Girls in Hawaii : fume, c’est du belge !

Une expression employée un peu à toutes les sauces, dont on devrait se méfier puisque se rapprochant bien plus de la fellation côté belge que de la consommation de tabac côté français. Mais qu’importe le quiproquo, le plaisir est au rendez-vous avec cette interview fleuve que nous ont accordée les Girls In Hawaii.

Votre 2ème album Plan Your Escape est sorti le 19 février dernier, avez-vous ressenti comme on entend parfois la fameuse pression du 2ème album lorsque vous vous y êtes attelés ?

Lionel : Oui oui, clairement. Quand tu fais un premier disque, tu balances un peu tout ce que tu as, de toute façon c’est assez simple, il n’y a personne qui t’attend, tu grattes, tu grattes, ce n’est pas grave. Là sur le second c’est difficile de donner une ligne, enfin de construire sur la base que tu as déjà, ça dépend un petit peu d’un code que tu as construit, les gens te reconnaissent à certaines caractéristiques et puis il faut aussi amener de nouvelles choses, il faut trouver un équilibre.
La pression étant vachement personnelle aussi. Même par rapport au public on a vraiment décidé de s’enterrer, de ne pas parler de nous pendant assez longtemps, les maisons de disques veulent souvent entretenir un buzz, mais nous on n’est pas trop dans cette optique là.
Donc oui la pression était là, et puis tu passes au-delà et tout vient naturellement.

A l’écoute du disque on sent une atmosphère plus électrique et plus sombre par rapport au premier album, avez-vous changé vos méthodes de composition pour ne pas faire un From Here to There bis, ou est-ce simplement vos inspirations qui ont évolué entre temps ? Aviez-vous un objectif précis pour ce second album et pensez-vous l’avoir atteint ?

Lionel : oui un objectif précis, finalement c’était de coller à ce qu’on avait vécu pendant 3/4 ans, c’est-à-dire à une période un peu plus sombre effectivement, un peu plus désabusée, un peu plus perdue comme ça, donc ça va on retrouve ça dans le disque, enfin personnellement en tout cas.
Denis : oui c’est vrai qu’on est assez satisfait car c’est vraiment le reflet du vécu des 3/4 ans où on l’a écrit, c’est vraiment quelque chose dont on avait envie.
Lionel : et la manière d’y arriver, finalement elle était assez proche, sauf qu’on avait décidé de faire des choses un peu plus destructurées, des morceaux plus longs, un peu plus plombés aussi, moins légers.
Denis : oui et peut-être un peu rompre avec une certaine immédiateté, se permettre de faire parfois de longs détours avant d’arriver à une partie un peu proche d’un fantasme mélodique, enrober un peu tout ça dans un truc peut-être plus dense, c’était clairement une volonté. Après le résultat final tu ne peux jamais savoir si tu as vraiment touché ce que tu visais, parce qu’en fait lorsque tu conscientises sur papier c’est tellement abstrait, que de toute façon, finalement il faut se lancer dedans. Mais il y avait vraiment une volonté de casser un peu les codes.
Lionel : et c’est marrant car là on a un peu envie de revenir à ce qu’on faisait avant, quelque chose de plus impulsif, plus court.

(c) Olivier Cornil

Concrètement comment s’est passé la composition de cet album, on retrouve notamment Road To Luna que vous nous aviez présentée live lors de la précédente tournée, vous avez commencé à travailler pendant celle-ci, ou au contraire, est-ce une exception et vous vous êtes laissé un temps de repos avant de travailler sérieusement sur ce second album ?

Lionel : oui, composer pendant la tournée on ne fait pas ça en fait. C’est beaucoup Antoine et moi, on compose chacun de notre côté donc on a vraiment besoin d’être isolé.
Denis : il y a très peu de travail en groupe, les groupes qui composent en tournée je pense que ce sont des groupes qui arrivent à jouer directement, par exemple l’après-midi pendant les balances ils vont s’amuser à chercher, mais nous on vient vraiment du home studio, d’être tout seul dans sa chambre, de jouer de tous les instruments et de faire un arrangement en une nuit, en prenant le temps de vraiment fignoler les choses avant de les présenter. Ca vient de nos tempéraments, on est plutôt des gens réservés et timides, on ne se permet pas de se lâcher comme ça, même avec des gens qui sont tes amis, à six ... On commence doucement à un peu toucher à ça, mais ...
Lionel : on pourrait y arriver bientôt, il y a eu plus un travail commun sur cet album là.
Denis : Plan Your Escape, je crois que c’est la toute première fois où on est vraiment parti d’une voix/guitare et en une après-midi on a un peu tous chipoté, cherché, même avec Jean (Lamoot, producteur du disque, ndlr) quelque chose qui indiquait une direction dans laquelle ça nous plairait d’aller.

