Hawksley Workman, Pari(s) réussi !

Quelques heures avant son concert au Nouveau Casino le 12 février dernier, je m’offrais un tête-à-tête-à-tête avec Hawksley Workman (Annaïck, ma fidèle et précieuse interprète était aussi de la partie). Venu pour un concert dans la ville des Lumières sans rien avoir à vendre, le Canadien s’est gentillement prêté au jeu de l’interview. On vous dit tout.

Après Treeful Of Starling on vous attendait avec un album plus ’punchy’ et vous nous avez offert My Little Toothless Beauties composé de chansons enregistrées en 2004. Un nouvel album est-il en route ?
Hawksley Workman : Je suis toujours en train de travailler sur de nouveaux albums. En ce moment il y en a deux ou trois en préparation. Je ne sais pas ce qui va en ressortir, mais il y aura sans doute une sortie en … septembre peut-être. Un peu tard, nan ? (rires)

Avez-vous déjà une idée de sa couleur musicale ?
Hawksley Workman : Les albums seront tous différents mais je ne peux pas dire là maintenant à quoi ils ressembleront. En fait, je pense que je travaille sur trois albums parce que je n’arrive pas encore à décider ce que ça devrait être.

Allez-vous tester ce soir quelques-unes de ces nouvelles chansons ?
Hawksley Workman : Non. Je n’aime pas jouer de nouveaux morceaux en live, car quand j’étais plus jeune et que j’allais voir les concerts de mes idoles je n’aimais pas qu’ils jouent de nouveaux morceaux… je suis un très très mauvais fan.

Donc ce soir vous êtes revenu juste pour le plaisir de jouer devant le public parisien.
Hawksley Workman : Et bien, j’espère que je vais leur plaire, je n’en sais rien ! (rires)

Vos méthodes de composition ont-elles changé entre vos deux premiers albums plutôt orientés ’cabaret glam’, Lover/Fighter au son ’pop-rock’ et Treeful Of Starling que je qualifierais de ’pop mélancolique’ ? Comment cela se passe-t-il ?
Hawksley Workman : Je fais juste comme je l’entends. Commercialement il est certain que s’en tenir à un seul genre est plus logique, mais personnellement je ne peux pas fonctionner comme ça. Je préfère continuer à explorer, découvrir plutôt que de ne faire que du ’cabaret’ par exemple. Je ne durerai pas longtemps dans le business.
Je n’ai pas changé de méthode de composition. Je compose toujours d’abord au piano ou avec une guitare, parfois je commence avec la batterie, mais ça n’a pas vraiment changé depuis le début. Je ne sais pas pourquoi les albums sont si différents alors que je n’ai pas l’impression que l’approche soit différente, ça vient juste comme ça, je ne pourrais pas l’expliquer.


Lover/Fighter apparait comme votre album le plus sombre, les textes qu’il contient s’opposent un peu aux messages d’amour et d’espoir de For Him & The Girls et The Delicious Wolves . Dans Almost A Full Moon la chanson Merry Christmas (I Love You) évoque les évènements du 11 septembre 2001, Treeful Of Starling est envisagé comme des "hymns for a dying planet and a culture in decay", la tournure actuelle du monde a-t-elle brisé quelque chose en vous ? Vous enlevant peut-être au passage une certaine candeur ?
Hawksley Workman : J’ai toujours été très sombre dans ma manière de voir les choses. Pour rester positif en musique c’est un combat. Treeful of Starling était un peu comme si j’abandonnais. Je pense qu’aujourd’hui je suis plus positif, j’ai plus d’équilibre et de contrôle sur ma vie. J’ai cessé d’avoir une vie de rock’n’roll star depuis deux ans et ce n’est pas plus mal. Ma vie est meilleure aujourd’hui, et comme ma vie est meilleure j’ai un plus beau regard sur le monde. Le prochain album devrait être plus positif et plein d’espoir.

