M. Ward - Hold Time

Revenu de ses escapades amoureuses – délicieux She & Him - le gamin surdoué de Portland virevolte en équilibriste au-dessus du temps avant d’éclater en poussière de larmes.

1. For Beginners
2. Never Had Nobody Like You (feat. Zooey Deschanel)
3. Jailbird
4. Hold Time
5. Rave On (feat. Zooey Deschanel)
6. To Save Me (feat. Jason Lytle)
7. One Hundred Million Years
8. Stars of Leo
9. Fisher of Men
10. Oh Lonesome Me (feat. Lucinda Williams)
11. Epistemology
12. Blake’s View
13. Shangri-La
14. Outro

date de sortie : 17-02-2009 Label : Merge Records

On le répète à l’envie, Matt Ward est un type épatant, presque constamment génial et donc souvent détestable. Mis à part quelques errements de jeunesse dispensables ( Duet for Guitars #2 , 1999), l’américain règne sur une discographie parfaite où chaque disque semble en mesure de surpasser le précédent. Après avoir croisé le fer avec la sublime Zooey Deschanel le temps d’une parenthèse rêveuse au sein du duo She & Him, le songwriter de l’Oregon est reparti chasser la folk-song éternelle sur un Hold Time flamboyant et ô combien touchant, qui sonne à bien des égards comme un aboutissement.

Arrivé à un tel niveau de maîtrise, il semble aujourd’hui que la chimère inaccessible que poursuit Ward à travers ce titre en forme de métaphore poétique, soit quasiment à sa portée. En effet, le long des 14 titres de ce sixième long-format, on se dit que l’américain est presque arrivé à cela. Une maitrise du temps, à défaut d’un contrôle, de toute façon utopique. Dans la diversité des ambiances qui parsèment Hold Time, Matt Ward ne se perd jamais et vogue en maitre dans cette atmosphère tamisée où tout s’avère éternel.

Dans ce disque, tout semble exsangue, suranné et presque irréel. Si l’on doit tirer un enseignement de cette nouvelle cuvée, c’est que le tempo est considérablement ralenti et que quand, armé de sa guitare magique – que l’on a croisée l’an dernier sur le Bleu Pétrole de Bashung – il tente de retrouver ses envolées enflammées pleines de poussière, le résultat est finalement de facture plus classique (Never Had Nobody Like You, Blake’s View). Hold Time, dans ses grands moments, atteint une sorte de perfection éphémère qui nous marque à jamais. Le titre éponyme, enveloppé d’une reverb’ toute délicate, suspend son vol au-dessus du temps, en apesanteur, comme si tout n’allait jamais s’arrêter.

Hold Time, magnifique premier extrait éponyme.

Au lieu de faire un simple disque folk, Matt Ward se crée un monde, sculpte et colore des paysages où l’on s’oublie pour mieux se retrouver. Des ballades lunaires, une guitare folk endiablée calée sur un mid-tempo abrasif, une course où l’on se jette à corps perdu sans trop savoir où l’on va (To Save Me), une reprise de Buddy Holly transformée et même des guitares aériennes ça et là (Rave On, Outro). On trouve tout ça sur Hold Time.

Mais Ward ne se perd jamais et nous guide dans le brouillard quand on s’égare, nous aiguille sans que cela n’ait finalement d’importance. Car au bout du compte, on réalise que rien n’a changé dans le fond depuis Post-War il y a 3 ans. On retrouve la même voix, la même rythmique et les mêmes sensations, la même texture moelleuse, si bien que For Beginners, manuel de survie tout en reverb’ fantomatique semble parfois ne s’adresser qu’aux novices.

Matt Ward s’offre même le luxe de se payer quelques guests : Deschanel bien sûr, Jason Lyttle échappé de Grandaddy et surtout Lucinda Williams pour un Oh Lonesome Me à vous coller des frissons. Et quand il reprend la route en solitaire, il culmine et a toujours ce timbre de voix unique, tantôt écorché et mielleux. Matt Ward nous conte là une Amérique fantasmée, rurale, où le temps a suspendu son vol et où Buddy Holly passe sur un transistor qui crépite. Un songe nostalgique, qui vous ramène 50 ans en arrière.

Enfin quand, l’obscurité se faisant, il vous dépose sur le bord de la route et s’en va servir de guide à d’autres auditeurs conquis, il vous laisse avec une pépite. Outro est un western solaire hanté par Morricone sur fond de guitares aériennes. Un oracle malheureusement éphémère qui vous fait lentement retourner à la réalité. Sublime.

On retournera donc régulièrement s’évader dans ce monde caduque, dépassé et hors du temps, car Hold Time est un disque précieux et photographique qui saisit chaque instant de notre vie, chacune de nos aspirations pour les retranscrire en musique.

Hold Time, c’est ce qui reste quand on a tout perdu.

Chroniques - 13.04.2009 par Casablancas
 


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