A Pyxie Worm - Horizontal & Vertical

Il est certains artistes, notamment dans le rock anglais, dont la vanité et la prétention ne peut que décourager toujours un peu plus d’écouter leurs disques. Mais à l’opposé, d’autres musiciens, en général bien plus passionnants, font preuve d’une telle humilité que c’en deviendrait presque insolent. Ainsi, sans rien connaître du physique des mystérieux A Pyxie Worm, difficile de se les imaginer avec la grosse tête lorsqu’après avoir annoncé un nouvel EP pour faire suite à leur prometteur Formica And Cork Tiles (chroniqué l’été dernier dans nos pages), puis deux au lieu d’un, le duo électro londonien finit par nous livrer en guise d’EP un véritable double-album tout en richesse et en profondeur de champ, dont l’électronica pointilliste et les claviers analogiques approchent d’abord au plus près les cîmes évocatrices des paysages mentaux de Múm ou Boards Of Canada pour mieux les redessiner au carré sur le dance-floor.

Horizontal :

1. Dark Shores
2. Cardinal Numbers
3. Sleepers
4. VerVox
5. On Stand-By
6. Where Have You Been ?
7. Vigorare
8. Drifting Sands
9. Daydreamer

Vertical :

1. You Surprise Me Every Time
2. Soft Robot
3. G-Whizz
4. The Waggle Dances Of Honeybees Convey The Direction, Distance And Desirability Of Food Sources
5. Digital Synapse
6. Frentik
7. Confound Or perplex
8. Terminus
9. Annelid

date de sortie : 07-05-2007 Label : Autoproduction

Débarqué sans trop savoir pourquoi ni comment sur Horizontal , on arpente déjà comme dans un vieux film ou un rêve éveillé un paysage de bord de mer dont l’étrange beauté s’étend à perte de vue. Inconnue et possiblement habitée d’une faune et d’une flore dangereuse, cette planète n’en est pas moins fascinante et même par moments étonnamment familière. Ainsi, alors même que la nuit commence à tomber, on y découvre bientôt, sous les cris des oiseaux de mer, l’architecture gothique d’un château moldave dont les cliquetis métalliques sont à peine couverts par le fracas des vagues du fjord islandais sur lequel ses vieilles pierres sont campées (Dark Shores). Les notes égrenées d’un clavecin tout à fait dans le ton de l’endroit nous invite à y pénétrer par la bouche béante qui lui sert d’entrée. On y passera la nuit à essayer vainement de dormir, retenu par les sifflements doucement inquiétants du vent infiltré dans les couloirs.

Au petit matin, nous reprenons la route plein Est, en suivant une paire de rails face à un soleil éblouissant. Soudain, un tram rempli de touristes scandinaves un peu déboussolés mais en grande discussion nous rejoint dans un flot de clapotis saccadés et s’arrête à notre hauteur (Cardinal Numbers). Il nous mènera au travers d’un désert de sel, avec pour seul compagnon le doux bruissement des wagons, jusqu’à une station bondée (Sleepers). Une fois dehors, on contourne le bâtiment pour se retrouver, bouche-bée, devant la beauté exotique d’une plage abandonnée dont le sable fin se perd dans l’eau turquoise d’une mer intérieure, encerclée par une forêt d’arbres vert pomme d’où les oiseaux sifflotent un air de bossa-nova (VerVox).

Mais soudain un gigantesque tube transparent, avec soudée à l’intérieur sur toute sa largeur une échelle bourrée de diodes et autres microcircuits électroniques multicolores, commence à sortir de l’eau dans le plus grand silence et à s’élever de plus en plus haut, jusqu’à tutoyer, le ciel, le soleil, les anges (On Stand-By). Une fois le tube immobilisé, on réalise qu’une ouverture à taille humaine est découpée à sa base. Résolu à l’emprunter et à découvrir où tout cela peut bien mener, on y pénètre et on commence à grimper, échelon après échelon, pour bientôt se retrouver perdu dans une brume nuageuse aux couleurs pastel, irréelles, dont l’épaississement voit peu à peu décliner la luminosité ambiante. Poursuivant l’ascension en tâtonnant, on atteint soudain le bout de la route : une trappe métallique sans poignée, que rien ne semble pouvoir ouvrir de l’intérieur. Elle s’ouvre néanmoins, sans qu’on y soit pour rien. Au-dessus de nous, un comité d’accueil d’une dizaine de personnes, vêtues d’élégantes combinaisons blanches de spationautes. En tête, une femme, qui s’avance vers nous en souriant et demande : "Where have you been ?" Derrière eux, une métropole futuriste toute en hauteur, aux lignes pures et majestueuses. Une ville dans les nuages.

