Tame Impala - The Slow Rush
Chroniquer The Slow Rush plus de huit mois après sa sortie a-t-il un sens ? Sorti le jour de la Saint-Valentin, à une époque où les pays occidentaux n’avaient pas encore été confinés une première fois, ce disque pourrait sembler appartenir au passé. Et pourtant, cette chronique permettra au rédacteur de gagner un petit peu de temps lorsqu’il devra composer son bilan annuel. Le quatrième disque de Tame Impala y figurera assurément à une belle place, et ce n’était absolument pas gagné à la sortie de ce dernier tant The Slow Rush véhiculait, il faut bien l’avouer, les doutes de son auteur.
1. One More Year
2. Instant Delivery
3. Borderline
4. Posthumous Forgiveness
5. Breathe Deeper
6. Tomorrow’s Dust
7. On Track
8. Lost In Yesterday
9. Is It True
10. It Might Be Time
11. Glimmer
12. One More Hour
Quelques mois avant la sortie de ce disque, Kevin Parker avait essayé de jauger ses fans en publiant Patience, présenté à l’époque comme un morceau destiné à figurer sur The Slow Rush. Celui-ci s’avérait efficace mais l’Australien a étrangement choisi d’écouter les quelques sceptiques pour l’écarter de la setlist de son quatrième LP dont il reportait d’ailleurs la sortie.
Choix étrange, donc, car ce court délai n’a sans doute pas conduit à un changement en profondeur de la tonalité du disque. Et il est vrai que, au premier abord, ce dernier peut dérouter. Kevin Parker est aujourd’hui pris entre deux feux et ne pouvait que décevoir, à moins d’enchaîner les tubes calibrés sur l’esprit de Currents, façon Let It Happen ou The Less I Know The Better, ce qui aurait été aussi difficile que relativement vain.
En effet, les fans de la première heure, ceux qui avaient adoré Innerspeaker et Lonerism, affichaient déjà quelques réserves à la sortie d’un Currents qu’ils estimaient taillé pour les radios. Taillé, certes, mais sans doute n’était-il pas pensé pour celles-ci. Il en va autrement de The Slow Rush. Sans aucun doute, Kevin Parker a cherché à séduire ses nouveaux amis, ou du moins ceux qui garnissent leur compte en banque sur son dos, comme cette célèbre chanteuse des Barbades ayant repris New Person, Same Old Mistakes, sans même prendre la peine de modifier quoi que ce soit à l’instrumentation originale.
Kevin Parker ne pouvait donc que décevoir. Alors, sur The Slow Rush, il a pris le parti de combiner des éléments plus expérimentaux que l’on imagine issus avec authenticité de sa boîte crânienne, et ceux qui séduiront les masses. C’est du moins l’analyse que l’on pouvait en faire à chaud.
Mais plus de huit mois après, The Slow Rush s’invite avec insistance sur la platine, témoignant aussi bien de son accessibilité que de son intérêt, le talent de producteur de Tame Impala le conduisant à introduire moult détails qui supportent aisément les écoutes compulsives. Et s’il fallait voir dans la genèse de ce disque une autre histoire ?
Incontestablement, l’Australien a fait le choix de se renouveler, et nous n’avons pas l’habitude de condamner cet allant. The Slow Rush est un disque singulier dans la discographie de Tame Impala mais, pour plaire au plus grand nombre, Kevin Parker a choisi de délaisser les guitares pour associer des synthés, parfois délibérément cheap, à des parties rythmiques toujours aussi soignées et qui constituent la colonne vertébrale du "son" de Tame Impala.
Il n’en reste pas moins que l’audace et la créativité demeurent. Comment expliquer les choix effectués sur le sommet Breathe Deeper - sans doute l’un des morceaux de l’année 2020, tous artistes confondus - sur lequel l’Australien rompt de manière abrupte la mélodie principale pour l’orienter vers une deuxième partie où le morceau semble ingurgité par une cassette analogique, puis une troisième plus psychédélique. Comment expliquer, également, que cet album n’ait pas séduit les masses ? Nous conseillerons aux mauvaises langues se contentant d’expliquer que The Slow Rush est un disque raté de s’initier à la pensée complexe tant l’argument est creux.
Seul le single Lost In Yesterday a d’ailleurs - timidement - séduit les ondes, et ce n’est pas un hasard tant il est classique dans sa construction. Les nappes éthérées, les rythmiques tranchantes, la basse en rupture et la voix doublée sonnent comme du Tame Impala typique - et c’est d’ailleurs un morceau très agréable - mais son relatif succès rend compte du casse-tête qu’est celui de l’Australien : quel camp choisir entre l’expérimentation et les masses ?
Sur The Slow Rush, Kevin Parker a certainement manqué de radicalité dans ses choix, et nous espérons vivement qu’il tourne le dos à cette industrie dont l’intérêt pour lui est évidemment extramusical. Pourtant, avec des titres léchés (Breathe Deeper, One More Year, Lost In Yesterday, Is It True, Borderline, It Might Be Time), et malgré quelques déchets (mais cela n’a-t-il pas toujours été le défaut des disques de Kevin Parker ?), il parvient à produire un album passionnant, plus merveilleusement produit que jamais, si bien que l’aspect rétro de certaines nappes de synthé et deux ou trois facilités ne pèsent plus très lourd au moment du bilan.
The Slow Rush résiste à l’épreuve des mois, et c’est un indicateur suffisamment important pour en tenir compte et réhabiliter un disque délaissé trop hâtivement par bon nombre d’auditeurs qui pourraient l’apprécier voire l’adorer.
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