En fait, comment se passe le travail de composition ? Est-il toujours basé sur le même schéma ou varie-t-il d’une chanson à l’autre ? Chacun travaille ses parties, chacun amène ses idées ?

Lionel : en tout cas chacun est libre d’apporter tout ce qu’il veut, et il y a des groupes où ce n’est absolument pas le cas. Après ça tend à évoluer mais ça part toujours finalement un petit peu d’une idée déjà assez forte qui est retravaillée par tout le monde après. Denis a plus participé à l’élaboration même, ce n’était pas le cas sur le précédent. Donc ça tend à s’ouvrir un petit peu, mais je crois que ça reste quand même très ...
Denis : on a une manière très simple de faire la part des choses, les morceaux sont souvent écrits par une personne en fait, il n’y a pas de collaboration et en fait sur la base de cette écriture là tout le monde propose des choses et essaye un peu des idées, parfois chez soi, parfois ensemble, mais c’est toujours la personne à la base du morceau qui a le dernier mot. Ca nous aide, car souvent elle a une vision très claire de ce qu’elle voulait faire dans ce morceau là, et se permettre d’avoir la vision objective, même si ça reste toujours très subjectif, mais de savoir si ça colle. Parfois ça surprend complètement donc c’est excitant aussi, mais savoir si tu y adhères ou si ça te plait moins, c’est un peu comme ça qu’on fonctionne.
Lionel : et on sait aussi que finalement il faut que ça reste personnel, c’est peut-être ça que les gens aiment bien aussi. Ca fait un peu journal intime parfois.

(c) Olivier Cornil

Par ailleurs, il semblerait que le travail sur la production ait été différent ? A-t-il joué un rôle important dans la couleur que vous avez voulu donner à cet album ?

Lionel : en fait le premier on l’avait fait seul, on l’avait pas mal fait Antoine et moi, un peu n’importe comment ...
Denis : c’était auto réalisé ...
Lionel : d’ailleurs ça s’étend, ça ne sonne pas, mais bon c’était le charme du truc. Là on avait envie d’autres choses, de s’ouvrir, de travailler avec quelqu’un c’était un cap, c’était pas évident, sur le premier disque on n’aurait jamais pensé à le faire. Mais là oui, d’autant plus que Jean travaille d’une façon tellement différente de nous, quelque chose de plus ouvert, plein de petits détails, de subtilité, et surtout il a eu un rôle très psychologique ...
Denis : de coach moral sans en avoir l’air. C’est quelqu’un de tellement discret, super zen et très silencieux, qu’en fait dans les sessions live il avait plutôt le rôle d’un ingénieur du son, en gros on s’occupait moins de régler les machines, de placer les micros, on se concentrait plus à jouer les parties, et lui il faisait son boulot. On discutait beaucoup au niveau de ce qu’on voulait vraiment obtenir à la fin, c’était vraiment un échange permanent, c’était assez chouette, car c’est quelqu’un qui est très ouvert, avec qui on peut se permettre de bricoler, qui est quasi enthousiaste à chaque fois que tu lui proposes une manière de faire même si c’est un peu hors des sentiers battus. Et après ce qui est marrant c’est qu’il a l’air très très discret mais qu’il arrive de manière assez insidieuse à terminer là où il veut terminer. Au début parfois c’est même assez perturbant, car tu as l’impression qu’on t’a un peu travesti, en tout cas c’est la peur qu’on avait de travailler avec quelqu’un et de ne pas sonner comme nous on l’aurait fait. Ce n’est pas forcément des trucs qui nous déplaisaient mais c’est juste que quand quelqu’un d’autre le fait ce n’est jamais exactement ce que toi tu aurais fait toi-même. Il y a eu une petite phase d’apprentissage lors des mix pour réussir à trouver un terrain d’entente, car je pense que lui avait vraiment une volonté de nous voir partir totalement satisfait du résultat, et nous aussi on avait également la volonté de le laisser y mettre sa touche. Et avec le recul on se rend vraiment compte qu’il y a une part importante de Jean dans la spatialisation des sons, je crois que c’est beaucoup plus dense et ouvert que ce qu’on avait fait sur notre premier disque. Mais c’était déjà une volonté de notre part, puisqu’on amenait beaucoup de matière, et je pense que lui il a surtout été très doué pour garder beaucoup de choses, sans trop sucrer, que si nous on avait du faire ça, je crois qu’on aurait mixer pendant cinq ans pour réussir à garder tout ce qu’on aurait voulu.
C’était surtout une super rencontre humaine.
Lionel : oui c’est vrai.

