Le streaming du jour #1764 : IRM presents - ’IRMxTP Part XVI - Hear the Other Side, See the Other Side (Traces to Nowhere)’

A l’approche du nouvel an, on avance la montre en vous livrant le 16e et dernier volet de nos compilations lynchiennes avant les trois précédents. Il faut dire que cette ultime collection de titres inspirés (ou pas tant que ça, pour certains) par Twin Peaks, surnommée le "méta-volume" dans les couloirs de la rédaction, se prêtait tout particulièrement aux perturbations temporelles, avec son post-modernisme affiché (au sens propre, cf. la cover signée Musta Fior et ses collages en référence à la fameuse scène du cheval pâle dans le salon) et son regard décalé voire carrément ironique sur l’univers de la série, quand ce n’est pas sur le projet lui-même.

Hear the Other Side, See the Other Side (Traces to Nowhere), le volume le plus soniquement varié de la compil’ dans son entier et donc celui où les enchaînements ont été le plus travaillés par nos soins avec l’aide précieuse d’Anatoly Grinberg aka Tokee (croisé sur notre volet précédent) au mastering, démarre en effet par un titre qui s’aventure dans l’envers du décor. Sur What’s Up With That #, La Propagande Asiatique, cousin frenchie d’Antipop Consortium, sample une émission en anglais présentant la série et la déconstruit à coups d’échantillonnages baroques, de basses deep et de hachures électroniques tout en faisant un clin d’œil appuyé au hashtag #IRMxTP que l’on utilise depuis plus d’un an maintenant pour teaser le projet sur les réseaux sociaux.

Une influence abstract qui domine cette dernière partie sans l’envahir pour autant, de la folle cavalcade électro-hip-hop du génial Thavius Beck sur un Twin Peak Bills que des affleurements orchestraux aux deux tiers du morceau transforment en véritable élégie futuriste, jusqu’au groove à tiroirs du Lyonnais Pierre Samxao dont le Carpenter donne volontairement dans l’hommage à côté de la plaque sur près de 6 minutes d’emboîtements vintage qui raviront les amateurs de musique d’exploitation 70s, en passant par l’excellent L.BOY Jr. (Peur Bleue, notre EP du mois de novembre, c’était lui) et ses étranges rêveries vénusiennes aux charmes bancals... sans oublier bien sûr Oso Blanco qui paie tribut au Major Briggs et à la storyline extra-terrestre de la série en triturant Getz/Gilberto, un titre délicieusement low-end pour lequel le beatmaker californien nous avait offert cette vidéo tout aussi rétro-cheap :



Entretemps, on retrouvait Hashblade aka Club Friendsday aka Tvilling Topper pour la truculente invasion norvégienne de l’Hôtel du Grand Nord à la sauce lo-fi noise dont le trio de New Haven est friand, un morceau qui leur avait même inspiré l’hiver dernier un album tout entier en hommage à la série après qu’ils l’aient composé tout spécialement pour notre projet. Puis c’est au tour de l’ambient de s’imposer, d’abord avec les huit minutes microélectroniques déstructurées du Portugais Vitor Joaquim triturant avec le magnétisme qu’on lui connaît un documentaire sur Badalamenti en pleine composition de la musique de la série, les voix de David Lynch et du musicien se liquéfiant jusqu’à l’abstraction à mesure qu’avance cette fantasmagorie entêtante et un brin cauchemardée.

Dans la foulée, Jérôme Chassagnard régale les fans avec un monologue de l’agent Cooper dédié à Diane, à Laura et aux Bookhouse Boys dans une ambiance cinématographique à souhait, un sample de Badalamenti revu et corrigé à la sauce onirique qu’appelait forcément les hululements de hiboux et autres visions nocturnes fantasmées menant la danse au son des claquements de doigts sur fond de radiations dronesques. Plus loin, Philippe Petit, premier interviewé de notre série, fait d’ailleurs basculer dans l’obscurité ce volet avec le baroque We Are In Your Mind, dont les cordes frappées et autres distorsions psychiques offrent un écrin funeste au monologue tout aussi étrange du poète spken word Bryan Lewis Saunders, comme une plongées dans la psyché des esprits de la Loge. Un onirisme troublant que l’Australien David Shea éclaire ensuite quelque peu sur un White/Black aux claviers éthérés, hanté par l’intrigant cut-up théâtral d’un duo de voix désincarnées.

Enfin, histoire d’en rajouter une couche dans la bizarrerie méta, le duo new-yorkais Cages nous gratifie en guise de conclusion d’une reprise noise-ambient spectrale et déconstruite du fameux Sycamore Trees auquel Fallows avait déjà rendu un hommage de toute beauté sur notre volume 6, ici on est de l’autre côté du miroir et la grâce éthérée laisse place au bruitisme et à l’épouvante sur 8 minutes lancinantes aux crépitements menaçants, comme une dernière empreinte sonore du danger qui continue de roder dans la forêt de Ghostwood, bien après que les évènements de la série aient été oubliés. Un trace qui mène bien sûr à la Loge Noire, cette antichambre du néant où transitent les âmes damnées ou sauvées de l’enfer des hommes, et que vous pouvez suivre en téléchargeant librement cette 16e et dernière partie en streaming ci-dessous :