Mon année 2014 en 100 albums - Part 4

Mes favoris de l’année écoulée triés sur le volet à l’instant T, 10x10 albums tous genres confondus et quelques bonus à la fin (meilleurs EPs, labels, etc.), voilà ce qui vous attend dans cette série qui réduira faute de temps les commentaires au strict minimum (les deux tiers des disques mentionnés ayant été chroniqués dans les pages d’IRM, vous savez où aller).

Pas mal de couleurs dans cette quatrième partie de sélection, certaines pochettes en attesteront. Électro-pop, kosmische musik, hip-hop à l’ancienne ou jazz métissé y côtoient en effet les habituels droneux aux humeurs plus sombres ou spleenétiques, de quoi passer un joyeux moment de schizophrénie.





70. Flying Lotus - You’re Dead ! (Warp)


"L’album le plus ouvertement jazz du petit-neveu d’Alice Coltrane a beau concéder comme Cosmogramma avant lui quelques friandises frelatées aux hipsters - à l’image du flow superfétatoire de Kendrick Lamar sur Never Catch Me, cousin éloigné du génial Putty Boy Strut qui se serait bien passé de cette mauvaise imitation de Q-Tip - c’est surtout l’héritage classieux autant qu’aventureux du John Coltrane free et méditatif des dernières années, du bebop cosmique des meilleurs Sun Ra (Tesla, avec Herbie Hancock aux claviers, rien que ça) ou du visionnaire Tortoise de Standards que l’on entend ici. Un rétro-futurisme qui atteint ses limites lorsque la basse vintage de l’omniprésent Thundercat confond circonvolutions libertaires et emphase datée (Fkn Dead) mais qui en général fait mouche, quelque part entre les cieux et l’arrière-boutique enfumée d’un club jazz 70s de film blaxploitation où deux personnages dissertent sur la mort avec la gouaille et le sens de la dérision d’un vieux Tarantino."


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69. Northumbria - Bring Down The Sky (ConSouling Sounds)


"Croisé à la basse doomesque du duo psyché/sludge Adoran, le Canadien Dorian Williamson brille avant tout avec son compère guitariste Jim Field pour ce projet d’une rare puissance d’évocation, d’autant plus au regard de la retenue dont fait preuve ici son post-rock droneux tout à la fois contemplatif et viscéral, voûte nuageuse en clair-obscur de distos saturées et de riffs hiératiques à l’aura mystique. Constamment dans l’épure et néanmoins massive, la musique de Northumbria ne cède jamais à l’emphase formulaïque des fameux crescendos d’intensité typiques du genre, préférant laisser la pression du baromètre faire son office en pesant sur nos corps ballotés par l’immensité des marées océaniques (The Ocean Calls Us Home) ou oppressés par les cieux orageux tout aussi démesurés qui donnent son titre à ce grand disque d’atmosphère."


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68. Galati - Mother (PsychoNavigation)


"Quatrième opus en trois ans et second pour le label irlandais PsychoNavigation après Godhavn ‎en 2013, Mother voit l’Italien Roberto Galati gravir encore quelques échelons dans la confrontation entre lumière noire et spiritualité éthérée, à la mesure du Mont Everest aka Chomolungma, déesse mère de l’univers en langue Sherpa qui donne son nom à ce sommet de drone mystique, percussif et radiant. C’est en effet lors d’un voyage à la recherche de lui-même que le producteur transalpin, des étendues glacées du Groenland aux perchoirs mystiques du Tibet, a ressenti la métamorphose que symbolise l’album et sa succession de cinq morceaux-fleuves emboîtés aux drones mouvants, cette capacité à laisser filer le poids des erreurs du passé et aller de l’avant en acceptant la part de noirceur qui réside en chacun de nous."


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67. Loop Minded Individuals - A Hitchhiker’s Guide To A Verse (I Had An Accident)


"Le label I Had An Accident est décidément très inspiré côté hip-hop cette année puisque avant John E Cab et après DREDi, ou encore Ill Clinton dont on retrouve ici l’excellent complice Andrew Milicia et ce goût marqué pour les atmosphères à la fois sombres et décontractées du hip-hop new-yorkais de la seconde moitié des 90s, le collectif du Connecticut multiplie les classiques instantanés sur cette sortie qui rend hommage en VO à l’humour métaphysique du fameux Guide du voyageur galactique et n’est pas sans rappeler la nébuleuse Backburner pour cette capacité à insuffler truculence et virtuosité dans leurs petits hymnes mystico-urbains aux versets hypnotiques, entre deux refrains au groove addictif (A Hitchhiker’s Guide To A Verse, Best In Show, Loop Minded)."


