PJ Harvey - Let England Shake
Coup de semonce en provenance du sud-ouest de la perfide Albion. J’ai rien vu venir, et vous ?
1. Let England Shake
2. The Last Living Rose
3. The Glorious Land
4. The Words That Maketh Murder
5. All And Everyone
6. On Battleship Hill
7. England
8. In The Dark Places
9. Bitter Branches
10. Hanging In The Wire
11. Written On The Forehead
12. The Colour of The Earth
En conclusion, puisqu’il faut bien commencer par constater l’ampleur des dégâts : paix aux artistes qui tenteront de gagner leur pain quotidien après un album de la trempe de ce Let England Shake. Le rock vient de prendre un coup bien placé entre les burnes, faut dire que depuis une bonne vingtaine d’années, il aime ça se faire secouer par la belle Anglaise. Mais pas comme ça, non, et encore moins avec l’aval de purs et durs comme John Parish - qui a quand même bossé avec 16 Horsepower, Eels, Sparklehorse, Dionysos - ou Mick Harvey entre autre Bad Seed de Nick Cave. Le rock n’est plus, vive le rock.
Hélas non, on ne peut décréter tout seul dans son coin la révolution. Et pourtant, dans mes rêves les plus fous et depuis la sortie de ce Let England Shake, j’ai des envies de combats sans fin. Rien que le titre éponyme, qui m’avait pourtant fait reculer de 3 mètres lors de sa présentation live (voir ci-dessous), j’en suis devenu accroc même si je n’arrive toujours pas à m’expliquer son charme funambule, sa force contenue, son caractère insolite qui me ravit chaque jour un peu plus.
Je vous jure, j’ai envie de tout casser pour PJ parce qu’avec un titre aussi étourdissant que The Glorious Land, qui croise des strates sonores même pas sorties de la tête de Kevin Shields et un son de cavalerie même pas sorti du klaxon huit tons de feu mon oncle italien, j’ai vraiment l’impression que sans elle, on aurait attendu longtemps pour que les lignes bougent.
Oui, il me tient à cœur cet album, comme s’il était temps pour moi de reconquérir ce terrain fertile et plein d’amour qu’on cultivait avec la belle brune du Somerset au siècle dernier. Je plaide coupable d’avoir été voir ailleurs, malgré des White Chalk et A Woman A Man Walked By plus que largement à la hauteur. Je suis moche, je me hais, cet album me rend amer de tout ce temps perdu.
Faut se rappeler quand même la carrière de Polly, démarrée à peu près en même temps qu’un certain Thom Yorke et sa bande de Radiohead. Ils ont d’ailleurs croisé le fer sur le fameux This Mess We’re In extrait de Stories from the City, Stories from the Sea . Et à l’époque, ça n’avait semble-t-il dérangé personne... depuis quand c’est les femmes qui invitent sur leur album ? Heureusement qu’il y a eu ce gentleman de Nick Cave pour lui offrir un morceau de choix - Henry Lee - sur son Murder Ballads. Je fais des histoires avec rien, et me voilà remonté contre toute la gente masculine, surtout quand je lis chez un pourtant valeureux confrère : "Elle n’a ni la puissance de Janis Joplin, ni la suavité de Kate Bush, pour ne rien dire du guttural psalmodié de Patti Smith". On les pendra haut et court, tous ces hommes qui ont perdu le sens de la galanterie. Oui, j’ai la révolte facile, envie de m’inscrire au MLF, de militer pour la reconnaissance des Shannon Wright, Katel, Helluvah, Raymonde Howarde et j’en passe, couvrir de fleurs toutes ces femmes qui nous rendent la musique si belle, dénoncer les différences de traitement alors qu’elles savent tenir le manche mieux que quiconque. Oui, ça tourne aux affaires personnelles, mais il est toujours bon de remettre un peu de guerre des sexes dans le débat.
Reprenons le fil de Let England Shake, pour bien se rendre compte que de toute manière on est tous à ses pieds ; elle nous mène à la baguette notre grande prêtresse du rock. J’en veux pour preuve The Words That Maketh Murder où tout en élégance, la belle Anglaise déguise John Parish et Mick Harvey en Baloo (du Livre de la Jungle) le temps de quelques chœurs. Elle se permet toutes les entourloupes, s’amuse avec le rock et ça fonctionne incroyablement bien. Quand elle veut, par exemple sur On Battleship Hill, madame se pare d’une voix que personne n’oserait faire (surtout à vingt ans) de peur de passer pour une vierge effarouchée. Elle ose encore et toujours et colle le grand frisson à des gaillards comme vous et moi. Et les femmes ne sont pas en reste, avec des morceaux plus rock tel que ce In The Dark Places qui renvoie sainte Alison (The Kills) et sa frange dans ses dix-huit mètres (écoutez à mi-morceau comment PJ bombe le torse et balaie d’un revers de la main la concurrence) ou The Last Living Rose à la sensibilité bien aiguisée.
Le clou du spectacle aurait pu être tenu par ce morceau England qui sans qu’on y prenne garde, alors même qu’on aurait pu penser avoir à faire à un intermède tendance islandaise, s’envole carrément à la grâce d’un chant aérien et mystique. Mais on est tout de même au regret de constater que la prise de risque et le travail d’équilibriste presque omniprésents sur cet album ont eu raison des deux derniers morceaux qui peinent à convaincre. Comme s’il fallait éviter à tout prix qu’on dise d’elle qu’elle est la femme parfaite, comme s’il fallait fuir ce qui pendant 10 morceaux tournait au chef-d’œuvre.
On a déjà conclu en introduction, plaignant les artistes qui passeront après ce Let England Shake. Pourquoi ? Imaginez tout simplement que demain on sélectionne notre musique avec le même niveau d’exigence que celui qu’on a appliqué aux femmes durant des décennies à savoir sois belle, courageuse, audacieuse, aimante et pas chiante ? Imaginez que demain on décide de faire de Let England Shake le mètre-étalon ? En dessous, on oublie, au dessus on aime ? Les hommes feront-ils profil bas ? Les femmes obtiendront-elles le pouvoir ? Tout ça pour un album de P.J. Harvey ? Oui mais quel album !
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