Le streaming du jour #1919 : IRM presents - ’IRMxTP Part XV - Nobody Loved Laura But Us (Time Heals All Wounds)’

Et voilà, avec le volume 16 paru en décembre dernier, la sortie de ce 15e volet met un point final à notre projet. 16 parties, 198 morceaux, Twin Peaks ne s’en remettra jamais vraiment, du moins aux oreilles des fidèles - dont vous faites, on l’espère, partie - qui ont suivi cet hommage narratif et sonique du début à la fin. Au bout du compte, il n’était question que de Laura, d’où le choix de garder pour ultime conclusion cette élégie pour l’un des personnages les plus ambigus, mystérieux, tragiques et finalement touchants de l’histoire de la télévision.

A l’image de cette blonde tourmentée au sourire trompeur qui fascinait la petite bourgade aux 51 201 habitants, l’artwork de Flore Kunst situe cette part d’inconnu entre le bouillonnement microscopique d’une personnalité touchée par la fatalité (celle de sa nature ambivalente mais également des esprits démiurges de la Loge) et les ténèbres de la forêt qui scellera son destin. Mastérisé par Andrew Weathers de l’excellent label expérimental Full Spectrum, Nobody Loved Laura But Us est assurément l’un des volumes les plus atmosphériques et délicats de notre série mais aussi l’un des plus mélodiques, avec quelques-uns des artistes favoris de la rédaction dans ces sphères drone, électro-acoustiques et classical ambient que l’on défend avec passion.

Ce qui n’empêche pas quelques incursions résolument sombres et hantées, à l’instar de cet ironique Pure de FWF (aka Fabien W. Furter de Wheelfall dont on retrouvait le menaçant Claws en clôture de la partie XIII) sur lequel même les carillons semblent contribuer à révéler la part de perversion cachée derrière la façade d’innocence de l’héroïne retrouvée morte au tout début de la série, des Variations on Relations tout en accords acoustiques dépressifs et basses fréquences oscillantes et plombées du Berlinois René Margraff aka Pillowdiver, ou encore du lancinant True Knowns de l’Anglais Seabuckthorn, pensionnaire drone-folk de l’écurie Lost Tribe Sound bien connue de nos lecteurs.

Alder & Ash du même label avait d’ailleurs donné le ton d’emblée, sur un No Such Thing As Summer entre tendresse et désespoir, où le lyrisme en clair-obscur du violoncelle ménageait quelques dissonances inquiètes sur fond de beats en écho au dynamisme feutré. Dans cette continuité, le bien-nommé Dedicated to Laura Palmer du Japonais Akira Kosemura (composé pour notre compilation mais sorti entre-temps sur son album In the Dark Woods) hésite entre textures maussades et mélodie de clavier crève-cœur, tandis que le Belge aMute sur un lit de batterie et de synthés vintage aux envolées ferventes et saturées évoque la connexion duelle entre Laura et sa cousine/sosie Maddy, en même temps que la majesté naturelle des fameux pics jumeaux du titre.

Des méditations opalescentes et jazzy de l’Américain offthesky sous le signe du fameux collier au cœur brisé de Laura et James aux synthés introspectifs et tristounets de l’Italien Marco Cella sur L4UR4, en passant par les rêveries cristallines et poignantes du Canadien Christopher Bissonnette (Interlude for Heavy Hearts) ou la douceur expiatoire des drones de son compatriote Kyle Bobby Dunn (qui vient de sortir un très joli split avec un certain Wayne Robert Thomas), une tendresse sans bornes pour Laura émane des instrumentaux de ce 15e volet, et si nous avons choisi de le sous-titrer Time Heals All Wounds, c’est bien parce qu’il y sera question de guérir nos petits cœurs meurtris par l’histoire troublante, pathétique et déchirante de l’adolescente assassinée.

Cette thérapie de l’âme, le Polonais Jacaszek s’en chargeait déjà par petites touches sur l’éthéré Laura, valse liquéfiée au baume apaisant d’harmonies vocales et de candeur guitare/synthés, mais c’est surtout l’élégie pianistique et naturaliste de l’Australien David Shea qui fait le boulot dans le spleen chaleureux du soleil couchant, références mélodiques discrètes et pleines d’espoir au thème de Laura à l’appui, avant que l’ange Chantal Acda ne vienne drainer nos dernières larmes via l’une de ces bouleversantes ballades acoustiques à l’effet presque cathartique, cantique pour celle qui, dans la série, semble avoir souffert pour les péchés d’une communauté tout entière. Le temps est enfin à l’apaisement, et c’est sur la sérénité ambient-jazz des Ukrainiens de The Orchestra Of Mirrored Reflections (récemment auteurs du chouette Narrow Escape qui incluait ledit morceau) que l’on clôt ce tribute multifacettes à l’œuvre culte de David Lynch et Mark Frost... en attendant qui sait quelques ramifications à venir plus tard dans l’année, on vous en reparle le moment venu !

A télécharger librement sur notre page Bandcamp et à écouter ci-dessous, en vous remerciant d’avoir suivi jusqu’à sa conclusion cet ambitieux projet de deux ans qui n’attend plus que vos partages et recommandations pour toucher, on l’espère, un public plus étendu :