Le streaming du jour #1335 : Ævangelist - ’Enthrall To The Void Of Bliss’

Complètement malsains et dégénérés comme à l’accoutumée et pourtant capables d’incursions baroques d’une beauté ténébreuse et glacée (dès les cascades de cordes dissonantes tantôt piquées ou caressées en intro du tout premier morceau Arcanæ Manifestia et qui serviront de fil conducteur tout du long), les Portlandiens d’Ævangelist libèrent la Bête et déchaînent le jugement dernier sur nos têtes avec ce quatrième opus parfait, tel un croisement monstrueux - dans tous les sens du terme - entre les épopées black metal malaisantes et sludgy aux structures mutantes de Terra Tenebrosa et le death déliquescent de Portal.

De retour à la maison - via l’écurie d’Olympia 20 Buck Spin - après deux grosses claques concédées au label français Debemur Morti, le duo ricain persiste et signe dans son format de prédilection, multipliant les changements de rythmes et d’atmosphères sur des morceaux flirtant avec les dix minutes, tour à tour fangeux, insidieux, belliqueux voire pompeux juste ce qu’il faut (cf. Cloister Of The Temple Of Death, ses vocalises solennelles en écho et ses riffs en surplomb de l’habituelle masse de lignes d’instruments en putréfaction) mais toujours sacrément fielleux, tout en ouvrant sa musique à des horizons toujours plus ambitieux. Exit le jazz malade de l’opus précédent, mais le court Alchemy dont le chant syncopé sur rythmique downtempo, tournoiements de guitares et textures abyssales évoque la lumière noire d’un Massive Attack des enfers, use ainsi sans complexe de beats électroniques aux allures de battements cardiaques, comme sur le beau Disquiet qui introduisait déjà Writhes In The Murk à une dimension plus méditative quoique tout aussi dark.

Néanmoins fidèle à son ésotérisme malveillant, le groupe n’en oublie pas pour autant les fondamentaux des genres qui l’ont vu naître, des rugissements de goule assoiffée et autres incantations hallucinées de l’oppressant Gatekeeper’s Scroll aux borborygmes cathartiques de l’épileptique Emanation en passant par les autoflagellations désespérées de Levitating Stones. Et c’est finalement sur le maelstrom de damnés d’une Meditation Of Transcendental Evil finale que culmine cet équilibre idéal entre jusqu’au-boutisme black bestial et avant-gardisme charnel, labyrinthe schizophrénique dont les lamentations d’âmes suppliciées que lacèrent une myriade de guitares déglinguées et de lames de bruit blanc laissent place au growl pervers de leurs bourreaux dans un déchaînement de futs martelés et de riffs lancinants, instruments d’un éternel tourment entre les pattes de cette chimère metal sans équivalent.


Streaming du jour - 19.10.2015 par RabbitInYourHeadlights
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