Mon année 2014 en 100 albums - Part 3
Mes favoris de l’année écoulée triés sur le volet à l’instant T, 10x10 albums tous genres confondus et quelques bonus à la fin (meilleurs EPs, labels, etc.), voilà ce qui vous attend dans cette série qui réduira faute de temps les commentaires au strict minimum (les deux tiers des disques mentionnés ayant été chroniqués dans les pages d’IRM, vous savez où aller).
Le sommeil de Santa engendrerait-il lui aussi des monstres ? Heureusement, même les Frankenstein du télescopage d’influences et de sonorités peuvent avoir la démarche élégante et le port altier.
80. Telecaves / Walter Gross - Line Fracture/Trigger (I Had An Accident)
"Sorti en plein milieu du mois de juillet, ce split entre entre les pythies dark ambient de Telecaves et le gourou abstract-noise Walter Gross fut juste le bad trip grouillant qu’il nous fallait pour déjouer les clichés de l’été en Californie. Les nécromanciennes Elaine Carey et Juliette Amoroso n’ont rien à envier à leur voisine Foie Gras en terme d’occultisme texturé, de tension saturée et de cauchemars éveillés, et quant au second, ses loops d’incantations mystiques, de beats insidieux et de distorsions magnétiques ne s’avèrent pas moins dérangeants sur une face-B qui donne au hip-hop des allures de rite vaudou (Cosmic Joke) et achèvera de vous envoûter ou de vous faire fuir au terme des 6 minutes glaçantes d’un Lack Of A Sovereign Self martial et morcelé."
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79. DREDi - The Stimulus Package (I Had An Accident)
Suite du moins audacieux mais tout aussi sublime (voire encore plus...) Escape From LoFly City, The Stimulus Package se présente comme un véritable petit opéra instrumental hip-hop, la dérision en plus et la grandiloquence en moins... même si le beatmaker anglais, qui va jusqu’à sampler les chœurs christiques de Ben Hur et son score déchirant signé Miklós Rózsa sur Heat Puddles, ose tout ce qu’il peut sur cette beat tape (abtract dramaturgique ou d’une légèreté plus jazzy, rétro-funk, stand-up comedy existentialiste, etc) et en particulier les relectures tordues de classiques du ciné, d’une transposition décadente au pays de Mr. Oizo de la boum rock’n’roll de Retour vers le futur à ce dialogue tiré d’Un après-midi de chien dont Star Field vient greffer le désespoir social sur des cuivres sci-fi crépusculaires et menaçants. Pour le reste, Spoutnik vous en parle mieux que moi !
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78. P Jørgensen - Gold Beach (Low Point)
Des sessions acoustiques semi-improvisées à la croisée de l’ambient-jazz et du classique contemporain servent de terreau aux soundscapes du Danois, qui aura mis quatre ans pour accoucher de la longue suite en quatre mouvements que constitue Gold Beach. Dardés par les rayonnements de plomb de ses drones entêtants, les violon, saxo et clarinette cèdent peu à peu à la névrose à mesure que l’album s’enfonce dans la pénombre symbolique de cette plage mythologique évoquant celle de L’Étranger. Une superbe raison parmi d’autres (cf. ici ou là) de s’intéresser à Low Point, secret le mieux gardé des labels expérimentaux d’outre-Manche auquel on doit également le plus gros des sorties d’un certain Kyle Bobby Dunn, à l’honneur quelques entrées plus bas.
77. Extra Pekoe & The Barfly Drummers - Air Balloons Also Rise (Laybell)
"Mathieu Adamski aka Extra Pekoe laisse libre cours à sa passion pour le hip-hop bancal, l’électro déstructurée, les transes ethniques d’autres constellations et les ritournelles d’instruments-jouets sur cette série de vignettes kaléidoscopiques aux syncopations savamment arythmiques et sévèrement droguées. Louvoyant à la croisée d’Antipop Consortium (le ping-pong chaotique) et d’Odd Nosdam (les envolées de harpe oniriques et autres distos virant au bad trip) sur un Cahin Caha Cannibal où s’invite le flow indolent de Mike Ladd, le beatmaker parisien associé de près dans ce projet à son compère le percussionniste électro-friendly Gregory Lodé fait du cut-up analogique un art martien sur à peu près tout le reste du disque, sans pour autant se départir de cette logique de l’absurde qui coule chaque miniature dans la suivante comme on enfile les perles de couleurs et de tailles différentes sur un même fil d’Ariane aux circonvolutions délicieusement alambiquées."
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76. Oren Ambarchi, Stephen O’Malley & Randall Dunn - Shade Themes From Kairos (Drag City)
Pourquoi celui-là et pas les jams tempétueux et déglingués du nouveau Nazonarai (auquel participe le même O’Malley aka Sunn O))), décidément au sommet de son inspiration lorsqu’il traîne avec Ambarchi) ou la dernière collab particulièrement baroque de ce dernier avec la paire Haino/O’Rourke aux allures d’opéra kraut nippon ? Et bien tout simplement pour le parfait condensé qu’offre ce Shade Themes From Kairos du talent de l’Australien, qui se partage ici guitares et fûts avec tout autant de classe dissonante et d’intensité retenue dans les crescendos de tension insidieuse, les transes noise-rock habitées et autres errances doom-ambient hallucinées, tandis que que Randall Dunn de Master Musicians Of Bukkake aux claviers pare de volutes intrigants ces longs serpentins hypnotiques et vénéneux, que seule viendra suspendre la ballade lunaire Sometimes susurrée par Ai Aso (Yura Yura Teikoku).
