Tue-Loup - Ramo

Vingt ans après Les Sardines, Tue-Loup dévoile son dixième album. Pas besoin d’avoir approfondi les études au-delà du brevet des collèges pour calculer la fréquence de publication des Sarthois. Un album tous les deux ans, donc, mais jamais ceux-ci n’avaient mis autant de temps pour accoucher d’un nouvel opus.

1. Glace
2. Empreinte
3. La Haute Epine
4. In Vivo
5. Tejo
6. Hirondelle
7. Bouquet Contre La Peur
8. Carpe Diem
9. Le Tigre Voyageur Voir la vidéo Tue-Loup - Le Tigre Voyageur
10. Ton Frère
11. La Forge Clandestine
12. Ramo Contra O Medo

date de sortie : 04-03-2016 Label : L’Autre Distribution

C’est que depuis 9, il s’est déjà écoulé quatre ans, et il faut bien avouer que l’on attend avec un petit peu moins d’impatience qu’autrefois les nouvelles sorties du groupe. Cela fait une paire de publications que ça dure, et la raison est difficile à déterminer puisque la qualité de celles-ci n’est même pas à mettre en cause - 9 comptant même parmi les très bons crus - et, qu’au petit jeu des déceptions, ce serait même un disque datant de 2002, en l’occurrence Penya, qui emporterait la mise.

Non, la vérité, c’est qu’après vingt ans de carrière, malgré toute l’ingéniosité dont l’on peut faire preuve, il est parfois difficile de ne pas se répéter même lorsque, comme c’est le cas de Tue-Loup, l’univers décliné est, sans générer de révolution, tout à fait singulier. Cependant, en ce début d’année, Ramo bénéficie d’une couverture médiatique plus importante.


Il est parfois difficile de comprendre l’engouement suscité soudainement par des formations autrefois vénérées avant de se réfugier dans une discrétion salvatrice. Les raisons sont souvent déroutantes voire peu enviables. Rien de tout cela ici. Tue-Loup ne s’est pas acoquiné avec une major. Alors, pourquoi ce soudain regain d’intérêt ? Peut-être est-ce simplement le fait de s’être laissé désirer plus longtemps que d’ordinaire. A moins que Le Cabinet Vaudou Des Curiosités D’Adèle, deuxième disque solo de Xavier Plumas, n’ait rappelé à son bon souvenir les fans de la première heure. Sans parvenir à déterminer la proportion de chacune de ces hypothèses, on opte néanmoins pour une troisième, qui consiste à dire que Ramo est, au moins, une vraie réussite, au mieux, un grand disque.

Ainsi, alors qu’en 2016, l’heure est aux albums de plus en plus courts, les Sarthois réalisent un joli contrepied et prennent leur temps. Les douze morceaux s’étirent sur cinquante-trois minutes, ce qui constitue - là encore, ceux qui sont allés au-delà du brevet des collèges parviendront à s’en faire une représentation rapide - un ratio d’environ
4 minutes 30 par titre.

Ramo est comme un voyage qui se déroulerait à la fois en terre inconnue et en terrain connu. Le cocon dans lequel Tue-Loup nous positionne n’est pas nouveau, et l’on s’y sent rapidement à l’aise. Néanmoins, la deuxième, voire la troisième écoute, sont nécessaires pour que l’on s’abandonne totalement à lui.


Deux fils conducteurs apparaissent comme une évidence sur ce disque, et en assurent la cohérence : la voix légèrement éraillée de Xavier Plumas et le mode mineur essentiellement employé à la guitare par Thierry Plouze, générant ainsi un spleen évident dont Tue-Loup ne s’est de toute manière jamais réellement départi. On pourrait même ajouter la discrétion des percussions assurées de manière pourtant impeccable par le batteur historique de la formation, Romain Allanot, qui signe ici son retour.

Mais Ramo n’est pas de ces disques qui justifient la rime entre cohérent et lassant. Chaque chapitre de cet ensemble oscillant entre folk et chanson française est singulier, à commencer par les ballades La Forge Clandestine, dénuée de percussion, ou Ton Frère, dont le ton plus apaisé mâtiné d’entrain sur le refrain en fait un formidable compagnon matinal.

De l’autre côté du spectre énergétique, Le Tigre Voyageur s’affirme comme l’un des morceaux à la fois les plus racés - quoi de plus normal s’agissant d’un tigre ? - et rythmés. La batterie est en effet plus affirmée ici, tout comme le ton de la voix de Plumas, sûr de son fait à tel point qu’il en serait presque professoral sans que cela ne soit nullement déplaisant.

Mentions spéciales également à Carpe Diem et ses doux arpèges de guitare qui se marient parfaitement avec la partie vocale teintée d’un spleen dont on devine néanmoins une évidente force de caractère, à Empreinte, potentiel single évident, et surtout Hirondelle, qui constitue probablement l’une des plus belles ritournelles francophones entendues ces dernières années, s’appuyant sur un piano hypnotique et possédé ainsi que sur quelques (très) discrètes incantations vocales en arrière-plan.

A mi-chemin entre le meilleur de Jean-Louis Murat pour cette saudade - "Ramo" ne signifie-t-il pas "branche" dans la langue de José Saramago ? - distinguée et cet attrait du verbe impeccable, et les Tindersticks pour la capacité à produire des arrangements aussi bien classieux que contenus, Tue-Loup ajoute un nouveau chapitre - peut-être le plus beau - à une œuvre qui, telle celle des Anglais, tutoie le sublime.

Chroniques - 28.03.2016 par Elnorton
 


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