Nous l’avions presque perdu de vue, et il s’est rappelé à notre bon souvenir en fin d’année 2016 avec La Banquise. Leonis ne fait pas partie de ces artistes qui aiment se mettre en avant. A l’image du titre de ce court format, c’est isolé dans les contrées les plus froides que l’on risque le plus de croiser son chemin.

Deux ans après Odyssée... qui était lui-même le successeur de l’excellent Toboggan publié en 2013, Leonis poursuit donc son impeccable discographie avec un EP déroutant.

Déroutant en ce sens que les beats ouvertement orientés vers l’abstract hip-hop et les synthés à tendance IDM de Toboggan ne sont plus ici qu’un lointain souvenir. Certes, l’un des cofondateurs de Leo & Pipo Music qui publie comme de coutume le disque, se propose de "faire un pont entre le hip-hop et la musique électroacoustique", mais cette dernière tendance est probablement celle qui hante le plus ce nouveau travail.

Inspiré par les recherches de Schaeffer, c’est ainsi à un autre Pierre adepte de musique concrète que l’on pense, en l’occurrence le regretté Boulez (La Banquise). Sur un aspect extra-musical, l’EP se veut également être un hommage à la passion de François de Roubaix pour l’Antarctique. L’isolement et la glace semblent décidément être les principaux champs lexicaux de ce disque, et ce prolongement est perceptible au niveau sonore.

Nappes mélancoliques et percussions downtempo desquelles se dégage un déroutant sentiment de fraîcheur remplissent l’espace, si bien qu’il n’y a guère besoin d’une quelconque profusion de couches sonores pour exprimer un minimalisme de circonstance.

Les collages de Leonis prennent leur pleine mesure sur Marée Noire, titre qui évoquera aussi bien l’abstract de Rob Viktum que le trip-hop d’Emancipator. Mais la deuxième partie de l’EP est loin d’être la plus inintéressante, avec un crochet vers un univers proche de The Fucked Up Beat (Crystal Rock) pour clore l’aventure avec des sonorités rappelant celles du duo français The Snobs (Apnoea).

Aucun morceau ne se ressemble donc, et aucun ne dépareille pourtant de l’ensemble. Le sampling est hissé en véritable art par Leonis, si bien que la congruence des émotions n’a finalement d’égale que la diversité des moyens employés pour décrire des horizons ouvertement mélancoliques, lunaires et glaciaux. La Banquise pourrait en ce sens être une forme de réponse à la folie croissante des hommes. Une envie de ralentir et un sas de respiration bienvenus à l’heure où plus rien ne semble maîtrisable.