Grizzly Bear - La Fondation Cartier (Paris)

le 9/11/2006

Grizzly Bear - La Fondation Cartier (Paris)

Je ne sais pas pourquoi, mais en arrivant à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, je m’attendais déjà à quelque chose de spécial et différent. Un groupe comme Grizzly Bear à l’esprit aventureux et expérimental qui donne un concert dans un lieu culturel comme celui-là, c’est prometteur….

Tout d’abord, l’endroit est particulièrement original pour un concert, le bâtiment est composé d’immenses verrières qui donnent vue sur l’extérieur de tous les côtés. Derrière la scène, il n’y a aucun voile ou rideau pour empêcher notre regard de se balader sur les jardins de la Fondation, mais on oubliera cela vite fait dés les premières notes du concert. Ce large cadre ouvert sur l’extérieur et la nature est à l’image de ce génial deuxième album Yellow House . Les deux nous invitent à nous évader et rêvasser, et même en se trouvant en plein cœur de la ville. Au milieu des télescopes parsemés dans la pièce, les spectateurs observent et attendent alors que la nuit tombe, une nuit prête à nous révéler à coup sûr de nouvelles étoiles. Mais celles-ci se font désirer. Au début, les spectateurs intimidés par l’endroit, parlent à voix basse, mais le ton des discussions monte au fur et à mesure de l’attente qui s’éternise un peu…

Les voici enfin, silence. Les quatre New-Yorkais de Grizzly Bear s’installent sans faire de bruit. Dans un style vestimentaire étudiant classique, ils semblent prêts à nous faire partager leurs ballades folk rêveuses et intimistes. Il s’agit de Plans, qui a l’honneur d’ouvrir le concert en douceur. Une simple guitare acoustique, un chant choral, des sifflets en accompagnement, une batterie discrète, c’est une entrée dans l’univers onirique du groupe de toute beauté. Abandonnant l’acoustique pour une électrique, le guitariste amène la prestation du groupe vers des zones plus tendues et énergiques. Et c’est dans cette voie-là que le groupe surprend en concert, la plupart de ses titres n’a presque plus rien à voir avec les versions sur album. Il ne s’agit pas du tout d’une simple transposition et interprétation de leurs morceaux sur scène. La musique du groupe prend une toute autre forme et dimension, elle est retravaillée, expérimentée, devient plus électrique et intense, tout en restant psychédélique et planante. Je l’avoue, j’ai rarement vu un groupe redéfinir de la sorte ses morceaux que l’on a l’impression de redécouvrir complètement. Les Grizzly Bear nous dévoilent en fait une autre facette inattendue de leur personnalité, qui est moins orientée folk comme on pouvait l’attendre, mais résolument plus rock.

Loin d’être linéaire, la musique du groupe prend sur scène, toutes les libertés et les directions, aimant surprendre l’auditeur et le prendre à contre-pied. Elle se caractérise par une multitude de petits détails et de petites trouvailles sonores. Utilisant de nombreux instruments traditionnels, le groupe manie aussi l’électronique avec parcimonie. Le génial batteur Christopher Bear s’occupe de toutes les percussions, il a notamment toujours une malette à côté de lui, qui on le devine lui permet d’échantillonner et créer ses propres sonorités et rythmiques en parallèle. Alternant la basse et les instruments à vents, comme la clarinette ou le tuba, Chris Taylor apporte un grain de folie tout en bidouillant les manettes d’effets et autres appareils électroniques. Quant au guitariste Daniel Rossen, il assure efficacement, le plus souvent seul, toutes les parties et soli de guitares avec sérieux et originalité. Il est aussi le second chanteur qui rivalise de grâce avec Edward Droste, le chanteur à l’origine des Grizzly Bear qui n’était au départ qu’un simple projet personnel. Aujourd’hui, on peut même dire que ce projet ne lui appartient plus vraiment, tellement chaque membre a pris une place importante et a apporté sa touche personnelle, rendant l’univers musical du groupe complexe, inventif et toujours en mouvement, et cela se voit bien ce soir-là. Ensemble et avec plaisir, ils participent tous aux chœurs planants et délirants. Il faut entendre notamment le ravissant et mélancolique Knife sur lequel le bassiste fait le choriste en poussant des sortes de miaulements plaintifs étranges qui font vraiment sourire. Le leader Edward Droste réservé et sensible, joue nombre d’instruments, en allant notamment du clavier à la guitare en passant par l’autoharpe ou la flûte à bec. Il est ravi d’être présent en cet endroit, il remerciera plusieurs fois le public et la salle qui a accueilli le groupe chaleureusement. En guise de cadeau de sortie, il interprètera le superbe et enlevé On a neck, on a spit au final des plus captivants, avec le retour de la guitare acoustique, pour notre plus grand plaisir. Le groupe quittera la scène, et reviendra pour uniquement une dernière chanson inédite.

Le public a ainsi pu apprécier une bonne partie de ce dernier album revisité, une des belles révélations de cette rentrée, accompagnée de morceaux de leur premier opus Horn of Plenty . Un concert aussi surprenant, j’en redemande tous les jours, merci aux Grizzly Bearqui ont en plus été très disponibles après leur concert. Et c’est bien avec peine que j’apprends quelques jours après, que leur tournée européenne a été annulée en raison de problèmes de santé du père de Daniel Rossen et aussi à cause du vol de tout leur matériel dans leur van après un concert. C’est vraiment dommage, j’espère que l’avenir leur sera plus radieux … Toutefois, ils prévoient de revenir l’année prochaine et si l’occasion se présente, je serai de nouveau au rendez-vous …


( darko )

 


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