Pourquoi Mars Argo n’est pas inrockuptible ?

C’est vrai ça, ils ont pourtant tout pour figurer en couv’ et flirter avec le buzz à la sauce inrocks, ce duo originaire du Michigan. Que je vous explique la technique :

- Idéalement, il faudrait que l’article tienne en trois pages, ou deux c’est déjà pas mal comme en témoigne (ce n’est qu’un exemple) cet article autour de l’album Brotherocean de Syd Matters. Parce que je ne sais pas si vous aviez remarqué, mais un compteur du nombre de vues (+ de 15000 à l’heure où je vous parle pour cet article) est arboré fièrement sur les inrocks. Où comment flatter son ego et faire croire aux artistes que c’est LE magazine dans lequel il faut être ! Sauf que, le simple fait de lire les deux pages compte pour 2 vues, sauf qu’un simple refresh (intempestif si vous voulez simuler de la notoriété) fait grimper le compteur. Et on ne compte pas les visites des moteurs de recherche qui doivent finir par peser dans la balance. Oui c’est programmé avec les pieds, oui ça ne veut rien dire, oui on se fait mousser. Au final, les presque 3000 visites de notre chronique sont certainement moins nombreuses que chez les inrocks mais la différence n’est pas celle que l’on croit, au mieux le double.

- Je suis également surpris qu’elle n’ait pas eu droit aux honneurs, la formation un gars, une fille composée de Mars Argo et Titanic Sinclair. Déjà rien que les noms, ça sonne bien. Et puis ils sont déjà, comme souvent chez les inrocks, propres sur eux avant même d’avoir connu la gloire, tout pour plaire quoi. C’est peut-être là où le bât blesse, ça manque de drogue (un des sujets les plus défendus sur les inrocks depuis le changement de direction), et c’est toujours pas signé sur un label honorable, donc je crois que c’est mal barré pour Mars Argo en couv’ des inrocks.

Alors quoi, un billet sans queue ni tête et à peine développé, juste pour dire du mal des inrocks (qui pourtant n’ont pas que des défauts) ? Un mélange d’humeur et de découverte qui dessert l’objectif initial à savoir vanter les mérites d’un bon petit groupe, Mars Argo, qui n’est peut-être pas parfait mais qu’il faut écouter ? Il y a un peu de tout ça hélas, mais je vais essayer de sauver les meubles.

Mars Argo seule, interprétant Suicide Birds à la guitare avec une voix qui traîne en beauté à la façon d’une Alison Shaw (Cranes) :

En duo, le temps d’un Electric Car, c’est simple mais idéalement filmé pour faire connaissance :

Et Spider In My Bathtub, avec juste 2 photos en boucle mais qui donne la mesure de jusqu’où peut mener un tel duo de charme, notamment du côté de Bandcamp où leur album Technology Is A Dead Bird (mais pas de bol, ce dernier morceau n’est pas sur l’album, peut-être sur le prochain) est disponible à l’écoute ou au téléchargement pour pas cher :

Voilà, vous avez le choix, sexe, drogues et petites magouilles sur les inrocks ou découvertes au petit bonheur la chance sur des webzines tel que le nôtre (et on n’est pas les seuls). Mais quoi qu’il arrive, ne vous fiez à personne, n’écoutez que votre bon goût (et accessoirement, venez le partager sur ce forum).


  Blog - 11.11.2010 par indie


Un garçon tourmenté ?

Non pas de sombre héros dans ce billet, ni même de beau gosse qui viendrait pleurnicher la guitare en bandoulière. Pas de rigolade non plus, même si le couple musical et canadien de PS I Love You ferait presque figure de Laurel et Hardy du rock indé. Et comme leurs pairs cinématographiques, le duo fonctionne carrément bien, regardez plutôt.

Vous voyez qu’il y a du soucis à se faire pour ces gens là ... enfin pas trop quand même, leur album Meet Me At The Muster Station vient de sortir le 5 octobre dernier chez Paperbag Records. Faudra aussi que les gens achètent des disques, histoire que Paul Saulnier se rachète une chemise présentable (parce qu’il tourne beaucoup en ce moment outre-Atlantique).


  Blog - 10.10.2010 par indie


Création et internet : lettre ouverte à Patrick Zelnik

On épargnera ce brave Jack Lang, second intervenant du débat "A qui profite la création ?", plus nuancé dans ses propos que l’ancien patron de Virgin France et du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) qui à l’occasion des rencontres lyonnaises du Forum Libération Planète Durable a fait preuve de toute l’hypocrisie requise pour justifier la position des majors (et par extension du gouvernement) sur une éventuelle taxation des fournisseurs d’accès, moteurs de recherche et autres poids lourds américains du service web - recommandée par son rapport de janvier dernier pour financer les industries culturelles et rémunérer, soi-disant, les acteurs de la création.


