Le streaming du jour #1385 : Lone - ’Levitate’
Lone ressuscite l’atmosphère des raves 90s entre épicurisme assumé, rétrospection érudite et ambitions nouvelles sur ce Levitate qui révèle au passage toute la dimension nostalgique d’une œuvre placée sous le signe des plaisirs estompés par la fuite du temps.
Au regard du virage à 180 degrés qu’avait entrepris Matt Cutler, tant dans l’esprit (pensait-on, un peu prétentieusement) que dans le son, pour passer de la chillwave glitchée et gondolée de l’humble et nostalgique Ecstacy & Friends à l’IDM de dancefloor hédoniste et un brin désuète de l’exagérément célébré Galaxy Garden, on avait cru bon de zapper Reality Testing il y a deux ans... et à dire vrai, mal nous en avait pris.
Fidèle à son titre, ce sixième opus du beatmaker de Nottingham renouait en effet avec la modestie des débuts, sorte de reality check comme disent les Anglo-Saxons pour le ramener d’un succès trop soudain qu’il n’avait sûrement pas anticipé, et dont l’électronica rêveuse et bariolée teintée de breakbeat chaleureux et de house surannée nous permet aujourd’hui d’apprécier sous un autre jour ce Levitate déjà sold out - et rétrospectivement, un Galaxy Garden certes inégal mais pas si bas du front.
Confronté à une bonne vieille crise d’inspiration, Cutler s’est ainsi rappelé au bon souvenir imaginaire d’un passé qu’il n’a pas connu, via les hallucinations auditives d’une nuit d’insomnie lors d’un trip New-Yorkais. "J’essayais de m’endormir et je n’arrêtais pas d’entendre ces folles musiques de rave prendre forme dans mon cerveau. Quand j’ai repris mes esprits, j’avais la tête remplie d’idées pour des morceaux uptempo et fiévreux."
Drum’n’bass à synthés oniriques entrecoupée de breaks planants (Alpha Wheel, Triple Helix, Sea of Tranquility), IDM rêveuse juste assez cadrée pour breakdancer dessus (Sleepwalkers, ou Backtail Was Heavy qui vire au revival jungle old school dans sa seconde partie), pure trance de rave à l’ancienne mode avec mélodie de clavier anachronique et gimmicks de voix glitchés (Vapour Trail)... les morceaux en question célèbrent cette ère de parties sous acide aux bandes-sons de qualité que les moins de quarante ans (Cutler inclus, donc) ne peuvent que fantasmer, et c’est comme si vous y étiez, à croire que le bonhomme s’est retrouvé investi de l’esprit des défunts labels britons Reinforced, Moving Shadow ou Suburban Base.
On a même droit aux intermèdes ambient drogués de sortie de trip au lever du soleil (Morning Birds, Breeze Out) et l’album se termine d’ailleurs sur quatre minutes de drone séraphique aux nappes de synthés scintillantes qui n’auraient pas dépareillées sur un album d’Olan Mill (Hiraeth, titre de cette douce descente finale étant aussi le nom de l’une des plus belles réalisations du projet ambient d’Alex Smalley, tiens tiens), c’est dire si le talent de Lone se révèle véritablement sur ce septième disque qui tient finalement autant de l’hommage que de la réinvention :
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