75. Edison - No Three Men Make A Tiger (Autoproduction)
"Si Edison est un peu le Jel du Six Six Seven, collectif associé à Decorative Stamp, alors ce No Three Men Make A Tiger pourrait être son Soft Money, album né de la frustration au quotidien, d’un dégoût du système et de toutes ces hypocrisies auxquelles on se conforme par facilité ou par dépit, mais qui les embrasse et les pervertit de l’intérieur au lieu de les dynamiter avec le goût du bruit et de la déstructuration dont on sait capables ses compères de label. Vrillé en toile de fond des mille discordances discrètes et lancinantes d’une production nébuleuse autant qu’élégante mais apaisé par le spleen mélodieux et baroque du mélodica, du piano, de la guitare sèche, des glitchs électro cristallins et autres percus délicates, ce chef-d’oeuvre d’équilibrisme distille son mal-être sans vraiment le montrer et impressionne par sa luxuriance et son impeccable fluidité."
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74. Christopher Tignor - Thunder Lay Down In The Heart (Western Vinyl)
"Virtuose du violon, passionné de minimalisme post-classique et même assistant pour LaMonte Young dans les années 90, le New-Yorkais, tête pensante des excellents Slow Six et Wires Under Tension, tire le meilleur de ces diverses influences sur ce Thunder Lay Down In The Heart dont les cordes flirtent parfois avec les thrénodies délétères du compositeur Howard Shore à l’époque de ses scores majeurs pour Cronenberg. A la croisée du lyrisme minimal de Philip Glass, des textures électroniques pulsées de Cliff Martinez et d’une dynamique post-rock qui reprend le dessus au gré des fervents crescendos de la suite éponyme, Tignor laisse libre cours sur les deux pièces suivantes (qui en sont en fait les remixes) à son goût pour une poésie synthétique luxuriante, animée d’un souffle cinématographique sur le démesuré The Listening Machines ou d’un courant stratosphérique avec l’éthéré To Draw A Perfect Circle."
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73. Scammers - A Song That Can Exist (Jehu & Chinaman) / Cover You (Field Hymns) / Lightning / Shelters / Thunder (Autoproduction) / American Winter (Orange Milk Records)
Impossible pour moi de choisir entre ces quatre petites merveilles de pop expérimentale baroque et tourmentée, de l’extraverti Cover You réédité par Field Hymns qui me fit découvrir par la même occasion l’univers biscornu du dandy de Kansas City, au lyrisme maussade et majestueux du désarmant A Song That Can Exist en passant par le funky et féerique American Winter ou encore, à l’autre bout du spectre, le petit théâtre doom d’un Lightning / Shelters / Thunder qui balaie d’un riff saturé ou d’une intonation de crooner maladif les tentatives caricaturales de Scott Walker et Sunn O))) de parvenir au même équilibre entre cauchemar électrique et déclamations maniérées. Car c’est justement de Walker que Phil Diamond est devenu en une poignée de sorties l’héritier évident, phagocytant la lente métamorphose de l’Américain - depuis les cavalcades libertaires de Scott 4 jusqu’aux névroses bruitistes et décomplexées de Bish Bosch - en l’espace de quelques mois à peine, la dimension électro-pop alambiquée en plus sur le sus-nommé Cover You qui ravive la flamme perdue d’un Patrick Wolf dans la foulée de l’ultra-flippé Magic Carpet Ride 2. Et s’il vous en faut encore, la synth-noisy-pop aux riffs métalleux de Dziadek avec Jeni Mc aux backing vocals n’est pas mal non plus.
72. Wrekmeister Harmonies - Then It All Came Down (Thrill Jockey)
"C’est en basculant peu à peu dans la puissance sourde d’un doom cataclysmique aux incursions vocales malfaisantes que les élégies violoneuses aux chœurs séraphiques de la troupe enrôlée par J.R. Robinson (avec Chris Brokaw de Codeine ainsi que des membres de Leviathan, Twilight, Yakuza, Pulse Programming, Anatomy Of Habit, Mind Over Mirrors, Bloodiest et d’autres encore) ont fini de m’achever, avec leurs airs baroques de Paradis Perdu conquis en un seul et unique crescendo de fureur et de sang par les forces d’en bas jusqu’à s’effacer dans l’obscurité. Un petit chef-d’œuvre, qui augure du meilleur pour la future collaboration du musicien passionné d’occultisme avec l’hydre "avant-metal" The Body."
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71. Loscil - Sea Island (Kranky)
"Les 11 bijoux d’impressionnisme électro-acoustique qui constituent ce Sea Island ne viennent nous rappeler à la grâce absolue que peuvent revêtir les foisonnements élégiaques de l’auteur d’Endless Falls. Agrémentés ici de vents évanescents, de percus cristallines, de chœurs éthérés et autres vestiges d’instruments rendus méconnaissables par l’érosion des embruns, on retrouve en effet ces claviers fugaces, drones vaporeux, blips oniriques et pulsations deep mais discrètes typiques de l’univers du Canadien, cristallisant avec un regain d’élégance dans l’abstraction la pureté de nos soupirs figés par l’air glacé des îles du nord. Du grand art."
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