Non que l’ancien ministre de la culture n’ait pas eu sa part dans le lot d’énormités proférées devant le public clairsemé du petit amphithéâtre de l’Opéra de Lyon - 80 personnes à tout casser sans compter les journalistes passés 5 minutes pour faire leur photo, le débat lui n’est pas vendeur mais comme débat il n’y a pas eu entre deux intervenants à peu près d’accord sur tout, personne n’a rien perdu. On relèvera notamment la proposition de taxer les disques durs internes - merci d’avance pour ceux qui n’ont pas l’envie, le besoin ou les moyens d’accéder à internet chez eux - avant de faire marche arrière - "ça n’était qu’une proposition" - lui qui admet volontiers trouver l’actuelle mouture d’Hadopi imparfaite non sans avoir évidemment jugé bon de voter pour son application.

Mais le sieur Zelnik, se positionnant d’entrée du côté des artistes émergents pour réfuter d’avance toute accusation de partialité dans son cumul des postes, et prévenant toute critique en priant le public de ne pas diaboliser les maisons de disques avant de s’attaquer lui-même à Google et iTunes taxés de profiteurs dans un élan d’anti-américanisme primaire, fut autrement plus sournois, du moins jusqu’à nos questions éludées par un exercice plus ou moins habile de la langue de bois.

Commençons néanmoins par le commencement, à savoir l’échange de lieux communs qui devait durer plus d’une heure (de la protection des droits d’auteurs à la défense de l’exception culturelle, chacun sait pourtant que ce n’est pas à ça que servent la gestion des droits numériques ou les moyens de lutte contre le piratage mis en place par Hadopi, mais ça paie toujours de se passer un peu de pommade en remettant sur le tapis les acquis du passé avant de se confronter aux échecs du présent) : en ce vendredi matin, il ne fallait surtout pas déranger la promenade de santé de nos deux "régulateurs" tels que les présenta René Solis, le monsieur Loyal de Libération parfait dans son rôle d’animateur consensuel, sans qu’aucun d’eux ne sourcille à cette évocation précautionneuse de son rôle dans la réglementation actuelle de la diffusion des œuvres sur internet - Jack Lang toutefois se reprendra sur la fin : "Je suis plutôt un libéral qu’un contrôleur", taclant timidement au passage une certaine presse de propagande sans la nommer, c’eut évidemment été superflu.

Le décor posé, entrons sans plus tarder dans le vif du sujet, à savoir l’objet ou plutôt "les objets" de cette lettre ouverte puisqu’avec moins d’une demi-heure consacrée aux questions du public (encouragé à ne pas livrer de trop longues réflexions) nous n’avons pas eu l’occasion, monsieur Zelnik, de déjouer vos diversions. Quelques éclaircissements de rigueur en guise de préambule et de profession de foi : non, nous ne diabolisons pas les maisons de disques puisque nous sommes en relation avec nombre d’entre elles (sans obligation d’aucune sorte évidemment, comme nos lecteurs les plus assidus auront eu maintes occasions de le constater). Et oui, lorsque vous parlez sans grande clairvoyance de "pollution sonore" comme cause majeure de la crise du disque alors qu’il est de notoriété publique que la médiocrité fait vendre à condition que les médias soient de la partie (et hélas ils le sont bien trop souvent dès lors qu’il s’agit des majors), vous nous donnez l’impression d’oublier que votre label Naïve, c’est certes Girls In Hawaii, John & Jehn, AS Dragon ou Laetitia Sheriff, mais c’est aussi Pascal of Bollywood, Al Peco, Lord Kossity ou encore... Carla Bruni (tiens ?).

Vous critiquez - à juste titre - la domination d’iTunes dans le secteur du téléchargement payant, et avancez des chiffres abracadabrants pour justifier la nécessité d’une Carte Musique Jeunes qui prévoit comme par hasard un quota implicitement destiné à réduire la part de marché du géant américain. Mais savez-vous que d’après notre sondage de juin 2009 mené auprès d’un public de passionnés, les moins de 26 sont prêts à mettre plus d’argent dans un CD (11,5 euros pour une édition classique et 17,4 euros pour une édition limitée en moyenne) que les plus de 26 ans, et moins d’argent au contraire dans une version mp3 qui ne leur donne pas le sentiment de "posséder l’œuvre" pour une majeure partie d’entre eux ? Ou le marché qui vous intéresse serait-il uniquement celui de cette fameuse "pollution sonore" qui forcément concède du terrain en CD comme tout produit de consommation courante qu’on préfère bien souvent acheter à prix discount voire au "marché noir" quand on n’a rien d’autre à y perdre que le résultat d’un marketing sans âme (de l’emballage aux éventuels bonus).

