Young Widows - In And Out Of Youth And Lightness

Attention, In And Out Of Youth And Lightness est annoncé plus adulte et profond que ce à quoi Young Widows nous avait habitués jusqu’ici. Certes plus calme et solennel que Settle Down City et Old Wounds, la noise du trio reste tout de même encore largement identifiable et finalement tout aussi efficace. Et sous ses dehors patraques et répétitifs, sa musique montre des incisives acérées restées intactes.

1. Young Rivers
2. Future Heart Voir la vidéo Young Widows - Future Heart
3. In And Out Of Lightness
4. Lean On The GHost
5. The Muted Man
6. Right In The End
7. Miss Tambourine Wrist
8. White Golden Rings
9. In And Out Of Youth

date de sortie : 12-04-2011 Label : Temporary Residence Ltd

Pour bien appréhender In And Out Of Youth And Lightness, sans doute est-il nécessaire de revenir sur le parcours du trio qui en est à l’origine.
Car ses premières écoutes se sont révélées assez déstabilisantes.
Young Widows est constitué au deux tiers d’anciens Breather Resist, groupe de mathcore qui, fatalement, évoque Botch et dont la main gauche et bleue qui ornait la pochette de Charmer, leur premier album de 2004, balançait alors une belle claque dévastatrice à tous ceux qui avait l’outrecuidance de poser une oreille dessus. En 2006, suite à la défection de son chanteur, Steve Sidoni, Breather Resist disparaît puis renaît immédiatement sous le nom de Young Widows, trio où l’on retrouve le guitariste-compositeur Evan Patterson et le bassiste Nick Thieneman (rejoints à l’origine par le batteur Geoff Paton remplacé plus tard par Jeremy McMonigle). Cette fois-ci, fini Botch, leur musique nous emmène plutôt du côté des Jesus Lizard, Clockcleaner et consorts, dans un registre nettement plus noise donc que celui de Breather Resist. Auteurs d’un premier album déjà très efficace en 2006, Settle Down City, c’est surtout en 2008 que le trio impétueux fait parler de lui, d’abord en quittant Jade Tree pour Temporary Residence Limited et surtout en sortant Old Wounds qui est, lui aussi, encore, une belle claque. Un peu comme un mode d’emploi, la noise pour les nuls ou quelque chose comme ça avec basse véloce, voix arrachée, riffs cradingues et fûts martelés, secs et méchants, le tout décliné le temps de courts morceaux majoritairement en-dessous des trois minutes, très addictifs et pour tout dire, absolument brillants. Bref, un parcours effectué le plus souvent les potards dans le rouge, les tripes sur la table et qui ne pouvait laisser présager de la teneur de ce nouvel opus.

Old Wounds avait mis tout le monde d’accord. Il n’en sera probablement pas de même pour In And Out Of Youth And Lightness. C’est que les compositions du groupe ne montrent plus du tout le même visage : plus longues et surtout, plus lentes là où Old Wounds balançait ses morceaux comme autant de pains dans la figure et s’enfuyait sans se retourner, nous laissant là, allongés sur le trottoir, la bouche dans le caniveau et des papillons plein les yeux. Ici, le trio n’est plus du tout dans le registre de l’attaque imprévisible, spontanée et brève même si, à plusieurs reprises, il sait encore se montrer belliqueux. In And Out Of Youth And Lightness est certes encore fondamentalement noise mais choisit également de fureter ailleurs, d’explorer de nouvelles pistes, arpentant les chemins de traverse qui longent l’axe principal sur lequel le trio taille habituellement sa route. Le son est toujours le même, Young Widows n’a pas changé et garde les mêmes armes, les mêmes intentions mais utilise de nouveaux moyens pour arriver à ses fins.

