The Black Angels : Texas, Passover et Syd Barrett.

Dans l’univers ésotérique, à côté des anges gardiens, se trouveraient des anges rebelles : les Anges Noirs. Ces derniers auraient pour mission de nous provoquer à nous conduire au fond de nos enfers intérieurs, pour mieux nous révéler la Lumière, source de Vérité. On pourrait facilement transposer cette approche métaphysique au groupe qui nous concerne ici et qui porte le nom prédisposé de The Black Angels. Avec leur premier album, Passover, ce combo texan a offert un joyau musical à l’état pur et a comblé de bonheur ceux qui ont su percer les atouts de ce disque et ainsi découvrir et apprécier les joies d’un Paradis Terrestre. En prélude au concert du 1er mars en première partie de The Black Keys à La Cigale (Paris), Christian Bland, guitariste de The Black Angels, dévoile l’histoire, la source d’inspiration et l’univers musical du groupe en passant par son amour pour Syd Barrett : "J’écoute au moins une fois par jour The Piper at the Gates of Dawn."

Indierockmag - Tout d’abord, question traditionnelle : pourriez-vous nous présenter The Black Angels (l’histoire et la composition du groupe) et votre rôle en son sein ?

Christian Bland - Je m’appelle Christian. J’ai démarré The Black Angels avec Alex (Maas, chanteur du groupe - NDLR) en 2004. Je joue de la guitare électrique.
J’ai rencontré Alex à Seabrook (Texas) en 1993. On est allé au collège et au lycée là-bas ensemble. En 1998, j’ai quitté le Texas pour aller étudier à la Florida State University, et il est allé à la Texas State University. En 2002, quand j’ai terminé mes études là-bas, j’ai emménagé à Austin pour passer un diplôme de publicité à l’Université du Texas. On s’est revus et on a immédiatement commencé à créer de la musique. Notre premier groupe s’appelait The Black & Green Scarecrows (en référence au titre Scarecrow présent sur le premier opus de Pink Floyd - NDLR). On a joué avec plus de 50 personnes en 2 ans. En mai 2004, on a lancé The Black Angels quand Alex et moi avons rencontré Stephanie (Bailey, guitariste - NDLR), qui était également étudiante à l’Université du Texas à ce moment-là. J’ai rencontré Jennifer (Raines, drone machine - NDLR) sur myspace en juin 2004 et lui ai demandé de rejoindre le groupe. On a joué en formation de quatre à neuf personnes pendant six mois avec de nombreux membres provisoires. En novembre 2005, Nate (Ryan, bassiste- NDLR) est venu à un concert au Beerland, ici à Austin, et a remarqué qu’on n’avait pas de bassiste. Il s’est proposé mais je n’en voyais pas l’utilité à ce moment-là. Je trouvais qu’on se débrouillait bien à quatre. A notre concert suivant, à Austin, Nate est revenu, et nous a re-demandé si on avait besoin d’un bassiste… Alors, on a bien voulu le laisser venir faire un bœuf, et à partir de là, il est resté avec nous. On a fait la tournée des Etats-Unis et du Canada deux fois (une fois côte ouest, une fois côte est) en tant que formation à cinq personnes. Et puis, en décembre 2005, on a demandé à Kyle (Hunt- NDLR) de nous rejoindre en tant que multi-instrumentaliste. On avait besoin de quelqu’un qui pouvait jouer n’importe quel instrument dont aurait besoin une chanson. Alors là, on est six, et ça fait un an que c’est comme ça.

Indierockmag - Pour tous ceux qui ont écouté votre premier album, un sentiment de puissance en ressort. Passover redonne un sens aux mots musique et Rock’n Roll. Puissance, originalité et chef d’œuvre : les qualificatifs ne manquent pas. Où avez-vous trouvé votre son, identité de votre groupe ?

Christian Bland - Notre son vient de nos influences. Mon papa avait 3 disques que j’écoutais en boucle étant gamin. 1) Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band 2) Highway 61 Revisited 3) The Times They Are A-Changin . Au niveau des textes et au niveau créatif, ces disques ont changé ma façon d’écouter de la musique. Ma maman et mon papa écoutaient une radio qui passaient toujours des vieux tubes (sur 94.5 FM) alors j’ai grandi avec eux. J’étais toujours super heureux quand j’entendais un morceau des Beatles. Les dimanches matins, c’était le « brunch Beatles » que je loupais tout le temps à cause de la messe (vous voyez le topo !). Je pense que j’ai toujours mesuré la valeur de la musique par la façon dont elle se tient comparée aux vieux tubes. Il y a quelque chose de plus réel, un supplément d’âme, dans le vieux rock’n’roll que les gens ne comprennent plus de nos jours.
On aime tous le même genre de musique, mais chacun a son propre style qu’on tire de nos influences et de nos personnalités, je crois. Alors quand on mélange tous ces styles, toutes ces influences, ça donne le son Black Angels.