Or que répondez-vous lorsque l’on vous met face au paradoxe de soi-disant vous inquiéter de la rémunération des artistes et de cautionner dans le même temps des plates-formes de streaming qui demanderont à l’auditeur d’écouter 454 902 fois un album de dix titres (Spotify, dont vous n’hésitez pourtant pas à faire la publicité et nous non plus d’ailleurs, mais pour de tout autres raisons) afin que son auteur puisse y gagner l’équivalent de la vente de 143 CD autoproduits (ou de 1229 téléchargements via iTunes soit dit en passant)* ? Rien, évidemment. Et pourtant monsieur Zelnik, encourager les jeunes qui voudraient acheter des CD à prendre l’habitude d’user du streaming comme finalité d’écoute et non pas comme un moyen de découvrir avant d’acheter - pourtant la seule utilisation saine que l’on puisse en faire vis-à-vis du respect des droits d’auteur que vous prétendez défendre, et ça les quelques 175 labels affiliés à cd1d.com avec leur taux de rémunération exemplaire l’ont bien compris - la voilà votre réponse à la crise de l’industrie musicale. Et tout ça pour quoi ? Faire gagner moins d’argent aux artistes ? C’est justement là que l’on devrait se demander à qui profite la création... si tant est qu’on ne le sache déjà.

(* source : Mashable)

Et à ce propos justement, vous qui accusez iTunes et Amazon de la disparition massive des disquaires - lesquels ne les ont pourtant pas attendus pour mettre la clé sous la porte - et aimeriez pourtant précipiter leur perte en adaptant à l’industrie musicale en ligne la loi Lang sur le prix unique du livre pour mieux prendre leur place avec la Carte Musique Jeunes précédemment citée (début de la fin prévu pour le mois prochain), auriez-vous à ce point la mémoire courte ? Virgin France, 1988. Amazon.fr, 2000. iTunes, 2001. Ne voyez-vous pas là l’ombre d’un paradoxe, sachant par ailleurs que les moins de 26 ans toujours d’après notre sondage préfèrent acheter en magasin plutôt qu’en ligne tant qu’ils en ont encore le choix ? Etrange idée que vous vous faites de "l’écologie culturelle". Et faites-moi donc penser à poser la même question à votre confrère Denis Olivennes : d’ailleurs qu’en eut-il pensé de ce contrat de rémunération des artistes signé par Impala avec Napster avant que les majors ne tuent dans l’œuf le pionnier du P2P par "erreur stratégique" (vos propres mots), précipitant l’apparition de logiciels de piratage de plus en plus difficiles à contrôler ? Si l’on vous suit bien, le credo serait donc pour les soi-disant "indépendants" que vous représentez : "faute de pouvoir faire des pirates et potentielles vaches à lait nos amis, diabolisons-les, ça nous permettra de hâter la mort programmée du CD, plus assez rentable" ? On pourrait s’amuser à imaginer la réponse de l’intéressé : "Que ne fus-je nommé plus tôt PDG de la FNAC" ?

Ce qui nous amène à notre tentative d’exposer à la connaissance du public présent en ce 24 septembre quelques modes de distribution alternatifs à ceux dont vous prônez la supériorité dans une volonté désespérée de conserver aux intermédiaires leur statut privilégié et aux artistes celui de vaches à lait (eh oui, eux aussi), à l’issue de laquelle vous rétorquez, visiblement agacé, ne pas connaître d’autoproduit qui ne préfèrerait pas signer chez Naïve. Forcément. Car ceux dont l’objectif premier est de s’exprimer sans contrainte créative et de partager leur musique dans toute sa singularité et toute sa personnalité sans avoir pour autant à ressentir le poids, constamment suspendu au-dessus de leur tête, de cette épée de Damoclès que constitue la notion de rentabilité (d’autant plus pressante dans une industrie dont les coûteuses méthodes de marketing n’ont pas su évoluer avec leur époque et les formidables moyens mis à leur disposition pour presque rien par l’outil internet, comme vous le reconnaissez volontiers vous-même après l’avoir réalisé un peu tard), quel besoin auraient-ils de vous approcher ? Et vous de partir à leur recherche ?