Il y a quelques années, vous avez réalisé un reportage sur les conditions de travail des enfants mineurs dans les pays en voie de développement. Vous avez aussi participé à A compilation For Reach For The Rainbow un album de soutien en faveur d’une fondation aidant les enfants handicapés, et vous vous êtes investi dans la récolte de fonds pour Muskoka Interval House, un centre d’aide pour les femmes maltraitées. Est-il important pour vous de vous servir de votre notoriété pour sensibiliser les gens sur ce genre de problèmes ?
Hawksley Workman : C’est très populaire pour les artistes de s’investir dans les associations caritatives, même si ça paraît maintenant comme un phénomène de mode. Comme U2 et "Make Poverty History", c’est très bien mais, de mon côté j’essaye de faire ça de manière plus précise. Pour moi, faire du caritatif pour des choses qui me sont proches ou qui touchent ma communauté a plus de sens. Les grosses campagnes médiatiques, avec de grosses rock stars me paraissent étranges.
J’ai vu U2 il y a deux mois en Australie, et "Make Poverty History" faisait partie intégrante de leur show, et ça m’a paru un peu faux. En effet, comment rester crédible par rapport à tout cela alors que l’on mène une vie royale de célébrité. Pour être anti-pauvreté il faut être anti-richesse, et cela veut dire pas de U2, pas de gros concerts, pas de tickets à 200 dollars, c’est très bizarre tout ça.

Pour en revenir à la musique, on sait que vous avez produit par l’intermédiaire de votre label ’Isadora’ les premiers albums de Tegan & Sara et de Serena Ryder. Sarah Slean prête sa voix sur Old Bloody Orange, on retrouve aussi souvent les mêmes personnes dans les crédits et remerciements de vos albums, peut-on considérer qu’il existe une petite famille musicale autour de vous ?
Hawksley Workman : Il y a une famille musicale autour de moi. C’est très important pour moi d’être proche des gens avec qui je travaille. John (son manager, ndlr) et Mr Lonely (son pianiste, ndlr) sont avec moi depuis huit ans, c’est important quand on vit et travaille dans un milieu qui n’est pas intime.

Et concernant les autres artistes canadiens comme Joseph Arthur, Broken Social Scene, Arcade Fire, quels sont vos rapports ? Existe-t-il une ’scène canadienne’ ou votre pays est-il trop grand pour pouvoir parler en ces termes ?
Hawksley Workman : Effectivement c’est trop grand pour qu’on puisse parler d’une scène canadienne. J’ai joué avec eux, mais je ne pense pas que cette scène soit si soudée, telle que la décrivent les médias.


Vous avez repris Love Will Tear Us Appart de Joy Division en bonus sur Lover/Fighter , vous étiez au concert parisien de Bauhaus en février dernier, pourtant on ne retrouve pas instinctivement ces influences dans vos disques. Confirmez-vous que le post-punk a joué un rôle important à une période de votre vie ?
Hawksley Workman : Cette musique des années 80 a été très importante pour moi, The Smiths, Joy Division, Bauhaus, des gens comme The Cure, mais je n’ai pas besoin de leur ressembler musicalement. Les textes de Mercy (Sisters of Mercy), les textes de Peter Murphy signifient beaucoup, mais je ne pense pas que cette approche goth ou cette sensibilité britannique soient en moi naturellement. Les Canadiens sont très différents. Je pense que la façon dont sonne ma musique se rapproche plus de la culture musicale canadienne en fait.
Je n’ai jamais voulu ressembler aux groupes que j’écoute. J’ai toujours voulu avoir ma propre identité musicale.

Quels sont vos autres groupes ou artistes préférés ? Ceux qui ont été importants pour vous à un moment ou à un autre ?
Hawksley Workman : The Smiths ont été très importants, et Bauhaus aussi ont été très importants. En fait il y en a tellement.
Mon père collectionnait les disques. Il y a tant de musiques que j’ai écoutées durant ma vie et que j’écoute encore aujourd’hui, comme si elles étaient en moi. Je ne pense pas qu’une soit supérieure aux autres.
Mais quand même Led Zeppelin restent des idoles, tout comme Michael Jackson… Il y a eu des moments dans ma vie, quand j’étais gosse, où Michael Jackson était très présent.
Et en ce moment j’écoute énormément de rap.