Et vous l’avez rencontré comment ?
Lionel : en fait on cherchait juste un producteur qui n’était pas étiqueté pop-rock, on aimait bien Des Visages, Des Figures de Noir Désir, ça a été très impulsif, on a dit "hop Jean Lamoot", il a entendu le disque, il aimait bien, on l’a rencontré à Bruxelles, on a passé une chouette après-midi, il nous a proposé d’enregistrer dans une maison, tout ça, ça nous a parlé. On s’attendait à voir un mec hyper cool, qui vient de Paris, qui voulait enregistrer dans les plus beaux studios de Los Angeles, le truc quoi, on voulait le voir en chair et en os. C’est important pour nous les rapports humains.
Denis : oui et en fait, c’est la seule personne qu’on n’ait jamais ni rencontrée ni contactée, et c’est juste qu’on a senti qu’il y avait un feeling, quelque chose qui se passait au-delà simplement de la sphère artistique, on le sentait bien, le fait d’aller s’enfermer trois semaines dans une maison, c’est très en vase clos quand on bosse, on est jour et nuit dans la même maison, on dort sur place, on n’aime pas trop l’idée d’aller dans un lieu huit heures par jour, le côté un peu bureaucratique de l’enregistrement, on ne se sent pas du tout à l’aise là-dedans. Tu le sens tout de suite si c’est quelqu’un avec qui ça peut marcher, même si tu ne le sais pas à l’avance, tu le sens que ça peut bien se passer.

(c) Olivier Cornil

Couples on TV se détache réellement de l’univers qu’on vous attribue habituellement, pouvez-vous nous en parler un peu plus ? Qui chante dessus ?

Lionel : c’est Daniel en fait.
Denis : c’est notre bassiste.
Lionel : c’est une chanson du bassiste donc fatalement elle se détache un peu du reste. C’est une des premières fois où quelqu’un d’autre chante en dehors d’Antoine ou de moi.
Denis : comme Road to Luna c’était un morceau de Brice, mais ce n’est pas vraiment la même histoire car comme tu disais on l’a apprivoisée pendant longtemps, on l’a joué en live, donc on se l’ait un peu accaparée, et Lionel comme ils sont frères, forcément ils ont des univers musicaux assez proches ; tandis que Daniel c’est sans doute le membre du groupe qui est le plus éloigné de ce que tout le monde écoute, il préfère l’électro ou le hip-hop, beaucoup de jazz aussi, de la musique un peu plus précieuse que nous. Nous on a côté très pop, très frais tout ça. Et ce morceau c’est marrant, la première fois qu’il nous l’a fait écouter il l’a chanté en allemand, donc on n’a même pas vraiment entendu le texte ni son sens, rien, et il ne l’avait pas du tout chanté dans l’idée de l’enregistrer pour le groupe. Il nous avait donné une collection de maquettes qu’il faisait chez lui pour son plaisir personnel, et donc c’est marrant, car il y a eu une petite histoire pour savoir qui allait le chanter, est-ce que ça plairait aux gens d’avoir une voix différente, et finalement il avait tellement une manière de le chanter qui correspondait à ce qu’il avait écrit, que ça nous a beaucoup plu. Mais c’est vrai que jusqu’au dernier moment on avait fait des essais avec la voix d’Antoine, ça s’est vraiment décidé sur le tard. Et puis moi ce qu’il m’évoquait, son côté tellement spontané, comme une petite boucle, vraiment un peu comptine d’enfant, tout ça, un petit côté moyenâgeux. C’est un peu l’ovni du disque mais en même temps je le trouve super proche de l’ensemble, il apporte une cohérence très paradoxale. Un titre important qu’on a eu assez tôt en fait.

Qui est à l’origine du final sur Fields of Gold ? On peut y voir une approche à la Dead Can Dance ? Connaissez-vous ce groupe, et si oui quel est votre album préféré ?