Aucun de nos guides ne prononcera d’autre mot. A leur suite, on parcourt les boulevards déserts et immaculés de cette cité stratosphérique pendant un temps qui semble être une éternité. Une infinité de gratte-ciel gigantesques, ou plutôt de gratte-nuages puisqu’en guise de ciel il n’y a que cirrocumulus et autres nimbostratus, mais pas le moindre signe de vie, animale ou végétale, en dehors bien sûr de notre petit groupe d’accompagnateurs... qui soudain commencent à disparaître un à un sous nos yeux incrédules, alors même que s’efface progressivement autour d’eux boulevards et gratte-ciel, jusqu’aux nuages eux-mêmes qui se mettent à vibrer pour finalement laisser place à... un toit charpenté, des murs en bois décorés d’affiches publicitaires pour des boissons alcoolisées, un bar rustique et son irascible barman, des tables, des chaises, une petite scène et un groupe folklorique qui s’en donne à coeur-joie (Vigorare). Nous voici donc dans un véritable pub irlandais, apparu on ne sait trop comment et qu’on n’aura pas même le temps d’embrasser du regard avant qu’il ne se mette à son tour à vibrer pour laisser apparaître un paysage de Colorado, désert de pierres et canyons vertigineux sous un soleil de plomb, dans l’ondulation hypnotique d’un mirage en lévitation (Drifting Sands).

Mais cette beauté irréelle ne saurait cacher très longtemps un danger bien réel : celui d’y perdre sa route et de finir assoiffé, desséché, loin de tout, sans le moindre espoir d’être retrouvé. A cette idée, la vague inquiétude qui nous tenaillait se transforme rapidement en panique et, comme si l’univers lui-même n’existait que pour répondre à nos sentiments et nos émotions, un brouillard à couper au couteau tombe subitement, comme un linceul. Confus, on se prend à courir en tous sens, sans repère, et alors que tout semble perdu et que l’on envisage d’abandonner la lutte, une nouvelle mélodie irlandaise nous enlace et nous guide, telle le fil d’Ariane, à travers un obscur dédale qui s’ouvre sans prévenir et s’évapore dans le néant (Daydreamer).

C’est alors qu’on la découvre. Une tour vertigineuse suspendue dans le vide tout comme le chemin qui y mène et que l’on se risque à emprunter, un édifice monumental au design futuriste dont chaque étage pourrait contenir un terrain de tennis. Vertical , c’est ce qu’on peut lire en immenses lettres rouges sur toute la hauteur du bâtiment, une lettre sur chaque étage mis à part le dernier sur lequel est inscrit le simple mot "dance-floor". Alors que l’on s’approche, le gros black de l’entrée nous jauge des pieds à la tête puis finit par s’écarter pour nous laisser franchir la double porte métallique grande ouverte derrière lui. A l’intérieur : une véritable orgie.

Au premier étage, George Clinton et Talvin Singh essaient tant bien que mal de prendre John Barry en sandwich malgré ses soubresauts dignes de James Bond, au deuxième les Chemical Brothers ressuscitent le flower-power en remixant Plastikman, au troisième Fatboy Slim rejoint Sigur Rós au septième ciel, au quatrième les Dust Brothers s’en prennent violemment à Kraftwerk, au cinquième c’est John Carpenter qui grimpe sur Aphex Twin tandis que ce dernier s’agite pour le faire descendre de là, au sixième Roni Size fait chanter les âmes en peine de fantômes lascifs hypnotisés par un indien fou armé de tablas, au septième Boards Of Canada joue à saute-mouton avec GusGus, et au huitième Joe Hisaishi fait ramper Vangelis et Jean-Michel Jarre comme il faut.

Le dernier étage nous laissera au vestibule, devant une porte haute-sécurité estampillée "VIP" en lettres dorées, gardée par un autre black plus baraqué encore que le premier. Intraitable, il nous avouera tout de même que James Lavelle, DJ Shadow et Autechre ont l’habitude de se réunir là dans le plus grand secret pour jouer du didjeridoo à l’abri des oreilles indiscrètes...


Pour découvrir A Pyxie Worm, rendez-vous sur myspace où trois extraits de leur premier EP Formica And Cork Tiles ainsi que des wormcasts (comprendre "trailers musicaux") de Horizontal et Vertical sont en écoute. Et pour les plus gourmands, le duo a même installé, sur la page de chaque album dans l’onglet "discography" de leur site officiel, un player permettant d’en écouter tous les morceaux en entier ! Toutefois, si vous appréciez leur musique, n’en oubliez pas de soutenir ces talentueux londoniens en achetant leurs EP/albums, d’autant qu’ils sont également auteurs d’un artwork tout ce qu’il y a de plus classe.

Chroniques - 01.07.2007 par RabbitInYourHeadlights
 


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Chroniques // 2 octobre 2006
A Pyxie Worm

Fort d’un joli succès sur myspace ces derniers mois, A Pyxie Worm, duo londonien d’origine mais islandais dans l’esprit, part enfin à la conquête du vaste monde avec un premier EP autoproduit des plus prometteurs.