Une majorité de titres au-dessus des cinq minutes, une pulsation plus lente, plus lourde, toujours sombre mais à la langueur inédite. Et même si la tentation est grande, je ne m’autorise définitivement pas à employer le mot maturité parce que la noise furibarde au fort parfum ’90s d’ Old Wounds avait autant à dire que celle, plus répétitive et plus indéfinie dIn And Out Of Youth And Lightness. De même que le groupe n’œuvre pas systématiquement dans la retenue et explose encore régulièrement. Simplement les constructions osent prendre leur temps et sont plus variées, pour preuve le côté très sec, voire décharné, de Young Rivers, les accents surf et rockabilly à la East Bay Ray sur les riffs développés dans In And Out Of Lightness - un titre qui semble vouloir ressusciter le fantôme des Dead Kennedys - ou encore ceux plus bluesy de The Muted Man, les chœurs un peu partout, la voix qui chuchote, tout ça est assez nouveau chez ce groupe qui nous avait habitués jusqu’ici à expérimenter les différentes formes que peut revêtir le spectre de la vélocité.

Le Young Widows dOld Wounds a bel et bien disparu, s’est évaporé au profit du même groupe qui joue et compose autrement. Il n’en reste pas moins que le dédale que constitue ce disque est tout aussi brillant même s’il est moins spontanément addictif. Plus long en bouche, le disque finit par se révéler au fil des écoutes : aride, aux mélodies souterraines et à la répétition cinglante qui ennuie légèrement de prime abord et puis les subtilités rythmiques comme ces clochettes qui ornent Young Rivers ou les toms profonds d’In And Out Of Youth, le son très sec de la caisse claire, les coups de basse sales et spacieux, les riffs de guitare aux intonations surf, blues ou n’importe quoi d’autre mais qui se baladent en majorité dans les aigus et surtout cette voix blanche et fatiguée, aux intonations post-punk, au bout du bout du rouleau. Les réussites sont nombreuses, même s’il faut les chercher, fouiller un peu, gratter le vernis de l’indolence qui recouvre les morceaux, d’In And Out Of Lightness dont on a déjà parlé à Right In The End, un morceau magnifique, un peu alt-country, un peu blues, sec et franchement noir, de Future Heart qui rappelle Old Wounds à l’incisif Miss Tambourine Wrist.

Et on ne parlera pas plus de subtilité nouvelle qu’on ne l’a fait concernant sa prétendue maturité : Young Widows, aussi curieux que cela puisse paraître, a toujours été délicat de toute façon, même dans ses moments les plus noise ou même hardcore à l’époque où le groupe s’appelait encore Breather Resist. Et c’est aussi en cela que l’on peut avancer sans se tromper qu’il s’agit toujours du même trio, des mêmes musiciens. Bien sûr, certains regretteront l’efficacité sans fard d’ Old Wounds, sa vélocité et surtout le côté concis des compositions d’alors, parleront d’ennui voire de gros ratage. De mon côté, je ne ressens pas du tout cela et j’avancerais même quIn And Out Of Youth And Lightness, lui aussi finalement, a beaucoup à offrir. À l’instar de Grails qui désarçonne avec les multiples niveaux de lecture de Deep Politics, Young Widows déstabilise également : deux disques coup sur coup à la relative difficulté pour le même label. Un pari osé. Mais au regard de leurs qualités respectives, pas tant que ça finalement. Et puis comment en vouloir au groupe de ne pas se répéter, d’aller voir ailleurs ? Après tout, Old Wounds existe déjà, Young Widows a choisi d’évoluer et on les suivra encore, les yeux tout aussi fermés qu’en 2008.

Laissez donc une chance à ce visage de roses et de ronces, d’abeilles et de marguerites, à la fois singulier et piquant, à cet amalgame de rock et de noise, sombre et élégant. Une respiration particulière, lourde et lente qui exprime beaucoup de choses, charrie son lot de mélancolie et résonne longtemps. Encore une fois, le trio, fidèle à son credo, nous offre une belle réussite.

Chroniques - 12.04.2011 par leoluce
 


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