Lionel : oui oui c’est vrai qu’il y a un petit côté à la Dead Can Dance, je ne connais pas bien en fait, je n’ai jamais été fan, mais je connais un peu quelques disques. Mais c’est vrai qu’il y a ce côté un peu planant qui peut rappeler ce groupe.
On a travaillé ça à trois en fait, avec Denis et Antoine.
Denis : à la base c’est un morceau de Lio, qu’il avait plus ou moins décidé de jeter, car c’était une période où il n’arrivait jamais à finir un truc, il essayait tellement différents arrangements dessus, en essayant plein de trucs, qu’à un moment il voulait passer à une autre idée parce qu’il ne supportait juste plus de l’entendre. Et moi il m’avait fait écouter ça par hasard, et je ne sais pas mais j’ai vraiment eu un flash sur la mélodie de la voix, alors que derrière les accords sont tellement basiques, tu as vraiment toute la musicalité du truc qui se passe dans la voix, et du coup j’ai dit à Lio que ce serait cool d’aller la rechercher, qu’il y avait vraiment un truc là-dedans. Et on est parti dans une sorte de délire où toute la nuit on a commencé à essayer de construire un beat en frappant sur les planchers, en utilisant plein d’éléments de la maison dans laquelle on était, et on était fatigué, c’était au milieu de la nuit, on a commencé à se libérer complètement et retrouver un peu le côté spontané, jouissif, du premier disque, ça nous a fait super plaisir. Et en même temps on écoutait ce truc en se disant ’c’est quand même bizarre’, on se demandait vraiment ce qu’on était en train de faire, si ça allait finir par ressembler à quelque chose ...
Lionel : en fait à partir du moment où on s’est un peu accepté, on y a été à fond avec la harpe, dans un élan très instrumental ...
Denis : ça a donné un petit côté médiéval comme ça.

(c) Olivier Cornil

C’est vrai que sur cet album vous avez utilisé des instruments qu’on n’avait pas l’habitude d’entendre sur le premier, comment ça s’est passé ? Il y a eu des musiciens additionnels ou vous avez laissé libre court à votre côté touche à tout ?

Lionel : oui on fait ça nous-mêmes en fait, c’est un peu une espèce de règle. Tu vois il y a des espèces de flûtes là à un moment, c’est tellement mal joué que ça en devient touchant. Mais c’est vrai que ça a un côté ludique, on achète des instruments et on essaye de se débrouiller avec.
Denis : oui on aime bien le côté le côté un peu artisanal, c’est vrai qu’il y a de l’accordéon, de la contrebasse, il y a de l’harmonica, de la guimbarde, et en fait ce sont des instruments dont on ne sait pas forcément jouer, mais bon on chipote avec, c’est vraiment le côté ludique du truc.

Ecartons-nous un instant de la musique pour parler du visuel. D’où vient l’idée de cette tête de cerf mort sur la pochette ? Ca reste dans l’esprit ’champêtre’ qu’on vous connait, mais là encore c’est un peu plus tragique on va dire. (rires)

Lionel : en fait on avait d’abord le titre à ce disque, même avant d’avoir des chansons, et Olivier, le gars avec qui on bosse pour les visuels, a fait tout un travail photo sur la base du titre, donc c’était un travail parallèle aux chansons. Et il nous a montré tout ça lorsqu’on a fini d’enregistrer 3 ou 400 photos, on cherchait en se disant qu’il y avait peut-être une pochette là-dedans, et puis on a tous choisi celle-là, elle a fait écho à pleins de choses qu’on a vécu, le cerf s’associait de façon assez surprenante à quelques textes de chansons, à des dessins que j’avais fait, des scènes auxquelles j’avais assisté par hasard, des scènes de chasse, des choses comme ça. Et puis il y avait cette idée aussi de mort, de passer à autre chose, dans le côté le plus beau du terme ...
Denis : dans le côté apaisé, d’avoir un peu fait son deuil. On avait quand même conscience d’avoir fait le deuil d’un disque qui était un peu le dernier geste naïf de l’adolescence, enfin celui d’Antoine et de Lionel, dans ce geste là quoi, donc oui, ça reprenait l’idée d’une sorte de deuil, pour aller vers une maturité un peu plus apaisée et peut-être moins joyeuse, parce que tu as un constat un peu plus désabusé sur la vie en vieillissant, moins spontané. Donc ça nous plaisait.
Et puis parfois ça ne s’explique pas aussi, c’est bêtement aussi l’idée de trouver un visuel fort, d’imaginer de le voir dans un magasin en rayon et puis tu te dis ’ouais ça va être splendide ce truc’, et tu ne réfléchis pas trop à ce que les gens vont en penser. Tu te fais une idée sur ton propre choix en ayant le retour des gens un peu.

Le premier clip a été réalisé par Le Groupusqule, dont on a pu récemment admirer le travail avec Moriarty et la chanson Jimmy, comment est venue cette idée ? Le clip a-t-il déjà été tourné, pouvez-vous nous donner l’idée générale ou c’est top secret ?