Vous qui faites mine de vous inquiéter de voir les artistes devenir "sous-traitants des majors", seriez-vous donc naïf pour croire que la véritable créativité passe encore par les maisons de disques ? Combien d’artistes véritablement créatifs sur l’ensemble du catalogue de Naïve pour prendre un exemple que vous connaissez bien ? Benjamin Biolay qui heureusement ne vous a pas attendu, Antony Joseph, Serena-Maneesh si l’on vous fait grâce d’étendre votre apport créatif à la distribution, en une semaine et avec un minimum de curiosité on fait aussi bien sinon mieux sur bandcamp, derniers en date mis en avant sur IRM : Two Left Eyes, Methuselah et Imaginary Forces dont les albums marqueront à n’en pas douter l’année 2010.

Alors certes ce mode de distribution n’est pas encore "commercialement viable" et bandcamp notamment limite désormais le crédit de ses membres à 200 téléchargements gratuits par mois. Certes, faire évoluer les mœurs des internautes est un travail de longue haleine. Mais les résultats des ventes numériques d’albums à prix choisi s’avérant d’ores et déjà probants chez les gros vendeurs les plus créatifs et intègres, Radiohead en tête, pourquoi n’aurait-on pas toutes les raisons d’espérer ? Plutôt que de laisser l’état garantir "pluralisme, diversité et égalité des chances" - traduction : "faites-moi gagner autant d’argent et vous aurez autant de chance de passer au JT de 20 heures quelle que soit votre couleur de peau ou la soupe que vous nous servez" - pourquoi ne pas prêter à l’auditeur, à terme, la capacité de donner lui-même à la musique qu’il apprécie la valeur de l’émotion qu’elle lui procure et de rémunérer ses auteurs à la juste mesure de leur talent et de leurs efforts ? A moins bien sûr que vous ne vous préoccupiez aussi peu de l’éventuelle moralité des auditeurs (consommateurs ?) que du droit fondamental de chaque artiste à gagner davantage sur son propre travail qu’un simple intermédiaire. CQFD ?


Qui dit lettre ouverte dit droit de réponse, nous attendons donc vos explications monsieur Zelnik. Pour ce faire, notre page contacts vous est ouverte.


  Blog - 26.09.2010 par RabbitInYourHeadlights


Les Beastie Boys, mèmes intergalactiques ?

On connait depuis plusieurs mois maintenant, outre l’explosif Lee Majors Come Again et Too Many Rappers en duo avec Nas, deux autres titres du très attendu Hot Sauce Committee Pt. 1 des Beastie Boys : Here’s A Little Something For Ya (mais dans une version remixée par DJ Shadow pour le jeu vidéo DJ Hero, équivalent avec platines de Guitar Hero) et surtout Pop Your Balloon, qui en remontrerait à MIA implicitement adoubée par les trois New-Yorkais depuis leur participation au clip de Paper Planes en 2007.

Néanmoins, toujours pas de nouvelle date de sortie annoncée pour ce huitième opus repoussé rappelons-le en octobre dernier pour une durée indéterminée suite à la radiothérapie d’Adam Yauch. Pour patienter tant bien que mal, on vous propose donc d’écouter du neuf mais fabriqué avec du vieux puisque le hit intergalactique des auteurs d’ Hello Nasty semble faire depuis quelques années l’objet d’un culte à la limite du mème chez les bidouilleurs de mashups qui n’en finissent plus de le cuisiner à leur sauce, remixant souvent sa vidéo par la même occasion.

On commence par le moins bon mais c’est un peu le passage obligé puisque le choix de l’adversaire se porte environ une fois sur deux sur un succès électro de nos versaillais masqués (en l’occurrence ça date un peu mais c’est sans surprise le seul mashup potable du lot, on vous passera donc les versions avec Around The World ou Harder, Better, Faster, Stronger) :

Un cran au-dessus et plus logique sachant que Fatboy Slim avait déjà bien efficacement remixé Body Movin’ à l’époque, ce croisement étonnamment naturel avec l’électrisant Slash Dot Dash (les vidéos par contre auraient gagné à continuer la route chacune de leur côté) :

