2017 dans l’oreillette - Best albums pt. 1 : 100 à 91

100 albums en 10 parties, pour renouer avec ma formule chronophage des années 2014 et 2015, car après 30 EPs il fallait au moins trois fois ça. Et surtout parce que quand on aime, on ne compte pas, et qu’il n’y a finalement pas une différence fondamentale dans mon cœur entre, mettons, le 50e et le 100e de cette sélection, simple question d’humeur et d’envie du moment.

Le fait est que tous ces choix, et même une dizaine d’autres laissés de côté pour des raisons de symétrie, m’ont fasciné, touché et marqué de diverses façons, d’écoutes-expériences dont je laisserai l’effet s’estomper quelques mois voire même quelques années avant d’y revenir en quête du plaisir intact de la (re)découverte, en albums-compagnons qui ont su chauffer ma platine virtuelle à intervalles réguliers. Je n’avais donc pas d’autre choix que prendre mon courage à deux mains pour me replonger dans un cru d’une richesse insoupçonnée, en comptant sur votre patience et sur votre curiosité - et en vous promettant cette fois d’en terminer bien avant que le printemps ne pointe le bout de son nez !




100. David Kolhne - Granular Canvas (Whitelabrecs)




Outre les abstractions crépitantes aux radiations pulsées de Variables à la croisée de la microhouse du label Raster-Noton et du drone expérimental de Room40, le Canadien David Kolhne, nouveau-venu dans ces sphères ambient évocatrices et avant-gardistes à la fois que l’on défend dans nos colonnes à longueur d’année, s’est imposé d’emblée avec les épopées subaquatiques scintillantes et déstructurées de ce Granular Canvas aux flux de textures organiques aussi magnétiques qu’insidieux.




99. Aidan Baker w/ Claire Brentnall - Delirious Things (Gizeh)




"Si le chant volontiers évanescent et divagant de Claire Brentnall faisait déjà naturellement penser à Liz Fraser sur le récent Mirror Breathing de son groupe Shield Patterns, entendre ses vocalises doublées d’harmonies en écho, à la fois douces et lyriques, presque en état d’ébriété et légèrement acidulées s’entrelacer avec les nappes gazéifiées de synthé Casio et de guitares d’Aidan Baker ravira forcément les nostalgiques des Cocteau Twins."


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98. Ochre - Beyond the Outer Loop (Aura Materia)




Croisé sur notre compil IRMxTP Part V - If You Were Falling in Space​.​.​. (The Angels Wouldn’t Help You) avec la fantaisie SF du merveilleux Fall City, Christopher Leary livre un nouveau bijou d’IDM pastel et délicieusement alambiquée sans être démesurément cérébrale pour autant, dont les cascades de blips cristallins au doux psychédélisme syncopé s’entrecoupent ici de quelques belles nappes rétro-futuristes à la croisée de la BO de Blade Runner et de Brian Eno.




97. Gideon Wolf - Year Zero (Fluid Audio)




On avait découvert le Britannique il y a 5 ans via un Paper dont les manipulations pianistiques post-classiques étaient entrecoupées d’étranges chorales néo-gospel un peu trop arty à mon goût. Avec les cordes polyphoniques et nappes ambient lancinantes aux incursions synthétiques (Noise) voire abrasives et grouillantes (Insect) de ce Year Zero où le piano se fait plus impressionniste et discret (Falling), Gideon Wolf passe un pallier et rivalise de lyrisme troublant et radiant avec Jonny Greenwood sur ses fameuses BO pour P.T. Anderson (cf. Scratch, Exposed ou encore l’ouverture d’Oblivion).




96. Evan Caminiti - Toxic City Music (Dust Editions)




Avec ses délicates vagues de saturations irradiées à base de guitare électrique et de field recordings urbains manipulés que soutiennent des pulsations somatiques, ce dernier album solo en date d’Evan Caminiti perpétue le goût de l’échappé de Barn Owl pour les dystopies nocturnes aux mutations froides et organiques, sans égaler ses propres sommets Meridian, Coiling ou surtout Dreamless Sleep mais toujours avec cette fascinante instabilité des textures et des harmonies, comme rongées par cette corrosive atmosphère de désincarnation qui liquéfie les âmes de nos cités de verre et de béton.




95. Mute Speaker - Ghost Machine (Autoproduction)




Cousin instru du déjà très chouette Buster Friendly dont je parlais ici, ce Ghost Machine a quelque chose du Flying Lotus des débuts dans son approche très deep, downtempo et syncopée de l’abstract nourrie au dubstep, à la bass music et même à l’ambient, mais le Britannique a trouvé dans le folklore d’Asie du Sud-Est et surtout dans les jungles inextricables et grouillantes de vie de son Cambodge d’adoption de quoi se démarquer de ses aînés en inventant le vaudou-hop de chaman des forêts, psychédélique et psychotrope à souhait.




94. Phew - Light Sleep (Mesh-Key Records)




Plus de 35 ans après un premier album éponyme enregistré avec Can, l’ancienne punkette japonaise Hiromi Moritani aka Phew n’a rien perdu de son goût pour l’avant-garde rêche et narcotique, en témoigne cet étrange et fascinant Light Sleep, alternant électro entêtante aux vocalises hallucinées (New World, Usui Kuki), martèlements post-indus lancinants (CQ Tokyo, Echo) et ambient analogique cauchemardée (Mata Aimasho, Antenna). Si je l’avais écouté plus souvent il aurait sans doute fini bien plus haut celui-là.




93. Couch Slut - Contempt (Gilead Media)




La pochette sombre à l’ironie malsaine de ce deuxième opus des New-Yorkais cache l’un des albums de metal du cru 2017 aux inspirations les plus équilibrées, mêlant mélodies post-grunge (Snake in the Grass), violence hardcore (Penalty Scar) et atmosphères d’une lourdeur asphyxiante (Folk Song), le final Won’t Come lorgnant carrément sur le doom pour 9 minutes de calvaire larsenisant où Megan Osztrosits, impératrice de l’auto-dépréciation, se perd dans un monologue nihiliste moins brutal que ses beuglantes étranglées des titres précédents mais finalement tout aussi dérangeant. Résultat, une belle 4e place dans notre bilan de l’été.




92. Otto Lindholm - Alter (Gizeh)




Pour son 2e album en 2 ans et premier chez Gizeh (assurément un gage de qualité pour les amateurs d’ambient claire-obscure jouée avec de vrais instruments), Otto Lindholm donne dans un drone post-classique dont la dimension fataliste est incarnée par les zébrures capiteuses de la contrebasse du Bruxellois, ménageant même entre les superbement plombés Fauve et Alyscamps une relative respiration, où les cordes se frottent à une électro cardiaque aux pulsations hypnotiques.




91. Meyhem Lauren & DJ Muggs - Gems from the Equinox (Soul Assassins Records)




Quinzième de notre bilan hip-hop de l’année écoulée, cette collaboration réveille le Muggs de la grande époque des Soul Assassins (Chapter 1 bien sûr) à coups de groove d’alcôves sordides, de samples insidieux, de basses post-apocalyptiques, de guitares rampantes et de psychédélisme sépulcral, de quoi transcender le flow idéalement corpulent et obsédant Meyhem Lauren qui en ferait presque oublier une liste de featurings longue comme le bras.


Articles - 03.01.2018 par RabbitInYourHeadlights