L’écriture est très importante pour vous, l’hymne à Clairefontaine en atteste, tout comme le recueil de textes constituant "Hawksley burns for Isadora" paru en 2001 ou votre collaboration avec d’autres artistes en tant qu’auteur ; en même temps on vous imagine mal vous passant du plaisir de chanter, et pourtant, question stupide : si on vous demandait de choisir entre écrire et chanter que choisiriez vous ? Et pourquoi ?
Hawksley Workman : Ce serait chanter ! Chanter c’est comme l’euphorie, c’est dur à expliquer, mais c’est physique, c’est une joie pure, un amour pur. Je pense qu’écrire vient de la tête alors que chanter vient du cœur. Donc si je devais choisir ce serait chanter. Et ce n’est pas une question stupide, c’est une bonne question. (rires)

Vous aimez explorer différents univers, tout d’abord à travers votre musique et les différentes palettes qu’elle visite, mais aussi à travers votre look qui évolue au fil des albums/tournées. Pour vous, est-ce aussi cela la définition d’un artiste, des prises de risque perpétuelles, un besoin de visiter des horizons inconnus, de tenter des choses différentes ?
Hawksley Workman : Je pense. Mais à vrai dire je ne le fais pas consciemment, genre "un artiste doit changer" ... c’est que juste que je change beaucoup.
Comme je l’ai dit, je m’ennuie de moi-même facilement, donc je dois souvent me lancer des challenges pour faire des choses nouvelles. Par exemple j’ai vu la vidéo de Robbie Williams hier soir à l’hôtel ... quelle vie étrange ça doit être d’être Robbie Williams … S’en tenir à un seul genre, quand les choses sont toujours pareilles, même si c’est cela qui marche dans l’industrie de la musique. Si tu veux faire de l’argent, il faut faire les mêmes choses encore et encore. Mais ce n’est pas comme ça que j’envisage les choses. (rires)

Je pense aussi au riff jazz/blues sur Addicted, à la déclination brésilienne sur Watching The Fire ou à la partie rap sur Smoke Baby, est-ce des styles musicaux que vous écoutez ou juste des choses venues naturellement qui sonnaient bien et que vous avez gardées ?
Hawksley Workman : Oui c’est ça. Je ne pense pas vraiment à la musique, je ne me dis pas "ok faisons une chanson cubaine ou un rap", ça vient naturellement. Et comme je n’ai pas envie de me définir en un genre, je laisse faire les choses. La musique ne doit pas être calculée.



Marion Cotillard explose actuellement dans un film retraçant la vie d’Edith Piaf, elle apparait dans le clip de No Reason To Cry Out Your Eyes (On The Highway Tonight), comment est-elle arrivée sur ce projet ?

Hawksley Workman : C’est une amie, je la connais depuis longtemps. On se voyait quand je vivais à Paris et chacun de nous appréciait le travail de l’autre, c’est aussi simple.

Pour revenir à Edith Piaf, y-a-t-il des artistes français (récents ou non) que vous appréciez particulièrement ? Vous remerciez notamment Noir Désir dans Almost A Full Moon , d’autres personnes peut-être ?
Hawksley Workman : J’ai tourné avec Noir Désir, je suis dingue de Daft Punk, et j’adore le premier album d’Emilie Simon.
Et à propos de groupes de rap ?
Je ne connais plus le rap français, je connaissais Mc Solaar à l’époque, mais je pense qu’il est très commercial.

Après avoir vécu quelques temps à Paris, y’a-t-il une chose qui vous manque et/ou que vous appréciez particulièrement à chaque fois que vous venez ici ?
Hawksley Workman : Oui ! La nourriture me manque bien sûr. Quand je viens, il faut que je mange ! La façon de vivre me manque aussi, la langue.
C’est une ville très chère à mon cœur. J’ai tourné deux vidéos ici No Beginning, No End et No Reason To Cry Out Your Eyes.
Paris est en moi car j’y ai passé tant de temps, rencontré beaucoup d’amis. J’ai de la chance.

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Merci à Sandy Pandya, John Arnott, Annaïck, et évidemment Hawksley Workman pour leur disponibilité et gentillesse.

Liens :
- Site officiel : www.hawksleyworkman.com
- Myspace : www.myspace.com/hawksleyworkman
- Site en français : www.hawksley-workman.com


Interviews - 19.03.2007 par pix