Lionel : il est en court de finition là. On avait vu le clip de Moriarty, Jimmy, on a rencontré les types qui l’ont fait et ça a collé. Ils sont venus avec des idées, et eux je crois qu’ils font que image par image, ça a vraiment été tout dessiné. Là je crois que ça fait un mois qu’ils font des dessins, qu’ils doivent ensuite scanner, ils bossent comme des fous, on n’a pas trop de nouvelles mais on sait que ça avance.
Denis : Moriarty ils sont aussi chez Naïve, donc par la force des choses ils nous font souvent écouter les groupes qu’ils signent, des trucs comme ça. Et là ce clip ils nous l’ont montré un peu par hasard et nous on était justement en train de se demander comment on allait faire pour faire un clip rapidement, tout en essayant de faire quelque chose d’ambitieux, ou en tout cas qui dénote un peu. On n’aime pas l’idée classique d’illustrer le morceau par des gens qui jouent, en plus on n’aime pas beaucoup se montrer. En fait l’animation ça t’ouvre des perspectives géniales puisque tu peux quasi montrer tout ce que tu veux, alors que quand tu filmes il faut beaucoup de moyens. On est super fan de BD aussi, et le côté dessiné dans les ambiances de couleurs et tout, on adore, c’est quand même très proche de la BD, donc on est plutôt content de l’idée.

(c) Olivier Cornil

Vous accordez aussi beaucoup d’importance à la mise en scène, au visuel sur vos concerts, vous nous préparez encore quelque chose de très soigné sur la tournée suivante ? Et au sujet des projections qu’on a pu voir sur la première, d’où est-ce qu’elles provenaient en fait, est-ce qu’elles ont été faites exprès, ou étaient-ce des bouts de vidéos récupérées en se disant que ça pourrait coller ?

Lionel : en fait tout est prêt là, ça fait depuis juin qu’on travaille en vue de la tournée. Mais oui sur les premières projections c’étaient plutôt des bouts récupérés par Olivier qu’on avait filmé un peu à droite et à gauche, cette fois il y a eu un vrai travail en amont, chaque titre est illustré par un petit court-métrage de façon précise, il y a quelque chose de beaucoup plus mûr en fait.
Denis : et c’est assez marrant car Olivier a suivi l’évolution du disque, il a aussi eu ce long processus, nous on était occupé et il a aussi voulu essayer de se renouveler pour se faire plaisir. Il a travaillé avec une petite équipe, ce n’était pas une grosse équipe de réalisation, mais ils étaient plusieurs, ils ont fait ça avec un peu plus de matériel en tournant en pellicules certaines séquences, c’est un vrai boulot d’une année et demi, à 4, 5.
On aime bien l’idée que les images servent encore plus à diffuser, à rendre l’ambiance d’un morceau.

De même ce qui frappe sur scène c’est cette harmonie entre vous, contrairement à d’autres, on ne ressent pas vraiment la présence d’un leader, vous expliquez ça comment ?

Lionel : parce que (rires) je crois qu’il n’y a pas de leader.
Denis : oui, il y a des gens qui sont à la base de la composition, il y a quand même une volonté d’avoir un noyau dur qui donne un peu la direction générale, plus dans l’idée d’avoir un cadre, puisque que quand tu es beaucoup en fait, tu te perds vite dans les idées, c’est un peu trop vague, mais au-delà de ça je pense que Lio et Antoine qui composent, qui donnent le cadre un peu en studio, etc, ne sont pas du tout des gens qui ont un tempérament de showman, donc je pense que c’est des leaders très réservés. Donc du coup on a trouvé un équilibre général, pour essayer de former un tout au milieu de ces images, mais personne n’a trop le réflexe de se mettre en avant, je pense que ça angoisse un peu chacun, on est plutôt introverti comme caractère.
Lionel : on se met beaucoup en cercle, très proche les uns des autres, il n’y a pas vraiment dans la mise en scène matière à ça.
Denis : ça nous convient bien. Même Antoine qui avait le chant beaucoup sur la première tournée qui était peut-être un peu plus identifiable en tant que chanteur et leader du groupe, maintenant il joue beaucoup d’acoustique et il partage beaucoup plus de chansons avec Lionel. Donc oui il y a une sorte de duo de chanteurs qui sont un peu englobés dans l’ensemble du truc, Brice fait plein de chœurs, mais c’est venu de manière naturelle. Il n’y a jamais eu vraiment quelqu’un qui a voulu devenir leader. En fait j’ai l’impression que dans les groupes il y a toujours quatre personnes timides et il y en a un qui dit ’bon je vais y aller’ et du coup les autres par réflexe continuent à être neutres et jouer leur truc, et il y a un mec qui garde toute l’énergie du concert et qui sauve un peu dans l’ambiance avec la salle. Nous il n’y a tellement pas ça que ça s’est développé autrement du coup.
Lionel : et ça a développé autre chose.

Parlez-nous de vos débuts justement ?

