IRM Expr6ss #12 - spécial ambient : The Necks, Wahn, Thamel, Madeleine Cocolas, Alex Smalley, Maps and Diagrams

Passion récurrente d’IRM depuis une bonne quinzaine d’années, on n’a évidemment pas besoin d’une occasion particulière pour vous parler d’ambient, et le genre dans toute son envergure transverse recoupant notamment l’electronica, le modern classical et certaines musiques à guitare expérimentales et atmosphériques constitue probablement plus que jamais l’un des grands viviers de talents que comptent aujourd’hui les musiques actuelles. Autant dire que nos quelques douzaines de chroniques annuelles ne sont qu’une goutte dans l’océan des découvertes à y puiser, et qu’il ne fut pas difficile de sélectionner six grands voire très grands disques parmi tous ceux que l’on brûle de mettre en avant sans avoir forcément le temps ou l’inspiration du moment.




- The Necks - Bleed (Northern Spy, 18/10)

"Jamais tout à fait là où on les attend" est devenu le marronier du chroniqueur pour parler de n’importe quel album de The Necks. Toujours verts après plus de 3 décennies d’activité et quelques 23 albums, le pianiste Chris Abrahams, le batteur Tony Buck et le contrebassiste Lloyd Swanton laissent cette fois assez loin derrière les derniers codes du jazz qui irriguaient encore leur libertaire Travel de l’an passé, également marqué par la tension hypnotique du krautrock. Ici avec Bleed, constitué d’un unique morceau de 42 minutes, c’est l’ambient qui prend le dessus : le piano égrène ses arpèges et accords épurés sur fond de silence et de nappes texturées intégrant notamment reverbs, percussions cristallines et roulements de batterie épars, flirte tantôt avec l’atonalité, tantôt avec le modern classical, avec des interventions ponctuelles de la contrebasse comme vecteur de tension et même d’une guitare qui n’est pas sans évoquer, surtout en fin de disque, l’ambient post-rock évanescent d’un Labradford. Très probablement l’un de leurs opus où les Australiens se réinventent le plus radicalement, au point déjà de décevoir quelques fans hardcore ce qui, au fond, est plutôt une bonne nouvelle. Grand disque !



- Wahn - Drifted Vol. 2 (Mahorka, 13/09)

Le Rennais Erwan Charier débarque chez Mahorka, label décidément de plus en plus francophile, avec un second volet de Drifted, suite d’un album paru plus tôt dans l’année sur le label local After Affects Rec. Cette fois l’approche, bien que souvent dynamique sous l’effet conjugué des glitchs et des motifs en boucle, est moins ouvertement rythmique, sans beat à proprement parler (Maybe Tomorrow et l’urgent Lost Factory en étant deux parfaits exemples), l’importance du piano moins saillante (hormis sur les très modern classical Part Time Life et Walking Alone), les sonorités moins électroniques : Drifted Vol. 2 s’inscrit plutôt dans la continuité des morceaux les plus dronesques et organiques de l’opus précédent, avec des textures très denses et contrastées, parfois presque orageuses (Southern Cross) ou post-industrielles (No More Poison), et une tension non moins présente (Blacksun) entre deux passages introspectifs et oniriques (Bucolica et ses arpeggiators kosmische, ou le scintillant Bad Apple). Une véritable progression en l’espace de quelques mois, pour en arriver à l’un des albums les plus magnétiques du genre cette année.



- Thamel - Tomorrow the sunshine (Autoproduction, 23/02)

Et en parlant de magnétisme, la dernière sortie de Jérôme Mardaga aka Thamel n’est pas en reste. Toujours adepte des improvisations maîtrisées sur synthés modulaires, le musicien belge dont on avait notamment chroniqué l’an dernier l’album Benaco déroule ici en une quarantaine de minutes deux longs crescendos d’abord élégiaque et brumeux pour le premier, d’où paraissent s’extirper les impressions diffuses d’un lointain passé, tandis que le second morceau, laissant entrer davantage de clarté, semble s’élever vers une forme de sérénité et même un certain élan vital retrouvé avec la frénésie lyrique de cette coda aux arpeggiators acoustiques du plus bel effet.



- Madeleine Cocolas - Bodies (Room40, 12/04)

Alors que voit justement le jour chez Room40 un nouvel album de Celer, choisir une sortie à mettre en avant ici parmi le riche catalogue du label australien cette année ne fut pas chose aisée, en dépit des quelques sommets déjà chroniqués dans nos colonnes (citons notamment Pinkcourtesyphone et surtout David Grubbs, que ce soit au côté de Loren Connors ou avec Liam Keenan). Tant pis, David Shea, Olivier Cong, Mike Cooper ou l’album posthume de feu Steve Roden ce sera pour plus tard (espérons), et honneur aux dames avec Madeleine Cocolas, elle-même australienne et active depuis une petite dizaine d’années dans le champ des musiques expérimentales versant ambient avec des sorties chez Futuresequence et Someone Good, puis un premier opus chez Room40, Spectral, il y a deux ans de cela. Avec la musicienne, spécialiste du sound design, on est dans un drone où chaque morceau s’étend peu à peu et prend de l’ampleur, se nourrissant d’arrangements synthétiques et de motifs vocaux (cf. Drift ou Bodies I) lorsqu’il ne privilégie pas un minimalisme saturé néanmoins riche en harmonies subtiles à la manière du patron Lawrence English (A Current Runs Through, Exhale), qui comme souvent mastérise. Un album d’une beauté irréelle, influencé par les rapports entre le corps et l’élément aquatique.



- Alex Smalley - Wave Particles (Facture, 3/05)

Génie de l’ambient séraphique à connotation néo-classique avec Olan Mill, ou plus minimaliste et abstraite quoique tout aussi délicate et éthérée avec Pausal, Alex Smalley retrouve sa moitié Maria Smalley (avec laquelle il forme désormais le prometteur duo poptronica Circle To Square) et la violoniste Jane Wild de Seafoxes, toutes deux présentes sur son Moments At The Re-engage de 2023, et revient dans le giron du label bristolien Facture 12 ans après le merveilleux Paths. Résultat, un petit bijou d’impressionnisme aérien où les chants d’oiseaux se mêlent à la petite musique des anges, cordes et choeurs féminins rehaussant de leur lyrisme gracile le foisonnement des vibrations harmoniques et des chatoiements électroniques.



- Maps and Diagrams - if all will be lost (Quiet Details, 7/02)

Avec désormais une belle sortie par mois, Quiet Details est décidément devenu un incontournable des sphères ambient pures et douces (cf. nos chroniques des albums de Seabuckthorn et zakè cette année). En la matière, l’Anglais Tim Martin est évidemment un cador et ce depuis une vingtaine d’années maintenant, autant dire que ce ne fut pas vraiment une surprise de le voir rejoindre la toute jeune écurie britannique avec un nouvel opus de Maps and Digrams tout en rêveries lunaires, if all will be lost, où de délicates nappes de hiss côtoient synthés opalescents aux motifs parfois presque percussifs, field recordings abstraits, distorsions érodées et harmonies embuées sur des titres longs et immersifs, parfaits pour l’introspection dans une bulle de savon emmitouflée de coton.


Articles - 19.10.2024 par RabbitInYourHeadlights
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