Brakes - Touchdown

Branleurs devenus conquérants, les Fab Four de Brighton marient avec une ambition inédite l’élégance anglaise et l’urgence américaine sur ce troisième album aux allures de classique instantané.

1. Two Shocks
2. Don’t Take Me To Space (Man)
3. Red Rag
4. Worry About It Later
5. Crush On You
6. Eternal Return
7. Do You Feel The Same ?
8. Ancient Mysteries
9. Oh ! Forever
10. Hey Hey
11. Why Tell The Truth (When It’s Easier To Lie) ?
12. Leaving England

date de sortie : 20-04-2009 Label : Fat Cat Records

On avait toujours vu les Brakes comme le petit frère débraillé, celui qui fait comme ça lui chante quand ça lui chante, seulement si ça lui chante et sans jamais forcer de trop, qui pousse les petits cousins à faire les quatre cents coups en marge des réunions de famille sans avoir l’air d’y toucher, cache son intelligence au fond de la classe côté radiateur et imite les profs à la récréation pour faire rigoler les copains.

On avait aimé Give Blood, sa nature d’instantané indomptable, irréductible car déjà réduit au maximum (cf. les dix secondes de Cheney - "don’t be such a dick !" - en "hommage" à l’ex vice-président américain), son côté je-m’en-foutiste et foutraque aussi, ses charmes féminins inattendus (des Pipettes sur Sometimes Always à Liela Moss de The Duke Spirit pour la fameuse reprise de Jackson), et peut-être encore davantage The Beatific Visions, en gros pour les mêmes raisons mais avec moins de filles, moins de testostérone aussi, un peu plus de tenue et beaucoup plus de country. Rien à faire néanmoins, il manquait toujours quelque chose, ou plutôt quelques petites choses. Alors que l’aîné The Electric Soft Parade, dont les frères et leaders Thomas et Alex White tiennent respectivement la guitare et la batterie de Brakes, développait à chaque album un univers toujours plus riche et maîtrisé, gagnant en subtilité d’écriture comme en profondeur de production pour finalement passer avec le parfait No Need To Be Downhearted du statut de petit groupe anglais prometteur à celui de futur classique de la pop à guitares, le cadet un peu branleur sur les bords semblait ainsi se complaire dans l’ironie et la désorganisation, parodiant avec talents ses modèles anglais (les Buzzcocks ou Gang Of Four mais aussi les écossais de The Jesus And Mary Chain) comme américains (des Pixies à Weezer en passant par 50 ans de rockabilly) mais rechignant à laisser infuser et cristalliser une bonne fois ces influences pour nourrir une personnalité et une sensibilité pourtant indéniables à l’écoute de morceaux tels que Beatific Vision ou No Return.


La vidéo délicieusement absurde de l’explosif Hey Hey.

Que manquait-il alors ? Peut-être un producteur digne de ce nom pour canaliser un minimum ce flux d’énergie et de créativité digne des débuts de British Sea Power - vous savez, du temps où le frontman des Brakes, Eamon Hamilton, et leur bassiste Marc Beatty en étaient respectivement claviériste et ingénieur du son - et forcer le groupe à se poser un peu, à trouver une ligne directrice au lieu d’enregistrer 16 morceaux live en une semaine comme pour Give Blood ou de simplement aligner les hits country/punk toutes guitares dehors à la façon de The Beatific Visions  : une résolution prise semble-t-il avec Touchdown, nos quatre amis en ayant confié les manettes à Paul Savage de feu The Delgados, déjà responsable cette année du retour en forme de King Creosote ou du premier opus particulièrement homogène de The Phantom Band.

Un producteur donc, mais surtout suffisamment d’ambition pour ne plus demeurer le défouloir musical que l’on connait. Et c’est bel et bien là que le changement s’avère radical : le groupe ne se contente plus de régurgiter avec un plaisir communicatif les gimmicks de ses idoles mais développe de véritables morceaux, d’une durée parfois même supérieure aux trois minutes, ce qui du temps de Give Blood nous aurait paru totalement saugrenu. Et pourtant, en digérant la grandeur des Who, l’urgence des Buzzcocks, l’épure mélodique de Big Star, la densité sonique du shoegaze (cf. l’entêtant Oh ! Forever), la section rythmique idéalement minimaliste des Pixies et le lyrisme pop de Weezer (voire des grandes heures de Nada Surf avec le crève-coeur Do You Feel The Same ?, sur lequel le chant d’Eamon Hamilton mime de façon étrangement naturelle celui de Matthew Caws), avec toujours le même sens de la concision - certes pour la première fois l’album dépasse la demi-heure, mais 36 minutes ça file toujours très, très vite - et en minimisant cette influence alt-country parfois un peu trop envahissante sur leur deuxième album, les Brakes ont enfin trouvé la clé pour libérer un songwriting aux envies foisonnantes qui se fait tour à tour épique (Don’t Take Me To Space Man), tendu à bloc (Two Shocks), vindicatif (Red Rag), faussement candide et vraiment cynique (Crush On You), pétri d’ironie et de mélancolie sous ses dehors fervents (Eternal Return), simplement lumineux (Worry About It Later), romantique à sa manière (la piste cachée First Dance) et finalement ouvert sur un futur plein de possibilités avec ce Living England final, peut-être la plus belle chose qui soit arrivée au folk-rock acoustique depuis le #1 Record des sus-nommés Big Star.


Un second single, Don’t Take Me To Space (Man), à faire pâlir de jalousie Pete Shelley et Pete Townshend réunis.

En attendant de vérifier si les British Sea Power, dont le quatrième album The Man Of Aran sort justement aujourd’hui, en ont terminé avec les dérives grandiloquentes qui gâchaient l’ambition de leur précédent opus Do You Like Rock Music ?, les amateurs de mélodies racées et de guitares conquérantes ont donc leur refuge tout trouvé avec ce Touchdown aussi brillant et addictif que généreux.


Brakes sur myspace : www.myspace.com/brakesband

A lire : Eamon Hamilton commente Touchdown morceau par morceau pour Magic RPM.

Chroniques - 18.05.2009 par RabbitInYourHeadlights
 


News // 31 juillet 2006
Un second Brakes s'impose

Amon Hamilton (British Sea Power), Tom White (The Electric Soft Parade), Marc Beatty (The Tenderfoot) et Alex White (The Electric Soft Parade) alias Brakes se sont remis au travail. Difficile d’imaginer à quoi ressemblera le successeur de Give Blood paru en 2005, tellement il était apparu aussi concis que dense et imprévisible (16 titres, 29 (...)