Lionel : quand on a commencé le projet avec Antoine on n’était que deux au début. On a enregistré une petite démo et ça a été assez vite en fait. On a eu une proposition par un gros festival, donc il fallait trouver un groupe en vitesse, Denis c’est le frère d’Antoine et Brice c’est mon frère, et on a répété avec des gens avec qui on avait joué avant dans d’autres groupes.
Denis : ils n’ont pas été chercher très loin, il est sorti de sa chambre il a toqué à la porte et voilà.
Lionel : et on a joué, joué, il y a eu une envie commune, tout le monde aimait les morceaux. En fait on a tous eu des expériences de groupe, comme ça, où tu étais super frustré, où tu sens qu’il n’y a rien, on voit vite que ça ne va jamais marcher, et là on sentait tous qu’on se retrouvait enfin dans un cadre on en sentait qu’il y avait quelque chose de bon.
Denis : oui et j’ai l’impression que c’est aussi pour ça qu’on tient beaucoup à cette idée d’avoir un noyau plus restreint au niveau de l’écriture. En fait j’ai l’impression que ce qui a marché dans notre formule c’est que justement on a voulu se mettre au service des mélodies de quelqu’un, et j’ai cette impression que petit à petit tu te précises un cadre, ça se fait plutôt sur plusieurs albums où tu arrives vraiment à avoir une direction, et les gens commencent à se saisir vraiment eux-mêmes à l’intérieur du groupe. On ne sait pas encore exactement quel est notre univers mais on commence à le cerner. Alors qu’au début on est à cinq dans un local de répèt’, et que chacun vient avec un univers un peu différent, tu te bats vite pour essayer d’imposer ton idée à toi et tu t’uses beaucoup.
En fait le groupe est tellement né de cette frustration là qu’il y a un eu un truc très naturel, cohérent, très vite.

(c) Olivier Cornil

Et vos influences, je fais notamment référence au projet de Daniel, Hallo Kosmo, qui est à 1000 lieues de ce que vous faites, c’est important pour vous ce melting pot musical ?

Lionel : oui sur ce disque-ci, Daniel nous a fait écouter pas mal de choses, de disques qu’il avait ramenés en session d’enregistrement, des trucs comme Boards Of Canada, de la musique électro, des trucs qu’on n’écoute pas du tout, et il a apporté quelques petites touches comme ça sur le disque, des choses que personne d’entre nous n’aurait fait.
Denis : des choses qu’on aurait pas su faire. Il a vraiment un univers justement très chipoteur, sur un PC il part de rien en fait, il utilise beaucoup d’instruments virtuels, alors que nous on a un rapport très terre-à-terre, il nous faut une guitare en main sinon on n’arrive pas à composer, et du coup il amène des choses qu’on ne saurait pas facilement créer.
Lionel : et c’est super important en fait. Parfois quand on dit ’Girls in Hawaii, groupe pop-rock’, des fois ça m’ennuie en fait, d’être cloisonné comme ça, mais en même temps c’est vrai, nous on est vraiment pop-rock, ça c’est sûr. Mais t’imagines un jour qu’on ne puisse pas être étiqueté ça serait quand même chouette quoi.

Les références américaines vous concernant sont courantes dans la bouche des médias, écoutez-vous finalement beaucoup de musique à la Grandaddy ou Death Cab For Cutie ?

Denis : Grandaddy on a écouté un peu le premier.
Lionel : le premier a quand même été un disque qu’on avait aimé.
Denis : et je pense que maintenant avec le recul on sent vraiment sur le premier disque, surtout les morceaux d’Antoine, puisqu’il était grand grand fan, qu’il y avait quelque chose de très proche dans les voix monocordes, un peu susurrées, les longs accords très très linéaires sur des acoustiques et des nappes de synthé, oui je pense qu’il y a une petite influence non revendiquée qui est plutôt bien présente.
Ceci dit, on a écouté beaucoup d’autres choses donc je pense qu’on ressent vraiment moins cette pâte là sur le second disque. Par exemple on a découvert des disques qu’on ne connaissait pas des Beatles comme Sgt. Pepper’s , The White Album , Revolver , ou en tout cas qu’on connaissait de référence, mais qu’on n’avait jamais pris la peine de bien écouter, et c’était une grande claque, c’est un des groupes qu’on a le plus écouté en écrivant.
Et puis il y a aussi des trucs comme Mildlake, où Antoine était assez fan, PJ Harvey … on a toujours beaucoup écouté Radiohead aussi, des trucs comme ça.

Vous avez déjà partagé la scène avec Sharko et Hollywood Porn Stars, parlez-nous de vos rapports avec eux, et de la scène belge en général.