Indierockmag - Le Texas, Etat dont vous êtes originaires, est un territoire qui a mille légendes de sorciers et de magie noire. Avez-vous utilisé cela pour nous charmer avec Passover ? Plus sérieusement, comment avez-vous réussi à trouver l’alchimie entre tous les titres de ce premier album ?

Christian Bland - Oui, nous avons concentré toute la bizarrerie et l’histoire inexpliquée de notre Etat pour vous apporter Passover  ! Le Texas est un drôle d’endroit, avec son content de personnages folkloriques. Je vois Charlie Whitman (serial killer texan qui a tué plusieurs personnes du haut d’une tour d’observation en 1966 - NDLR) me fixer partout où je passe, depuis sa cache là haut, dans la Texas Tower. Il me fixe et je le fixe en retour.
L’album s’est construit naturellement. Chaque chanson a été écrite à un moment différent. On ne s’est pas assis en disant : « on veut écrire sur tel ou tel sujet ». Chaque chanson (le titre comme les paroles) nous est venue de différents événements qui nous ont inspiré. Peut être qu’on puisait l’énergie de Charlie ?

Indierockmag - La caractéristique du son de The Black Angels vient, entre autres, de la « drone machine ». Qu’est-ce que c’est exactement ? Comment a-t-elle fait son apparition au milieu du groupe ?

Christian Bland - La drone machine est une invention de notre ami qui nous fabrique le matériel. C’est un vieil orgue Vox, un harmonium et un Echorec. Mais c’est un peu plus compliqué que ça, en fait. C’est ce qu’on utilise pour canaliser l’énergie des morts.

Indierockmag - On peut lire, ici et là, que le nom du groupe vient d’un message adressé à un de vos amis par un OVNI, d’un titre du Velvet Underground, et d’autres explications. Pouvez-vous nous dire la vérité sur ce sujet ?

Christian Bland - Haha… Ce n’est pas un OVNI qui nous a donné le nom du groupe, on l’a trouvé nous-mêmes. Les gens nous donnaient ce nom, rapport à une chanson qu’on jouait : on l’a adopté.

Indierockmag - The First Vietnamese War, Empire, Call to Arms… Sous la révolte, on peut sentir, en écoutant vos titres, une inspiration politique. Quelle est sa place dans l’écriture de vos chansons ?

Christian Bland - Je crois que nous documentons notre époque. La guerre est un problème majeur en ce moment, alors je crois que nos chansons sont en rapport avec cela, mais nous écrivons sur un champ plus large que les simples événements actuels. Nous écrivons en métaphores qui se recoupent et peuvent être appliquées à d’autres aspects de la vie. Nous chantons sur la vérité. Les mensonges sont les lieux communs d’aujourd’hui et les gens pensent que les mensonges sont la vérité… Notre musique n’est pas une musique de protestation, c’est plutôt une constatation générale de la direction prise par le monde.

Indierockmag - J’ai écouté un nouveau titre sur une compilation Dead Bee Records qui s’intitule Syd Barrett Blues. C’est un hommage au chanteur décédé et à sa musique. Qu’aimiez-vous chez Syd Barrett ?

Christian Bland - J’écoute The Piper at the Gates of Dawn au moins une fois par jour. Il y a quelque chose dans cet album qui me remue plus que tous les autres disques que j’ai pu entendre. J’ai l’impression d’être connecté à Syd. Ses paroles et sa façon de jouer de la guitare sont si désinvoltes, c’est comme s’il était connecté à un flot de conscience dont lui seul a la clé. Sa musique a l’air d’une musique d’une autre dimension. Ses paroles me ramènent en enfance avec une imagerie de contes de fée et d’autres mots qui viennent de très très loin. C’est la musique parfaite pour s’échapper.

Indierockmag - Beaucoup de vos titres donnent une impression de kilomètres avalés et de longue poursuite dans l’espace, dans un vaste territoire. Avez-vous été inspirés par le livre « On the Road » de Jack Kerouac ?

Christian Bland - Je ne l’ai jamais lu. Nate, lui, l’a lu.

Indierockmag - A quel groupe anglais actuel ou passé pourrait-on le mieux comparer The Black Angels ?

Christian Bland - On nous a beaucoup comparés à The Verve. Je crois que c’est peut-être à cause de notre message et de nos influences psychédéliques.

Indierockmag - Qu’est ce qui vous fait vous lever le matin ?

Christian Bland - The Piper at the Gates of Dawn.

Indierockmag - A huit ans, que rêviez-vous de devenir ?

Christian Bland - Je voulais être joueur de base-ball professionnel. Personne dans ma famille n’avait jamais touché un instrument, alors jouer de la musique, c’était hors de question. J’ai toujours pensé que je deviendrais sportif de haut niveau.

Indierockmag - Quand et comment avez-vous découvert la musique et le rock’n’roll ? Quel était le premier disque que vous ayez acheté ? Quel disque vous a donné envie de devenir musicien ?

