu’après quinze ans de carrière, les écoutes répétées des nouveaux opus d’Archive pouvaient générer une forme d’indifférence. S’il n’y a pas grand-chose à jeter dans la discographie du collectif jusqu’à Controlling Crowds, les Anglais avaient déçu sur Part IV et With Us Until You’re Dead. Cette sensation persistait sur Axiom, si bien que la sortie de Restriction en ce début d’année 2015 ne suscitait pas un enthousiasme fou dans les couloirs de la rédaction.

Le lecteur rodé à l’exercice de la chronique ne tardera pas à comprendre qu’avec le recul, l’indifférence a laissé place à un intérêt poli, puis de plus en plus vif. Pourquoi, sinon, prendre la peine de parler d’un disque sorti il y a neuf mois ?

Avant donc de l’apprécier, l’auteur de ces lignes a rejeté Restriction, à tel point qu’il constituait l’album sur lequel Archive avait épuisé sa dernière chance de convaincre. Il promettait qu’aussi amoureux avait-il été du collectif à ses débuts – et ce, jusqu’en 2009 – on ne l’y reprendrait plus à s’intéresser à ses nouvelles publications discographiques.

Le hasard a fait en sorte que cet album se retrouve de nouveau sur sa platine. Archive avait donc épuisé sa dernière chance de convaincre, mais une nouvelle se présentait pourtant sous forme d’extra. Plus d’un semestre après avoir somnolé en écoutant Restriction, l’opus libérait tout son charme, et ce dès l’introductif Feel It sur lequel Dave Pen assure la piste vocale en lui conférant une dynamique et un charme déjà imparables, malgré – et c’est bien là l’un des principaux défauts d’Archive – un passage d’une dizaine de secondes durant lequel un excès d’emphase agace passablement.

Un single à réévaluer à la hausse au sein d’un album décevant ? Pas seulement, car le meilleur reste à venir. Avec la paire Restriction/Kid Corner, le début de l’album atteint une efficacité jamais égalée par les Anglais depuis – au moins – Lights, si ce n’est You All Look The Same To Me.


Néanmoins, n’allons pas trop vite en besogne. Restriction n’atteint pas les cimes du chef-d’œuvre de 2002, ni évidemment celles du premier effort du groupe. Cela se saurait et, le cas échéant, il n’aurait sans doute pas été nécessaire d’attendre neuf mois pour le réécouter et le réévaluer. Pour autant, Restriction permet d’avoir une vue plus globale sur la carrière d’Archive, que l’on pourrait résumer en trois phases distinctes.

La première, de 1996 à 2002, fut celle de l’expérimentation à tout va. Du trip-hop de Londinium au rock psychédélique de You All Look The Same To Me en passant par la pop de Take My Head, Archive a creusé des sillons très différents. Faute d’imagination pour fréquenter de nouvelles contrées – mais comment le leur reprocher après trois albums majeurs aussi différents ? – les Anglo-Saxons se sont recentrés sur ce qu’ils savaient faire sur les trois opus suivants. Noise, à l’instar de Take My Head, est probablement le plus pop du lot, tandis que Lights est à rapprocher de You All Look The Same To Me (le quart d’heure de Lights entrant en résonance avec la version longue d’un Again) et Controlling Crowds, le retour de Rosko John aidant, n’est pas très loin de renouer avec l’esprit et le talent de Londinium.

C’est donc après, lors de la dernière phase d’évolution du groupe, que l’on s’est éloigné de lui. Et si ce qui était apparu de prime abord comme un manque d’audace découlait de toute autre chose ? Et si le groupe avait finalement renoué avec une phase d’expérimentation ? D’où viendrait la déception ressentie ? D’une inspiration plus tout à fait au niveau des ambitions, tout simplement. Pour autant, un album comme Axiom dont le titre éponyme fait la part belle aux répétitions de cloches, tandis que les transitions n’ont jamais semblé aussi travaillées, ne constitue-t-il pas une œuvre ambitieuse et intéressante ?

Le terme d’œuvre n’est pas choisi de manière aléatoire. Là où Archive essayait, durant sa deuxième phase d’existence, de séduire, cela ne semble plus être le seul leitmotiv du groupe à l’heure actuelle. Alors certes, les excès d’emphase apparaissent toujours, mais il s’agit là d’un écueil jamais – totalement – évité depuis Take My Head et qui n’avait pas été préjudiciable jusqu’alors. Les albums d’Archive semblent, depuis 2010, se débarrasser de ces morceaux à rallonge qui, certes, ont donné lieu aux plus belles réussites du groupe (Lights et Again, donc, mais aussi Collapase/Collide), mais qui, à force, tendaient à répéter les mêmes recettes. Les récentes sorties d’Archive sont à appréhender comme des œuvres qui s’écoutent dans l’ordre et intégralement puisque les transitions n’ont jamais été aussi travaillées et si bien combinées. Du fait de l’absence de ce contexte, certains morceaux perdent de leur puissance en live, mais là n’est pas la question.

Restriction pourrait être appréhendé comme l’aboutissement de ce processus. Les morceaux sont plus courts que jamais (sur douze pistes, la plus longue s’étend sur 6 minutes 30 seulement, une durée ridiculement courte pour le groupe) et s’encastrent comme des poupées russes. La diversité des émotions et des registres est également au rendez-vous, et l’on n’abordera qu’en surface la multiplicité des voix, de Dave Pen à Holly Martin, en passant par Maria Q et le timbre délicieux de Pollard Berrier.

Alors, lorsque l’ambition est de nouveau digne de ce que l’on peut attendre d’Archive sans que le groupe ne se renie pour autant (les chœurs, claviers et le traditionnel mellotron sont de la partie), c’est un album extrêmement abouti qui se présente à nous. Il sera bien difficile d’isoler du lot un titre – même si Restriction et surtout Half Built Houses constituent de grands moments – et c’est peut-être là l’un des critères qui témoigne autant de la qualité de ce disque que des raisons pour lesquelles il a été boudé.

Audacieux, plutôt inspiré – mais pas autant que les sommets du groupe, admettons-le – et cohérent tout en étant varié, nous ne pouvons qu’inviter les réfractaires à retenter l’expérience Restriction, assurément le meilleur disque d’Archive depuis Controlling Crowds.

Chroniques - 06.11.2015 par Elnorton
 

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