Penelope Trappes - Penelope Two

Membre du duo electropop The Golden Filter, Penelope Trappes est également photographe, plasticienne et artiste vidéo. D’origine australienne mais résidant à Londres, elle faisait il y a un an et demi ses débuts en solo avec Penelope One, premier album paru chez Optimo Music qui dévoilait son goût pour une pop plus minimaliste et contemplative, aux sons étouffés, lentement dévoilés. Si son deuxième album, le bien-nommé Penelope Two, se situe dans la lignée de ce premier effort, il apparaît aussi comme un aboutissement de la démarche entamée l’année passée, filtrant ce son pour en tirer son essence.

1. Silence
2. Connector Voir la vidéo Penelope Trappes - Connector
3. Burn On
4. Kismet
5. Carry Me
6. Maeve
7. Exodus
8. Farewell
9. For You
10. Nite Hive

date de sortie : 26-10-2018 Label : Houndstooth Recordings

Relocalisée sur Houndstooth, label attaché au légendaire club londonien fabric, grand pourvoyeur de musiques électroniques dévoyées, Penelope Trappes accompagne cette seconde sortie d’un livre de photographies. On y observe le corps de l’artiste, mis en scène dans de grandes étendues ou dans des pièces presque vides, accompagné de quelques mots qui paraissent entrer en résonance avec ces œuvres visuelles. Un livre qui prend tout son sens à l’écoute de l’album, tant celui-ci apparaît comme une retranscription sonore de cette esthétique dépouillée.

Écouter Penelope Two, c’est donc se plonger dans ces espaces apparemment infinis, dans lesquels se déploient quelques notes de piano réverbérées jusqu’à l’horizon, de vagues textures indéfinies, et la voix de l’artiste, égrenant patiemment ses paroles minimalistes. On pense, tour à tour, au Slowdive de Pygmalion, à Grouper, au HTRK de Psychic 9-5 Club ou au sublime mais sous-estimé Sleep Heavy de Jabu, pour ces variations autour d’une pop éthérée, qui semble s’écouler selon ses propres temporalités ; il serait pourtant injuste de réduire Penelope Two à un simple jeu de références, car c’est avant tout sa propre voie que Penelope Trappes semble trouver et suivre ici.


A l’image du recueil de photographies qui l’accompagne, la figure de l’artiste semble ainsi aussi énigmatique qu’inévitable dans Penelope Two. Sur chacune de ces vignettes, quelques notes, doucement répétées, suffisent à suggérer des ambiances immersives, auxquelles la voix de l’artiste vient, en soufflant quelques mots, donner un caractère, de l’incantation éthérée à la berceuse désabusée. Plus que dans un album, c’est dans un flux sonore que l’on a l’impression de se plonger, flux décliné en dix nuances pour autant de titres. Difficile, dès lors, d’en détacher des motifs particuliers : Penelope Two fonctionne comme un ensemble dont les composantes sont indissociables, brillant chacune d’une lueur spécifique mais prenant sens dans ce délicat cocon.

Ce n’est pas que les temps forts manquent : avec Connector, Penelope Trappes nous offre ce qui s’apparente à un tube pop sombre soudainement frappé de neurasthénie, conservant tous ses aspects accrocheurs tout en se révélant condamné à un engourdissement des sens. Plus loin, on est frappé par la beauté de l’interlude Exodus, ou par celle de For You, porté par quelques lointaines notes de piano, d’un éclat froid mais fascinant. Mais c’est bien par sa composition d’ensemble, par cette succession de bulles sonores laissant doucement éclater leurs sensations, que Penelope Two nous renverse, de son ouverture à son dénouement idéal, dans un Nite Hive dont on ne sait dire s’il suscite le calme ou l’angoisse. On répondra à la question en revenant au point de départ : l’album durant à peine plus d’une demi-heure, la fin du disque soulève l’immédiate envie d’y replonger, pour retrouver cet univers contrasté mais unique.


Quand on le compare à Penelope One, c’est donc bien cette impression d’achèvement qui domine à l’écoute de Penelope Two  : Penelope Trappes semble y trouver une forme d’expression adéquate, en parfaite correspondance avec les thématiques abordées dans le livre de photographies qui l’accompagne. Un jeu de nuances, mêlant le calme et le bouleversant, la légèreté et l’intensité. Une œuvre magnifique, où le temps semble s’effacer, et dont les vapeurs reviennent nous captiver écoute après écoute.

Chroniques - 08.01.2019 par Aurélien