Le streaming du jour #1365 : Nadja - ’Sv’

Quelques semaines après avoir lâché une version live liquéfiée de The Bungled And The Botched, l’un des piliers de leur disco dont on peine à réaliser qu’il ne date que de 2009 tant Aidan Baker et Leah Buckareff ont multiplié les sorties depuis, le duo drone-doom expérimental canadien désormais basé à Berlin livrait Sv, son album le plus captivant depuis... Pyramids With Nadja, chef-d’œuvre insidieux et mélancolique, 2009 également. Autant dire que ça claque.

Non pas que les gaziers de Toronto n’aient rien sorti d’impressionnant depuis, on pense au vaporeux Flipper d’une élégance rare pour le genre, à Cystema Solari avec Uochi Toki, à The Primitive World et /ɪmpəˈfɛkʃ​(​ə​)​n/ avec Vampillia, sans parler des dizaines de bijoux monolithiques ou libertaires offerts par Baker en solo et via ses diverses formations aux confins du space/kraut/psych rock, de l’ambient et de l’impro noise/jazz/électro. C’est dire qu’en dépit d’une année 2015 inhabituellement discrète pour le bonhomme, il en fallait beaucoup pour justifier cette introduction dithyrambique, Nadja faisant tout simplement partie des groupes les plus féconds et constamment intéressants de ces dix dernières années tous genres musicaux confondus.

A priori pourtant, rien de bien original. Un seul morceau, intitulé Sievert, du nom de l’unité de mesure servant à évaluer l’impact sur l’homme des rayonnements ionisants, inventée par le physicien suédois du même nom et abrégée par le symbole Sv. L’une de ces progressions sur une quarantaine de minutes dont les droneux sont friands, et où les motifs viennent peu à peu s’empiler dans un crescendo de tension et d’intensité. Mais tout est dans l’exécution, et dans l’atmosphère d’apocalypse en marche que le duo parvient à développer ici, dans la continuité de sa collab avec Black Boned Angel notamment (de 2009 toujours, grande année pour Nadja).

Et radioactifs, les tourbillons de drones qui sous-tendent l’ascension doomgaze en flux tendu de cet instrumental halluciné le sont assurément. A dire vrai, excepté le génial Wreckmester Harmonies, aucun groupe ne s’était frotté récemment à la dramaturgie du doom avec autant de singularité et de virtuosité, privilégiant les polyrythmies uptempo et autres textures volatiles à l’habituelle pesanteur des riffs fangeux et des fûts martelés que Nadja avait contribué à tirer des clichés folklo du metal il y près d’une décennie. Aujourd’hui, le duo est ainsi définitivement libéré de tout carcan et de toute étiquette, mais prouve qu’il est toujours capable de mettre en son de véritables visions de fin des temps avec la même puissance viscérale et un impressionnisme instrumental que Baker n’a cessé d’affiner depuis son génial Lost In The Rat Maze.

Horde de damnés échappée des enfers ou bombardement nucléaire, à chacun donc d’imaginer ce que lui évoque cet Sv mais l’album joue à n’en pas douter dans la cour d’un Yanqui U.X.O. en terme de tsunami sonique à la dimension cinématographique trippante (en québecois dans le texte), larsens et crissements remplaçant les crins de GY !BE en guise de background crépusculaire et mortuaire des riffs dramatiques suintant le danger sans jamais céder aux sirènes de la grandiloquence comme c’est bien trop souvent le cas dans le post-metal par exemple. Le genre d’épopée sur sillons dont on ne se remet pas indemne, en somme, à condition bien sûr de lui accorder l’immersion qu’elle demande, écoute au casque de rigueur pour pleinement apprécier ce qui devrait rapidement s’imposer comme un album majeur de ce cru 2016.


Streaming du jour - 12.05.2016 par RabbitInYourHeadlights
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