Total Victory - The Pyramid Of Privilege
On a usé tous les disques de Total Victory jusqu’à la corde, excepté le premier, The Pyramid Of Privilege. Après sa réédition grande classe, ça ne sera désormais plus le cas.
1. Fiat Lux
2. Omnivictory
3. (Can We Cool Down) Venus ?
4. Manifestations
5. Time Crimes
6. 1700 1703
7. Conservative Girls
8. North Of Here
9. The Singer
Avant l’épure (English Martyrs, 2017), avant la compilation d’EP cachant de classieux inédits (Total Victory Vs Big Electric, 2016), avant le classique définitif (National Service, 2014), il y a avait déjà The Pyramid Of Privilege, initialement paru en 2011 sur quelques CD-R et très bien réédité aujourd’hui. Personnellement, le disque ne m’avait jamais vraiment convaincu : trop plat par rapport à tout ce qui allait suivre, pas encore tout à fait équilibré, encore en devenir. Bon, pour être tout à fait franc, je ne l’ai jamais écouté plus que ça. Trois, quatre fois tout au plus et surtout durant la période où je découvrais le suivant. Alors, quand j’ai eu cette réédition entre les mains il y a quelques semaines, ce n’était pas gagné d’avance : fort de mes souvenirs moribonds, je ne m’attendais vraiment pas à grand chose et avant même de la poser sur la platine, j’avais déjà du mal à réfréner quelques bâillements. Et là, bam ! Le carillon nerveux et la basse arachnéenne de Fiat Lux balaient tout ça dès les premières secondes puis agrippent le cortex. Le disque ne le relâchera pas jusqu’à la toute fin.
Tout d’abord, la version remasterisée donne beaucoup de relief aux morceaux : pour la platitude, on repassera. Ensuite, je maintiens, c’est encore en devenir mais c’est quand même déjà tout près de ce qui va suivre. Dès le départ, Total Victory n’avait que des atouts en main : post-punk au cordeau, spleen communicatif et surtout, songwriting grande classe. Fiat Lux, Omnivictory, Time Crimes, Conservative Girls, The Singer et j’en passe, difficile de trouver quoi que ce soit à redire. C’est nerveux, urgent, recroquevillé sur des mélodies qui s’insinuent sans jamais forcer le passage et on détecte déjà tout l’art singulier d’un groupe capable de faire naître les larmes, qu’elles soient de rage ou de tristesse, dans les yeux de celles et ceux qui l’écoutent. Je me demande encore comment tout ça ne m’avait pas sauté aux oreilles dès le départ.
Peu importe, on sait gré aux plus que jamais indispensables Specific Recordings et Kerviniou Recordz d’avoir exhumé la merveilleuse Pyramid Of Privilege du désert numérique dans lequel elle végétait et de lui offrir un écrin enfin à la hauteur de ce qu’elle contient : pochette soignée, vinyle lourd et bien noir, mastering qui étoffe le son et l’envoie à mille lieux de la définition qu’en donnait le groupe au départ : « The sound is that of a bear waking up after a winter hibernating and fuzzily taking the first stumbling steps out of its cave toward daylight ». Dans mes souvenirs, ça ressemblait effectivement à ça.
Total Victory, c’est d’abord la voix - reconnaissable entre mille - de Dan Brookes. Mêlant invectives arrachées et scansion patraque, elle habite littéralement les morceaux et porte des mots qui claquent. Total Victory, c’est aussi le très minutieux équilibre entre rudesse torréfiée par la vie et sensibilité d’écorché vif. C’est toujours exacerbé et le groupe ne ménage aucun espace pour la tiédeur. Total Victory, c’est enfin toute la tradition des lads insulaires : aucune volonté d’arrondir les angles, tout est livré tel quel dans une espèce d’élégance coincée que rien ne vient travestir. On entend déjà tout ça dans The Pyramid Of Privilege : des morceaux urgents aux guitares plombées (Fiat Lux, 1700-1703, North Of Here), des choses plus introspectives (Times Crime, (Can We Cool Down) Venus ?) et des tubes imparables (Omnivictory, Conservative Girls, The Singer). Et toujours ce spleen atavique qui inonde les moindres recoins, y compris lors des moments les plus groovy (le virevoltant et étonnant Manifestations).
Alors, c’est vrai qu’on n’est pas tout à fait encore au niveau de National Service ou English Martyrs, qu’on sent que le Total Victory se cherche un peu (les guitares massives de North Of Here, le dub étrange de Manifestations, la longueur de The Singer) et qu’il est en train de polir les gemmes brutes mais l’essentiel est en place et dans un monde parfait, il y avait ici largement de quoi lui permettre de s’extirper de la mêlée. Mais bon, la vie est une chienne et ce n’est évidemment pas ce qu’il s’est passé. Toutefois, alors que l’on croyait le groupe parti pour un hiatus prolongé, on apprend, concomitamment à la réédition de ce premier essai, qu’il est de retour et que rien n’est perdu.
Pour l’heure, ruez-vous sur The Pyramid Of Privilege, écoutez aussi, si ce n’est déjà fait, tout ce qui vient après puisque s’agissant de Total Victory, il n’y a décidément rien à jeter.
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10 rédacteurs, 10 titres balancés à l’instinct, aujourd’hui même, pour clore l’année en faisant on l’espère une poignée d’heureux à l’heure du réveillon et laisser derrière nous - hormis deux ou trois bilans supplémentaires qui se préparent dans les couloirs de la rédaction - cette année 2017 dont il restait encore quelques pépites à dénicher, entre deux (...)
Le fondamental National Service de Total Victory réapparaît ces jours-ci à la faveur d’une sortie vinyle. Nous étions passés à côté, honte sur nous et tentons de réparer car l’on tient là l’un des très grands disques de 2012 et donc, par extension, de 2014.
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