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66. Poemss - Poemss (Planet µ)


"Ce nouveau projet associant le beatmaker de Winnipeg plus connu sous le nom de Venetian Snares à sa compatriote Joanne Pollock confirme qu’il n’est jamais meilleur qu’en flirtant avec le trivial (cf. ici Kissing Song et ses collages de bruits concrets délicieusement visqueux sur fond d’IDM ludique et onirique dans la mouvance d’un Plaid). En associant mélodies extatiques, distorsions psyché et culte de l’absurde, Poemss atteint en effet des sommets d’élégance décadente que le Canadien en solo n’avait fait qu’effleurer jusque là, alternant bad trips dadaïstes un brin gothiques aux entournures (Think Of Somewhere, Losing Meaning), rêveries plus mélancoliques (Moviescapes, Miles Away) et comptines cristallines perverties à coups de rythmiques décadrées et de vocalises trop easy listening pour être honnêtes (Bedtime, Beautiful Astronaut Space Gard)."


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65. Sylvia Monnier - Second Thought (BLWBCK)


"Ex Sunny Dunes, le plasticien Mika Perez également connu sous le nom de Kira Perov continue de sculpter drones magnétiques et grouillements kosmische sur ce fascinant nouvel opus, dont les flux et reflux synthétiques embrassent l’immensité et les mystères de la voûte céleste tandis que les loops de pulsations caoutchouteuses (Desire), les arpeggiators tournoyants (Discs) et autres glitchs oscillatoires au second plan (Ruth, Roses & Revolvers) en remuent sans cesse la matière, contrastant avec la quiétude des nappes de synthés pour interroger nos tourments intérieurs."


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64. John Zorn - On Leaves Of Grass (Tzadik)


"La sève hypnotique et transcendantaliste de l’auteur du recueil Feuilles d’herbe irrigue toutes les nervures de ce formidable On Leaves Of Grass dédié au grand œuvre du poète Walt Whitman. Hautement sensuel, l’album voit Joey Baron (batterie), Trevor Dunn (basse) et John Medeski (piano) opter pour une approche aussi limpide et chaleureuse que tortueuse et contrastée sous l’impulsion de Kenny Wollesen au vibraphone lyrique et virevoltant. Soit un nouveau sommet light jazz en flux tendu de la part du prolifique John Zorn, dont les subtilités harmoniques n’obscurcissent l’évidence mélodique que le temps d’une paire de digressions free - cf. le galopant Portals et le bad trip Mystic Cyphers."


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63. Christopher Willits - Opening (Ghostly International)


De retour en solo deux ans après le remarquable Ancient Future Ryuichi Sakamoto l’accompagnait de son piano majestueux aux humeurs troublées, le guitariste américain laisse refluer toute la plénitude scintillante de son regard sur le monde avec ce projet multimédia (vidéo, photo, performances live prolongent et complètent l’expérience du disque) voué à faire communier l’auditeur et les paysages qu’il contemple, en quête d’une harmonie universelle qui, 45 minutes durant, semble dépasser la simple utopie. D’arpèges spatiaux, nappes de reverb et synthés vaporeux fusionnant avec l’air ambiant en odes électro downtempo dont les syncopations très deep et les lignes vocales éthérées en remontrent aisément à un certain Tycho que le Californien produit chez Ghostly International, Opening a la grâce enivrante et démesurée d’un parterre de nuages soyeux vu de la stratosphère.





62. Hobo Cubes - Apex Ideals (Debacle Records)


Je regrette d’autant plus mon retard sur le flot de sorties du label de Seattle - qui n’aura véritablement commencé son année qu’en juin - en réécoutant ce bijou d’ambient cosmogonique publié fort judicieusement à la fin de l’hiver dernier, épopée claustrophobe et abstraite au sein même du spectre clair-obscur des astres et des transmissions passées et futures que leur lumière charrie depuis de lointaines galaxies. Peut-être l’album le plus ambitieux du stakhanoviste montréalais Francesco De Gallo qui délaisse ici la cassette, son format de prédilection, au profit du vinyle : idéal pour restituer le souffle organique de ces compositions tantôt grouillantes de pulsations électro somatiques ou plongées dans un quasi silence de poussière statique et d’échos fantasmagoriques.





61. Kyle Bobby Dunn - Fragments And Compositions Of (Low Point)


"Parfois légèrement trop austère pour vraiment capter l’auditeur - ou trop diluée comme sur le néanmoins très beau double album And The Infinite Sadness sorti au printemps chez Students Of Decay - la musique de Kyle Bobby Dunn est capable de véritables moments de grâce, voire de magie. C’est le cas sur ce Fragments And Compositions Of dont les clins d’œil discrets à Benjamin Britten et Sam Peckinpah participent d’un goût jamais démenti pour un drone post-classique cachant son lyrisme tourmenté et ses images mentales sous un voile de spleen gourd et cafardeux. Les émotions y sont en effet soulignées juste ce qu’il faut, de l’angoisse sourde de Sedentary I à l’espoir diffus de Tout Voyeurs ou Sedentary II."


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