Quelque part entre David Pajo pour le minimalisme habité et James Blackshaw pour le fingerpicking en flux tendu qui s’agrémente parfois d’un certain mysticisme, la folk transcendantale de Marisa Anderson est une superbe découverte de plus à mettre au crédit du label Thrill Jockey, la demi-douzaine de sorties précédentes de la guitariste de Portland n’ayant pas vraiment fait leur trou au-delà du cercle d’initiés.

Moins désenchantée que Pajo - voire même tout le contraire sur un Cloud Corner digne de Nick Drake - mais flirtant avec les mêmes saillies d’électricité bluesy (Angel’s Rest), plus lo-fi que Blackshaw mais tout aussi ouverte à l’influence du drone sur le lancinant Slow Ascent dont les accords traînants pèsent au second plan des cascades arpégées ou sur le final Lift, la musicienne s’efface derrière le sentiment d’éternité de son americana aux accents primitivistes comme les arbres derrière la brume fantomatique de sa pochette.

Qu’elle soit fervente (Pulse, Sant Feliu de Guíxols) ou méditative (Sanctuary), d’un romantisme décharné (Sun Song) ou d’une tristesse malmenée au bottleneck (Lament), purement folk ou parée de quelques claviers opalins du plus bel effet (Surfacing), la musique de l’Américaine ne manque pas de personnalité pour autant mais c’est bien cette humilité de passeuse d’états d’âme universels qui frappe de prime abord et donne à Cloud Corner des allures de classique instantané, dans un genre qui pourrait paraître anachronique mais qui continue de briller en tissant notamment des liens avec l’ambient et l’improvisation, citons Daniel Bachman, Seabuckthorn et donc, désormais, Marisa Anderson, à suivre assurément de très près !