Le streaming du jour #1948 : Paulie Jan - ’Yukio (A Brief Sonic Evocation) EP’ & ’Fëa EP’

Apparu sur nos radars par le biais du collectif HEP d’Alexandre Navarro (cf. cette interview) et les très belles mixtHEP que ce dernier livre tous les quelques mois via la page Soundcloud du projet, Paulie Jan rend hommage à l’écrivain Mishima sur l’EP Yukio à la croisée d’un dark ambient sismique et d’une techno éclatée, pour mieux scinder avec Fëa ces deux pôles d’influence, originaux et remixes passant avec une surprenante cohérence sonique d’ambiances foisonnantes et enténébrées en rouleaux compresseurs rythmiques dignes d’un Kangding Ray (Hansel).

Rompu aux textures viscérales et vacillantes propres à la synthèse granulaire, aux fields recordings rendus méconnaissables par leur traitement noisy et aux synthés déliquescents, Nicolas Birot de son vrai nom est en effet de ces musiciens capables d’allier une sensibilité organique, presque lo-fi et cette attention au détail typique des producteurs ambient, un peu comme un Ben Frost en plus contemplatif (Kimitake et sa tectonique d’outre-rêve) ou un Roly Porter en moins grandiloquent (St Sebastien et ses élans funestes évoquant un monde sur le déclin), voire même le génial Terminal Sound System pour ces atmosphères post-apocalyptiques aux martèlements martiaux et aux nappes synthétiques au bord de l’érosion (Martyre).

Moins rythmique que ses sorties déjà bien mutantes et déstructurées pour le label Tripalium, Yukio (A Brief Sonic Evocation), paru sur la trop rare mais très chouette écurie rennaise Ritual Process, a été mastérisé par l’Italien Daniele Antezza au studio de son duo Dadub, un choix pas anodin quand on connaît le goût de ces derniers, aux grandes heures du label de l’Italien Lucy, Stroboscopic Artefacts, pour le genre de post-techno anxiogène et immersive aux basses fréquences abyssales et aux textures en combustion que l’on pouvait croiser, les dysrythmies façon Autechre en sus, sur les EPs Tesla ou Phase du Parisien il y a quelques années. Depuis, Paulie Jan s’est un peu détaché de cette froideur aux relents industriels, en témoignent ici l’incandescence des synthés en déréliction d’un morceau-titre magmatique et grouillant, et surtout Satori, joyau de drone mélancolique au lyrisme plus ascensionnel et rêveur qu’émaillent quelques beaux affleurements noise.


Quant à Fëa, publié par le Français en vinyle sur son propre label Intervision, il démarre sur un morceau-titre dénué de rythmique où un dense linceul de nappes mouvantes couvre les accords lourds d’un clavier presque sépulcral, Paulie Jan confiant à Cassegrain le soin d’en souligner les accents inquiétants via la tension dark techno d’un remix dont la ténébreuse cavalcade de beats deep n’est pas sans rappeler le Plastikman de la grande époque. Puis vient le sus-nommé Hansel, irrésistible entreprise de démolition digitale où les bleeps futuristes et autres nappes presque gothiques se frottent à des granulations incandescentes au gré d’un implacable martèlement techno-indus. Enfin, Frotti-Frotta tout comme sa relecture dubstep abstraite et narcotique par BLNDR exhalent un brouillard onirique qui n’aurait pas dépareillé sur les opus les plus dark de notre projet IRMxTP, c’est dire si l’on adhère, dans l’espoir qu’un album à proprement parler viendra bientôt entériner la trajectoire d’un musicien qui pourrait justement s’avérer être le meilleur héritier de Lucy.


Streaming du jour - 04.07.2018 par RabbitInYourHeadlights
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