Lionel : la scène belge, enfin wallonne en fait est très restreinte, il n’y a pas beaucoup de salles et tout ça, donc on se connaît tous assez bien : des gars comme Hollywood Porn Stars ou Sharko c’est des gens avec qui on s’entend super bien. Maintenant il n’y a pas toujours un amour total musical, puisqu’il y a des différences, un groupe comme Hollywood envisage ça vachement différemment que nous, comme Ghinzu tu vois.
Denis : il y a un respect mutuel, il y a certaines choses autour desquelles on se retrouve et on se rapproche ...
Lionel : une bonne bière (rires)
Denis : le disque Sharko III par exemple, c’est un disque qu’on a écouté à fond à l’époque du premier quand on était en tournée, et qu’on a beaucoup aimé car il y a une sorte de sensibilité à fleur de peau, où ce n’est pas forcément lisse, c’est très bien fait, c’est plutôt volontairement un peu foutraque, mais c’est tellement chargé d’émotion, qu’il y a un truc qui se passe. C’est vraiment un disque qu’on aimait bien.
Sinon il n’y a pas spécialement une scène belge au niveau de la manière de sonner, j’ai l’impression que c’est plus une manière peut-être un peu plus décomplexée de faire de la musique que ici, et le fait que les français soient si friands de rock belge, je pense que c’est peut-être ça. Je pense qu’il y a des gens très décomplexés qui font de la musique en France, mais c’est un trait qui plait aux gens, c’est tellement difficile à définir le fait d’être belge, on est un peu sans racines, on ne se prend pas trop au sérieux, il y a beaucoup d’auto-dérision, et une liberté de pouvoir tenter des choses très osées sans avoir peur du ridicule, et du coup parfois quand c’est mêlé avec un peu d’ambition ça donne des choses très inédites.
Lionel : et ici en France aussi quand tu as un groupe qui chante en anglais c’est super chaud de passer à la radio, ou des trucs comme ça, et ça n’encourage évidemment pas les groupes à créer des choses en toute liberté, il y a déjà une contrainte assez énorme par rapport en Belgique. Quand on a commencé il y avait tellement peu de groupes wallons que tu pouvais facilement imaginer de passer sur une radio, ça fait une différence.

(c) Olivier Cornil

Et par rapport à dEUS à qui on vous a souvent comparé à l’époque de From Here To There, alors que selon moi il n’y pas vraiment de comparaison au niveau musical, ça vous a un peu énervé ou au contraire vous avez trouvé ça plutôt flatteur ?

Lionel : dEUS je ressens un peu une filiation, plus qu’avec Grandaddy bizzarement, alors que musicalement on ressemble plus à Grandaddy, mais c’est parce que moi j’ai beaucoup écouté dEUS, et Grandaddy finalement moins, donc voilà. (rires)
Denis : mais oui il y a eu un truc, je crois que sur le moment ça ne nous a pas forcément plu, c’est toujours le côté réducteur de devoir faire toujours référence au même artiste, parce qu’en fait tu te dis ’oui il y a ça, mais en même temps on a écouté soixante artistes différents, il y a plein de disques qu’on aime’, et quand tu fais la démarche d’écrire un premier disque, tu places tout ce que tu as écouté depuis l’adolescence, alors c’est autant Nirvana que dEUS, que les Grandaddy ou même que Lisa Germano, enfin c’est plein de satellites.
Mais dEUS c’est vrai qu’il y a un rapport filial comme disait Lio, simplement parce que c’est un groupe qui nous a aussi poussé à faire de la musique. Quand leurs premiers disques ont eu un succès en Belgique, c’était vraiment un projet qui avait de la crédibilité, qui ne ressemblait à aucun autre, et on avait une certaine fierté de dire ’ouais ce qu’ils font c’est vraiment aussi bon que tous les autres disques qu’on écoute et qui viennent tous des Etats-Unis’, c’était un peu le réflexe parfois ado de te dire que ’ouais y’a aussi moyen quoi’, autant que Nirvana qui a aussi été un groupe important pour nous.

Vous allez aussi faire prochainement une série de concert avec Flexa Lyndo, ce sont aussi des personnes que vous connaissiez ?

Lionel : oui on les connait bien.
Denis : on a déjà un peu tourné avec eux au début. C’est un groupe qui était sur notre label depuis quasi 10 ans quand nous on est arrivé, c’était leur 1er artiste sur lequel ils ont toujours bossé et qui était là depuis 10 ans, etc, et nous en fait on a débarqué et ça c’est très bien passé. Même si il y avait un rapport avec eux qui était particulier, car avant ils étaient les seuls sur le label, ça faisait 10 ans qu’ils s’occupaient quasi exclusivement d’eux, et puis nous, ça s’est emballé, donc forcément le label a dû suivre, c’était un peu inédit pour eux, c’était une toute petite structure. Donc il y a eu parfois un rapport conflictuel, pas du tout entre nous, entre les groupes, mais surtout sur la manière de faire. Après ça, c’était aussi parce qu’ils étaient occupés à faire des disques quand nous on était en tournée et l’inverse, c’était surtout en terme de calendrier que c’était difficile.
En tout cas, c’est un projet qu’on respecte, des gens qui travaillent durs, qui ne rencontrent pas forcément le succès mérité, critique en tout cas oui, mais pas forcément au niveau du public, et qui continuent à bosser, ce sont des gens qu’on trouve intéressants.