Christian Bland - J’ai découvert le rock’n’roll sur Oldies 94.5, une radio de Houston, à l’âge de 7 ans. Je me souviens de Chuck Berry, Buddy Holly, et Bo Diddley, et j’étais tellement ébahi. Il y avait quelque chose là-dedans qui m’a choppé et m’a donné envie de bouger. C’était comme être libéré de l’ennui. Le premier disque que j’ai acheté c’était Sgt Peppers Lonely Hearts Club Band . Notre platine vinyl a lâché, je ne pouvais plus écouter le 33 tours, alors j’ai acheté le CD.
C’est dur de pointer LE disque qui m’ait donné envie de faire de la musique. Je crois que ce serait le premier album de The Doors. J’ai vu «  Apocalyse Now !  » à 14 ans et la scène d’ouverture avec The End m’a donné envie de savoir jouer de la guitare.

Indierockmag - Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir compositeur ?

Christian Bland - Il y a plein de choses qui m’ont donné envie d’écrire de la musique.
La musique me libère de l’ennui de la vie de tous les jours. C’est mon échappatoire créative et un moyen de révéler mon âme. C’est en écoutant les vieux Dylan et les Beatles que j’ai voulu devenir compositeur. C’est en écoutant Syd Barrett que j’ai voulu jouer de la musique.
J’ai étudié la publicité à la fac et après 6 ans d’école, j’ai découvert à quel point ça ne me plaisait pas. Ses mensonges, ses tromperies pour faire dépenser aux gens l’argent qu’ils n’ont pas.
Je préfère chanter sur des sujets qui me tiennent à cœur et ne pas faire de pub pour du dentifrice ou du shampoing, ou quelque produit qui n’ait aucune importance à long terme. On ne vit que 70 ans si on a de la chance. Je n’ai pas de temps à perdre.

Indierockmag - Le 1er mars, vous allez donner un concert avec The Black Keys à la Cigale (Paris) et vous les soutiendrez pendant toute leur tournée. Comment en êtes-vous arrivés à jouer en première partie du groupe de Dan Auerback et Patrick Carney ?

Christian Bland - Je crois que Patrick ou Dan a acheté notre CD et l’a vraiment aimé. Alors ils nous ont demandé de partir en tournée avec eux. On a joué ensemble sur la Côte Est environ 15 dates en novembre, et ça s’est bien passé, alors ils nous ont réinvités.

Indierockmag - Y aura-t-il d’autres dates de The Black Angels en France ?

Christian Bland - Oui, on reviendra plus tard en 2007 (avec un peu de chance en été).

Indierockmag - A vos concerts, vous projetez des vidéos sur des écrans. Quel message voulez-vous adresser au public ?

Christian Bland - On est à fond dans les expériences multimédia. Ce qui inspire nos shows multimédia ce sont The Exploding Plastic Inevitable (NdT : show son et lumière d’Andy Warhol sur les concerts du Velvet Underground entre 1965 et 1967) et les concerts du Pink Floyd à l’UFO (NdT : à Londres entre 1966 et 1968) J’espère qu’on pourra amener notre projectionniste avec nous.

Indierockmag - J’ai lu dans une interview, il y a un an, avant la sortie de Passover, que vous aviez écrit presque 40 morceaux, et que vous pouviez remplir 3 albums. Avez-vous commencé l’enregistrement de votre second album ?

Christian Bland - Oui, nous avons sept titres terminés pour le prochain album, et dix chansons sont prêtes à être enregistrées. J’aimerais sortir un 2ème album en septembre / octobre cette année. Mais on verra bien. Des fois, les labels ne voient pas les choses comme les artistes.

Indierockmag - Est-ce que le son du groupe va évoluer, changer de style, éviter de réitérer certaines choses ou alors tenter quelque chose d’innovant ?

Christian Bland - Le son du groupe va évoluer, mais ce sont les mêmes membres alors nous n’allons pas sonner comme un nouveau groupe. J’espère plus d’hypno-drone.

Indierockmag - Ma dernière question : est-ce que notre webzine pourrait avoir une exclusivité ? Des noms de nouveaux morceaux, ou autre chose ?

Christian Bland - Les sept morceaux enregistrés sont :

1. Dhir Rhishi
2. 18 years
3. Snake in the Grass
4. Doves
5. Ronnettes
6. The Return (of Christ)
7. You in Color

Les autres qu’on a déjà (on les joue en live) mais qu’on n’a pas encore enregistrés sont :

1. Surf City (revisited)
2. Never. Ever.
3. You on the Run (bloodhound pt. 2)
4. Song For The Innocent
5. Mission District
6. Vikings in Furs
7. Science Killer
8. ’Pig Boat Blues’
9. More Reflections of Enduring Doubt
10. Diddley Drone
11. The P.O.W song
12. 906 Jewell

Liens :
- Chronique de Passover
- www.theblackangels.com
- www.myspace.com/theblackangels

Merci à Pierre de Dead Bees Records. Acheter Passover chez Dead Bees Records.

Traductions : Indélise et Lloyd.


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Chroniques // 3 janvier 2007
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