Place au meilleur maintenant qui nous vient de Rouen avec Mr JiM et son idée assez fabuleuse de ressortir du placard l’emballant Crash ! des Propellerheads, vous savez ce duo anglais auteur d’une poignée d’EPs et d’un unique album ( Decksandrumsandrockandroll, en 98) croisant de façon improbable mais réussie le big beat, le jazz et le rock’n’roll des 50’s et vouant une culte immodéré à John Barry ? Et comme Crash !, extrait de l’ Extended Play EP de 98, c’est aussi une vidéo mythique starring nos amis Alex Gifford et Will White, Elvis au sommet de sa "bouffitude" et une agaçante petite mouche, on vous laisse seuls juges du résultat en vidéo :

Mais la palme du fétichisme revient sans nul doute à Neblina Sound, combo barcelonais auteur en début d’année d’un EP au titre on ne peut plus explicite en écoute intégrale sur bandcamp et offert au téléchargement ici, Intergalactic Mashups, dont pas moins de trois morceaux ont déjà été adaptés en vidéo :

Beastie Boys Vs Bob Marley : Could you be intergalactic from bootleg style on Vimeo.

Et si vous vous dites que Bob Marley, il fallait oser (la preuve, impossible de trouver une vidéo sur youtube dont le son n’ait pas été désactivé pour une question de droits, d’où sa présence en bonus dans le fichier de téléchargement), attendez un peu d’entendre Snap ! (eh oui, Snap !...) ou le Sexual Healing de Marvin Gaye - mais que les puristes se rassurent, il y aussi Jurassic 5.


  Blog - 25.08.2010 par RabbitInYourHeadlights


Faut-il cracher sur Oasis ?

Et si les frères Gallagher étaient masochistes ? Ces propos qui pourraient paraître totalement infondés au premier abord semblent finalement bien plus pertinents si on prend la peine de creuser davantage l’idée et de la lier en profondeur à la carrière artistique des deux "bad boys" de la scène mancunienne.

Mais pour étayer cette théorie, un petit retour en arrière s’impose. Nous sommes en 1991, et Oasis n’est alors qu’un groupe sans saveur... Le leader de la formation, Liam Gallagher, vient de licencier (et remplacer) son chanteur, et en a profité pour affirmer son autorité en modifiant le nom du groupe, jusqu’alors nommé The Rain.

Pendant ce temps, Noël Gallagher, frère de Liam, roule sa bille dans un travail sans guère d’avenir, où il ne rencontre, en pleine saison, que deux personnes par semaine... Sa guitare lui permet de tuer l’ennui, et il compose quatre morceaux (dont Live Forever). Il est également roadie pour quelques groupes connaissant leur petit succès.

Lors d’un concert d’Oasis, il sera impressionné par le jeu scénique de son frère, tout en considérant la qualité des morceaux comme exécrable. Qu’importe, il réclame le poste de guitariste et les pleins pouvoirs du groupe, qui lui sont accordés, sur la base des morceaux qu’il sera capable de composer...

La formation menée par les frères Gallagher commence à se faire connaître et, dès 1994 sort son premier album : Definitely Maybe. Le succès commercial est sans précédent pour un premier essai, porté par les singles que sont Live Forever, Supersonic ou Cigarettes & Alcohool, et l’on rencontre également sur cet opus quelques merveilles plus mélancoliques (Slide Away, Digsy’s Dinner).

Conjuguant donc succès commercial et succès d’estime, Oasis retourne en studio l’année suivante, et signe (What’s The Story) Morning Glory, un album légèrement moins agressif que le précédent, où l’influence des Beatles semble évidente, notamment sur Don’t Look Back In Anger qui reprend les accords présents sur Imagine de John Lennon, et où les petites merveilles acoustiques pullulent (Champagne Supernova, Wonderwall, Cast No Shadow...).

Ces deux galettes ne seront bien sûr jamais égalés dans la suite de la discographie du groupe. Néanmoins, on possède là des albums d’une qualité rare, basés sur une recette simple : des mélodies pop diablement efficaces appuyées par une voix charismatique.

Alors, on pourra toujours reprocher à Oasis de ne rien inventer, c’est évident, tant les influences sont marquées dans leurs compositions (Stones Roses, Beatles), mais la vocation des frères Gallagher n’a jamais été autre que de faire une musique extrêmement accessible (les moqueries à l’égard d’œuvres autrement plus complexes comme celles de Massive Attack ou Radiohead période Kid A se répèteront d’ailleurs de la part de Liam).

Ce n’est d’ailleurs pas le point le plus souvent évoqué pour critiquer l’œuvre d’Oasis, mais nous allons y venir. Auparavant, nous nous empresserons néanmoins de rappeler qu’avec deux albums de cette trempe, Oasis mériterait le respect éternel de tous les amateurs de pop léchée.