(c) Olivier Cornil

Donc paradoxalement ce sont eux qui vont assurer votre 1ère partie, alors qu’ils étaient là avant vous ?

Denis : oui alors qu’à une époque, on avait fait les leurs, en Belgique. Mais c’est vraiment les aléas des sorties de disques.
Nous on a commencé par jouer pour Sharko aussi par exemple, donc c’est marrant.
On a eu une super visibilité à l’étranger qui a fait aussi qu’en Belgique ça a un peu explosé, on était les premiers à ne pas s’y attendre, c’était assez particulier.

Quels sont vos projets ? On sait qu’une belle tournée française se prépare, il doit en être de même en Belgique, dans d’autres pays aussi ?

Denis : oui oui. En fait le disque sort en Europe, c’est Naïve qui a une licence pour l’Europe, et on a la chance d’avoir ce qu’on n’a pas eu pour le premier disque, c’est-à-dire une sortie simultanée, de pouvoir enchaîner les dates dans plusieurs pays en même temps. On récolte un peu les fruits de la longue tournée qu’on a fait avec le premier disque, c’est super excitant car ça ouvre le public, ce sont des mentalités différentes, des gens d’âges différents selon les pays aussi, c’est d’autant plus appréciable de pouvoir offrir tes morceaux a un panel de gens très différents, de pouvoir aller défendre ton disque sur scène dans plusieurs pays comme ça.
On va aller en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Suisse, ça va être chouette, on est vraiment impatient.

Et les États-Unis aussi comme la dernière fois ?

Lionel : c’était une super expérience oui, donc on ira peut-être un peu plus tard.
Denis : oui mais en même temps c’était très relatif et très confidentiel, on a vendu moins de 1000 disques pour un pays qui fait 5000 fois la Belgique.

J’ai entendu cette histoire assez surprenante du mec qui avait monté un label uniquement pour vous faire tourner là-bas, c’est énorme ça.

Lionel : carrément.
Denis : c’était vraiment un coup de chance, on était super content de le faire, de partir là-bas. On a eu une chouette semaine, on a été trois fois dans des grosses conventions de musique, où là on était un nom dans une affiche de 400 groupes, c’était un peu dérisoire mais on l’a fait parce que ça nous amusait.
Et par contre après on fait une petite tournée acoustique à trois, dans beaucoup de radios, collèges, des petits clubs de Californie, et ça c’était une expérience géniale, c’est vraiment jouer des morceaux, on peut les redécouvrir un peu à nu comme ça. Et c’est des réseaux de radios dans lesquelles des groupes comme les Pixies, et toute la scène indie américaine qu’on écoute beaucoup, s’est construite. C’était un peu symbolique. C’était très chouette, à refaire donc.

Donc le troisième album, on va devoir encore attendre un peu ?

Lionel : tout à fait, mais là on va essayer d’aller un peu plus vite.
Denis : cette fois on va essayer de faire attention de ne pas tourner trop longtemps, car la dernière fois on a fait 3 grosses tournées françaises et en Allemagne, et à chaque fois on n’arrivait pas à planifier les choses sur un laps de temps très court, ça monte petit à petit, en fait c’est le lot de tous les groupes en développement quand ils sortent leur premier disque. Et on va encore avoir ça pour d’autres pays, le Japon par exemple, où on a vendu quelques exemplaires du premier album, c’était une des très bonnes ventes en dehors de la Belgique qu’on ait fait dans ce genre de pays là, donc c’est vraiment un objectif, la maison de disque s’est dit que ça pouvait en valoir la peine d’aller voir ce que ça pouvait donner là-bas. Mais ça sera plus tard.
Enfin, c’est toujours délicat, tu ne sais jamais quand dire ’ok, stop, on arrête’, mais on a quand même l’expérience du premier où on sait qu’il faut faire gaffe à ne pas trop tirer sur la corde, parce que c’est dur d’enchaîner derrière.

Un grand merci à Lara, Elise, Melissa, ainsi qu’à Lionel et Denis pour leur gentillesse et leur temps précieux.
Photos : © Olivier Cornil.

Vous pouvez aussi suivre les aventures des 6 Girls in Hawaii pendant leur tournée à l’adresse suivante :
-> www.planyourescape.be


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