Bach to the basics
Vous l’aurez remarqué, on ne parle pas souvent de musique classique sur IRM mais quand on y fait référence c’est souvent Bach qui revient sur le tapis. De là l’idée de compiler quelques-uns des hommages les plus barrés, régressifs ou pour le moins osés au fossoyeur du baroque, avec deux ou trois sucreries en bonus. Comme quoi on peut réviser ses gammes tout en taquinant les puristes, merci Jean-Seb.
Ennio Morricone - La Resa Dei Conti (1965)
L’orgue de la funeste Toccata et fugue en ré mineur (BWV 565, 1707) qui s’invite au milieu d’un crescendo déjà bien dramatique, c’était le coup de génie décalé du Maestro pour transcender le duel d’anthologie du second western culte de Leone, Et pour quelques dollars de plus :
Mobb Deep - Watch Ya Self (2009)
Même pièce de Bach mais cette fois ce sont les croque-morts du hip-hop new-yorkais des 90s qui s’y collent avec un morceau bulldozer et néanmoins bien efficace, une référence gothique tellement grosse que mine de rien, fallait oser :
Immortal Technique - Dance With The Devil (2001)
Punchlines violemment drôles sur fond de Sonate pour viole de gambe et clavecin (BWV 1027, 1738), le contraste est plutôt saisissant en morceau caché du single Dance With the Devil, extrait du tout premier album de ce rappeur d’origine afro-péruvienne ( Revolutionary Vol. 1 ) :
Busdriver - Imaginary Places (2002)
Ça commence à partir en sucette, la faute au sémillant Busdriver qui s’en donne à coeur-joie côté rap mitraillette sur ce sample ultra-speedé du célèbre Menuet et badinerie, final de l’Ouverture n°2 en si mineur (BWV 1067, 1738) :
Virus Syndicate - Neva Argue (2007)
Du rap au grime il n’y a qu’un pas et sur le même air que Busdriver les Mancuniens de Virus Syndicate font peut-être encore plus fort quoique moins véloce, ici c’est la déconstruction qui prime et les trois MCs envoient du petit bois... celui de la flûte traversière bien sûr :
DJ Scotch Egg - Scotch Sundance (2007)
On vire électro japonaise avec le Scotch Hausen de DJ Scotch Egg et son thème du boss à péter une durite sur la Game Boy du petit frère, comme quoi Bach avait aussi inventé Nintendo et le digital hardcore avec sa Fugue en sol mineur (BWV 578, 1703) :
Cornelius - 2010 (1997)
Fugue en sol mineur, nintendocore et Japon toujours, mais cette fois c’est l’indémodable Fantasma de Cornelius qui ressort des tiroirs pour un délire azimuté digne d’Orange Mécanique qui préfigurait déjà les télescopages d’un World’s End Girlfriend :
r.roo - Chaos In My Thoughts And Aria By Bach (2011)
Sarabande de l’Ouverture n°3 en ré majeur (BWV 1068, 1731) ou simplement Aria pour les intimes, la vérité c’est qu’on n’en entend que quelques bribes de chant lyrique savamment malmené sur ce petit sommet d’IDM ténébreuse et déstructurée de l’Ukrainien, émaillé de samples vocaux en japonais pour nous égarer encore davantage dans son no man’s land aux relents de soufre :
Para One & Iko - Passion (2009)
Non ce n’est ni la BO de Scarface par Giorgio Moroder ni un score oublié de John Carpenter mais bien l’hommage crépusculaire du frenchie Para One au choeur d’ouverture de la Passion selon St Jean (BWV 245, 1724), tiré non pas de son récent album Passion mais bien de ce très bon tribute collectif à l’art lyrique dont on vous parlait à l’époque ici :
Aidan Baker - Prelude : Drowning Version (2012)
L’hommage du guitariste et droneux canadien à la mélancolique Suite pour violoncelle n°1 en sol majeur (BWV 1007, 1720) est double, la version noyée (sous les effets narcotiques à couper au couteau) et celle qui vous noie, en l’occurrence c’est cette dernière que l’on a choisi pour son crescendo bourdonnant aux allures de purgatoire soyeux :
Jaco Pastorius - Chromatic Fantasy (1981)
Un petit détour par la basse jazz de Jaco Pastorius pour une Fantaisie chromatique (et fugue en ré mineur, BWV 903, 1730) partagée entre dépouillement virtuose et emphase asiatisante. Kitschounet mais assez ovniesque dans son genre :
Jethro Tull - Bourée (1969)
Certainement pas le seul groupe prog à avoir repris Bach mais il faut avouer que les débuts des vétérans anglais ont plutôt mieux vieilli que la moyenne du genre, comme en témoigne ce petit jam easy-listening sonnant la rencontre entre classique, jazz-rock et ballade moyenâgeuse, la fameuse flûte de Ian Anderson remplaçant le luth originellement prévu pour cette Bourrée de la Suite en mi mineur (BWV 996, 1707) :
Herb Alpert & The Tijuana Brass - Jesu, Joy Of Man’s Desiring (1968)
Après les bizarreries on passe aux sucreries, à commencer par cette liturgie de Noël aux allures de berceuse romantique sous influence Bacharach, il faut dire qu’Herb Alpert et son brass band interprétaient l’année précédente le score de Casino Royale pour le compositeur et arrangeur américain :
The Beach Boys - Lady Lynda (1979)
Les garçons de plage s’inspirent eux aussi de Jesus bleibet meine Freude, dernier mouvement de la Cantate Herz und Mund und Tat und Leben (BWV 147a, 1723) avec Sterling Smith au clavecin. Brian Wilson ayant déserté sur ce L.A. (Light Album) pas franchement mémorable, on se contentera d’une chanson d’amour d’Al Jardine à sa femme, sommet du disque tout de même (avec le désarmant Full Sail) dont la ferveur à toute épreuve rattrape les sonorités un peu cheap :
Lost In The Trees - Mvt. I Sketch (2011)
Enfin, on termine sur cet instrumental qui n’a rien d’une reprise mais sur lequel plane indubitablement l’influence du compositeur allemand. Ari Picker et son groupe de musiciens de formation classique rompent avec leur folk richement arrangée le temps de deux transitions dramaturgiques aux orchestrations plus minimalistes, et ce premier mouvement qui doit d’ailleurs autant à Schubert ou encore Stravinsky est particulièrement réussi :
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