L’objet de railleries le plus courant envers le groupe concerne donc ses dérives extra-musicales, et la haine que se vouent les frères Gallagher... Ainsi, Liam fut arrêté en possession de cocaïne, tandis que Noël, bien avant Britney Spears, se rasait le crâne les jours de folie, à ceci près qu’il disparaissait pendant quelques semaines (de concert...) sans donner signe de vie, lorsqu’il ne virait à coups de batte de cricket les ivrognes invités aléatoirement par Liam à jouer de ses guitares...

Oasis s’est également rendu célèbre pour annuler fréquemment ses concerts, ce qui constituera un paramètre que même les fans ne pourront excuser (alors que certains d’entre eux considéraient les événements relatés plus hauts comme faisant partie du folklore inhérent à un groupe de rock). Enfin, l’attitude hautaine du groupe (surtout après Morning Glory, lorsque les compositions n’étaient plus aussi convaincantes) finira par agacer même ses admirateurs les plus dévoués...

Mais revenons à l’aspect musical. Be Here Now sortira en 1997, soit deux ans après Morning Glory, et après un départ canon et encensé par les critiques, finira par épuiser les fans. On sent alors moins de sincérité dans la musique d’Oasis, qui sombre parfois dans la redite, et plus inquiétant encore, dans la facilité.

Suivront Standing On The Shoulder Of Giants (2000), puis Heathen Chemistry (2002), plus anecdotiques bien que la musique des frères Gallagher semble s’orienter vers un versant plus psychédélique. Malgré tout, quelques morceaux restent parmi les plus populaires du groupe, que ce soit pour leur qualité intrinsèque ou leur utilisation dans le cinéma, notamment Fuckin’ In The Bushes pour le film Snatch, ou encore Stop Crying Your Heart dans le générique de fin de L’effet papillon.

En 2005, Don’t Believe The Truth confirme le regain de forme aperçu sur Heathen Chemistry, et surtout, Oasis apparaît à la croisée des chemins, se renouvelant (l’utilisation de claviers, par exemple, sur The Importance Of Being Idle) tout en revenant à ses fondamentaux avec des mélodies plus directes (Lyla, et surtout Let There Be Love).

Trois ans plus tard, ce qui sera le dernier album d’Oasis, Dig Out Your Soul, est du même acabit, avec des hymnes pop convaincants tantôt énergiques (The Shock Of The Lightning, Bag It Up), tantôt mélancoliques (Falling Down). Sans bien sûr atteindre la qualité des deux premiers opus de la formation, cet album s’avère être une agréable surprise.

Mais une fois de plus, les déboires d’Oasis dans le domaine extra-musical vont leurs attirer les railleries. Car, avant leur show lors du festival Rock en Seine en août 2009, les frères Gallagher vont connaître la dispute de trop, celle qui marquera la rupture (définitive ?) du groupe...

On en revient donc à notre théorie formulée dans l’introduction... Masochistes les frères Gallagher ? Sans doute pas... Tellement malins qu’ils ont créé leur mythe autour de leurs déboires ? Nous n’irons pas jusque-là... Mais cette immédiateté qui a entraîné nombre de leurs péripéties est également celle qui permet à leur musique d’être si accessible.

Et si l’on remonte encore plus loin, aux jeunes années de Noël et Liam, qui trimaient sans formation dans des boulots mal payés et passaient parfois même quelques jours à l’ombre, on se dit qu’il ne pouvait y avoir d’autre fin au mythe qu’ils s’étaient eux-mêmes construit.

On regrettera néanmoins que la négation du groupe intervenue après deux albums en demi-teinte (mais pas mauvais ! A savoir Be Here Now et Standing On The Shoulder Of Giants ) n’ait jamais été contrebalancée, le retour en forme qui suivit ce passage à vide n’ayant été que trop peu souligné...

Finalement, si Oasis avait, comme Blur, débuté avec des albums anecdotiques pour terminer sur ses pièces maîtresses, celles-ci jouiraient toujours d’un réel succès d’estime. Au lieu de ça, le groupe mancunien est victime de railleries faciles, évidemment pas volées au vu des déboires et de la prétention des frères Gallagher. Mais il n’empêche que grâce à Oasis, nos discothèques sont alourdies de deux chefs d’oeuvre ( Definitely Maybe et Morning Glory, si vous avez bien suivi). Après Think Thank, on attend toujours le second de Blur...


  Blog - 04.08.2010 par Elnorton