Alors que des bilans clonés d’une année qui valait pourtant mieux que cette pâle uniformité fleurissent déjà un peu partout, on a plaisir à voir que les créateurs de formes continuent leur travail de sape en dépit du diktat tiédasse de la presse spécialisée. Révélé l’an dernier par le chamanique et déjà fortement transversal Butterflies Are Witches, l’Anglais Colossloth est de ceux-là et impressionne cette fois en trois titres seulement par la puissance d’évocation de ses collages à la croisée du drone, du classical ambient et de l’électronique.

Digne des meilleures sorties Miasmah, Anchored By Lungs invente la musique de chambre de l’apocalypse, les bourdons lancinants d’un morceau-titre éclaboussé de violons élégiaques s’ouvrant soudain pour laisser affleurer dans un ballet de grincements organiques les accords tourmentés d’un piano qui s’adoucira paradoxalement sous le déferlement doomesque et saturé de Welcome Home Mourning Voyeur. Aussi terrassant pour ses crescendos d’interférences noisy et autres percées de larsens belliqueux que pour les troublants errements de ses cordes victoriennes perdues dans un futur de matrices altérées, Feint Hearted enfonce le clou d’un disque dévastateur autant que délicat, malaisant autant qu’élégant.