Mon année 2014 en 100 albums - Part 9

Mes favoris de l’année écoulée triés sur le volet à l’instant T, 10x10 albums tous genres confondus et quelques bonus à la fin (meilleurs EPs, labels, etc.), voilà ce qui vous attend dans cette série qui réduira faute de temps les commentaires au strict minimum (les deux tiers des disques mentionnés ayant été chroniqués dans les pages d’IRM, vous savez où aller).

Entrée dans le top 20, on sort la grosse artillerie... et pourtant, si chansons habitées et instrus tortueux prennent particulièrement aux tripes dans cette 9ème partie, ça n’est pas franchement à l’uzi que ces subtils bouilleurs d’intensité contenue plomberont l’ambiance aujourd’hui.





20. Chicago Underground Duo - Locus (Northern Spy)


"Il y a deux ans, le cornettiste Rob Mazurek et le batteur Chad Taylor reprenaient goût aux rondeurs rythmiques et aux synthés analogiques avec The Age of Energy. Un retour vers l’abstraction dont Locus, seconde sortie chez Northern Spy, continue de creuser les jams hybrides aussi jouissifs qu’alambiqués, lorgnant dès l’entame sur le mètre-étalon de ces métissages entre jazz, post-rock et électronique, le fameux Standards des compères Tortoise que Mazurek côtoya il y a quelques années au sein d’Isotope 217. De rêveries martiennes (The Human Economy, House Of The Axe) en réminiscences afrobeat (Yaa Yaa Kole) entre deux détours par les errements discordants de l’étrange Borrow And Burry ou la transe cuivrée de Blink Out, le duo ne se contente pas pour autant de parfaire ce qu’il fait de mieux (de l’impeccable Boss à l’épique Dante) et gageons que d’ici une décade ou deux, Locus sera devenu lui aussi l’un de ces modèles que les explorateurs du jazz tenteront de digérer faute de pouvoir le copier."


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19. Jacob Faurholt - Corners (Autoproduction)


"Moins abrasif que ses sorties en tant que Crystal Shipsss mais finalement tout aussi névrosé sous ses refrains désarmants de simplicité, ce nouvel opus de Jacob Faurholt confirme le talent de cet héritier de Daniel Johnston ou Mark Linkous pour un songwriting touchant de nudité. Ainsi, il n’est jamais question d’autre chose que d’amour déchu et de mal-être existentiel chez l’auteur du schizophrénique Dirty Dancer de l’année précédente, à la différence que la voix d’écorché de notre Berlinois d’adoption se met ici au service de petits hymnes lo-fi électrisants (Oh My Love, Rock n Roll) ou parfois à demi débranchés (Girls, SH) qu’on jurerait tout droit revenus des glorieuses 90s, convoquant les mélodies désespérées mais paradoxalement réconfortantes voire faussement insouciantes des premiers Eels avec A Horse’s Head ou surtout Sing & Swing, l’intensité dépouillée des débuts de Bright Eyes ou les maux imagés de feu Sparklehorse."


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18. John Pain - Darkness Floats (I Had An Accident/Sun Dialect Recordings)


"Après une première vie sur CD en 2013 chez Sun Dialect Recordings, le second souffle est venu du format cassette du côté d’IHAA pour les jams abstract/kraut/free/rock du Californien John Pain (aka DJ Pain), où l’ami John Wagner de Skyrider claque ses drums bruts de décoffrage et riches en contrepieds rythmiques sur fond de synthés vintage, de guitares psyché voire asiatisantes (Egadz s’occupe des deux) et de basses pulsées (sans oublier les cordes indiennes de l’hypnotique My Hair Lives On). En guise de respiration bienvenue, la ballade acoustique Darkness Floats qui donne son titre au disque relâche la pression avec ses nappes lancinantes aux faux airs de chœurs fantomatiques, avant qu’un South Jetty Loop incandescent ne vienne donner le ton d’une face B dark et heavy à souhait. Fracassant !"


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17. thisquietarmy & Syndrome - The Lonely Mountain (ConSouling Sounds)


Associé au Belge Syndrome, le Montréalais Eric Quach livre l’un de ses disques les plus immersifs et oppressants, chef-d’œuvre de drone aride et lourd de tension contenue au-dessus duquel plane un orage de bruit blanc qui ne déversera jamais vraiment son courroux d’apocalypse en marche. Au regard de la profusion des sorties du patron de TQA Records ces derniers mois (dont témoigneront également sa présence dans mon bilan EPs ainsi que des mentions Très Bien pour les recalés Reveries au côté de Noveller et Hypnodrone Ensemble avec Aidan Baker) , on saluera donc d’autant plus l’ambition et l’ampleur de The Lonely Mountain, écrasant joyau noir aux chapes de brumes impénétrables habitées d’une aura quasi mythologique.


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16. Cezary Gapik - Fission (Nute Records) / Sketches #5 (Autoproduction)


Des radiations opaques de l’énième triplette d’inédits circa 2010 que compile Sketches #5, aux fréquences pullulantes tout aussi lancinantes de Fission (cf. 0495 [Sifting]), on mesure aisément l’évolution du Polonais dont les oscillations texturées bénéficient sur ce dernier opus en date d’une attention au détail qui n’enlève rien à leur magnétisme oppressant. Et pourtant, des sombres monolithes minimalistes d’il y a quelques années aux abîmes plus escarpés et discordants mais aussi paradoxalement plus aérés d’aujourd’hui (Daybreak), la dimension claustrophobique et physiquement malaisante est demeurée intacte, en attestent les suintements de saturations harsh et de larsens stridents de #0520 [Fission] ou encore les sinusoïdes privées de lumière, de chair et d’empathie de #0521 [Rods]. Quant au sixième Sketches, également très bon, les amateurs apprécieront en guise de cerise corrosive sur le gâteau déliquescent dont Cezary Gapik nous offre chaque année une ou deux parts putrides à souhait.


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15. Carla Bozulich - Boy (Constellation)


Étonnamment accessible (cf. Danceland ou Lazy Crossbones) et pourtant comme toujours sans la moindre compromission, ce nouvel opus pour Constellation de la prophétesse art-noise californienne donne dans la mise à nu. Exit le pseudo Evangelista et ses errances déstructurées flirtant avec le dark ambient et place au storytelling habité d’un rock minimaliste dont l’intensité semble ramper plus qu’elle n’éclate, soutenue par la batterie décadrée juste ce qu’il faut d’un Andrea Belfi omniprésent dans les bons coups en cette année 2014 (cf. plus bas), la tension sourde et feutrée de la basse, des riffs barbelés joliment clairsemés et les incursions de claviers baroques du compère John Eichenseer. Carla a bouffé Michael Gira, Nick Cave et Bonnie ’Prince’ Billy au petit déjeuner et loin de peser sur l’estomac la digestion s’est plutôt bien passée, spleen tourmenté et visions enfiévrées se disputant la part du lion sur ces 10 morceaux de bravoure à la croisée d’un blues-rock de misfit (Ain’t No Grave, Don’t Follow Me), d’un indus martial (le surpuissant One Hard Man) et d’une alt-country crépusculaire en quête de rédemption (Drowned To The Light et son violoncelle passant de l’ombre à la lumière, Gonna Stop Killing), trois pôles qui vont même jusqu’à fusionner sur le parfait Deeper Than The Well.


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14. Gimu - The Whole World Is Tired Today (Cosmic Winnetou) / Blissful Haze, Hazy Bliss (Autoproduction)


Toujours intéressant, souvent captivant (citons pour le semestre écoulé The Year Of The Ill, Moving Still ou encore A World Apart au côté du Slovène Zoran), mais parfois rien de moins que littéralement terrassant, il aura fallu attendre le tout dernier mois de l’année pour que le Brésilien nous gratifie de ses œuvres "monstres" cru 2014 dans la droite lignée du génial Opaque Black (que l’on rapprochait volontairement en 2013 du sus-mentionné Cezary Gapik). Des spectres entêtants de The Whole World Is Tired Today dont les murmures hantés et autres grouillements d’ectoplasmes astraux distillent leur angoisse par-delà les colonnes démesurées de drones irradiés, aux majestueux vortex de brumes opacifiées en quête de lumière et d’espoir d’un Blissful Haze, Hazy Bliss où l’abstraction onirique le dispute au lyrisme diffus des claviers et des chœurs trafiqués, on est ici dans le haut du panier, celui qui voit parfois Gimu laisser reposer 20 ans un morceau avant de le finaliser (comme c’est le cas ici des liturgies cosmiques de When I Fully Understood Why Some People Wanna Die).





13. Evan Caminiti - Coiling (Dust Editions)


De vacillements électriques en pulsations cardiaques et synthés fantasmagoriques, le manteau de nuit que déploie Evan Caminiti s’insinue aussi profondément que possible dans les méandres du subconscient, ouvrant sur l’infini des astres notre perception des mystères de l’esprit et de ses égarements ensommeillés. Loin de décevoir comme son compère de Barn Owl, Jon Porras, que l’on avait connu nettement plus inspiré que sur le récent Light Divide, c’est dans la lignée du déjà fabuleux Dreamless Sleep de 2012 et de son faux jumeau Night Dust que s’inscrit cette nouvelle sortie du guitariste et soundscaper new-yorkais, lequel ne serait pourtant aux dires même de l’intéressé qu’un avant-goût de son prochain album officiel prévu pour cette année. C’est dire si l’on attend avec impatience la suite de ce Coiling dont l’onirisme halluciné captive de bout en bout, au point même de laisser légèrement sur leur faim les amateurs d’ambient enténébrée et contrastée.





12. Belfi / Grubbs / Pilia - Dust & Mirrors (Blue Chopsticks)


"Ce n’est certainement pas un hasard si le titre de ce Dust & Mirrors fait écho à celui du cultissime Upgrade & Afterlife de Gastr Del Sol dont le morceau final, Foamy Originale, convoquera justement le magnétisme ambient électrique et obscur que les circonvolutions du reste de l’album n’avaient fait qu’effleurer. Pour autant côté David Grubbs, ancien leader des têtes chercheuses de Chicago, les motifs de guitares sinueux s’accommodent volontiers d’incursions vocales au spleen serein dans la lignée de ses albums solo (Cool Side Of The Pillow) tandis que Belfi, dont on avait pu apprécier les talents hypnotiques aux fûts de B/B/S/, apporte à l’aventure derrière les percussions et autres fourmillements électroniques (sur l’odyssée Charm Offensive notamment) une fébrilité assez inédite, donnant l’impression que chaque morceau peut s’emballer et sortir de ses gongs à tout moment. Aucun doute, Belfi / Grubbs / Pilia est bien un groupe à part entière à la singularité bien trempée, et la liberté qu’il inspire sur ce successeur du méconnu Onrushing Cloud fascine autant qu’elle galvanise les sens !"


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11. The Body (w/ The Haxan Cloak) - I Shall Die Here (RVNG Intl.)


"À la mystique éthérée sur fond d’abîme doom oppressant qui faisait de Christs, Redeemers un OVNI ni metal, ni folk, ni drone, ni shoegaze mais un peu tout ça à la fois, le duo portlandien substitue ici sous la houlette post-indus du producteur dark ambient The Haxan Cloak une trame nettement opacifiée, mur de basses écrasantes et de beats apocalyptiques derrière lequel s’agitent et s’époumonent en vain une nuée d’âmes damnées en proie aux tourments éternels. Certains regretteront forcément d’emblée l’esthétique résolument organique de l’opus précédent, confrontée ici sur une moitié de titres à la froideur désincarnée et implacablement martelée des rythmiques. Mais cette approche du l’électro industrielle s’avère bien vite des plus déliquescentes, puisant notamment dans le doom-ambient les textures putréfiées auxquelles frotter riffs mortuaires, cordes dissonantes et beats au bord de l’implosion."


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