The High - Somewhere Soon
Comme quoi un groupe hype en 1990 peut rater le coche tout en produisant un parfait classique qui finira dans les bacs à soldes et disparaîtra...
1. Box Set Go
2. Take your time
3. This is my world
4. Rather be Marsanne
5. So I can see
6. A minor turn
7. Dreams of Dinesh
8. Up & Down
9. P.W.A.
10. Somewhere Soon
Un CD 10 titres retiré de la circulation, et qu’on ne trouve qu’en occasion. Une poignée de singles introuvables. Un hypothétique deuxième album dont la trace a parfaitement et définitivement disparu de la trace de la terre et reste un graal pour les collectionneurs de musique pop anglaise des années 90. Voilà tout ce qu’il reste des High dans la mémoire collective des plus vétérans d’entre nous.
Dans la série "petits chefs-d’oeuvre oubliés" j’avais il y a quelque temps inauguré la série par ce parfait classique des Times, "Beat Torture", qui demeure à ce jour introuvable, alors que Sony entr’ouvre à peine les cartons du défunt label Creation et nous a gratifié de trois belles rééditions remasterisées des albums magnifiques de Slowdive. Je reprends cette série injustement oubliée elle aussi pour vous offrir l’épisode 2 : "The High, l’album qui faillit devenir aussi énorme que le premier Stone Roses". L’espoir renaissant chez les collectionneurs, peut-être un jour quelque malade mental rééditera cet album paru initialement chez FFRR via London.
En 1987, à Manchester, un single va faire l’effet d’une bombe dans le monde du pop/rock. Il s’agit du "Sally Cinnamon" des Stone Roses. Mais ce qu’on sait moins, c’est que tout n’est pas très rose au pays des roses. Et s’il faudra 2 ans au célèbre groupe de Manchester pour sortir un album, c’est que le groupe a splitté entre temps. Exit donc Andy Couzens qui part avec ses chansons et un profond dégoût du monde de la musique.
Il lui faudra également 2 ans pour toucher à nouveau une guitare et fonder The High avec Simon Davies, Chris Goodwin (qui venait aussi des Stone Roses et avait joué avec les Buzzcocks) et John Matthews (ex- Turning Blue)après avoir tenté un line-up, paraît-il, avec Liam Gallagher à la basse et Bez (futur Happy Mondays) à la guitare. Il ressort alors ses chansons du placard et se met au travail avec Martin Hannett pour travailler sur un album.
Seulement, le groupe fera un choix étrange. Refusant de signer avec Factory pour ne pas entrer dans la hype "Madchester" de la fin des années 80, il choisira London Records, ce qui s’avèrera un mauvais choix. La production de l’album est également chaotique. Martin Hannett, bien qu’ayant travaillé sur plus de la moitié du disque, ne sera crédité que sur "Box Set Go", le reste des honneurs revenant à un certain John Williams, choisi par le groupe "parce qu’ils l’aimaient bien."
Ce qui n’empêchera pas l’album d’avoir un son pur et lumineux, presque parfait, qui concourt beaucoup à son intemporalité. Toute ressemblance avec le premier album des Stone Roses n’est pas fortuite. Ce disque, au même titre que l’eponyme des autres mancuniens, est un concentré de mélodies. Tout comme les La’s qui les narguaient depuis Liverpool, la soeur ennemie, Couzens et les siens ont fait leur l’héritage du songwriting pop des années 60 et y ont ajouté cette rythmique impeccable et ces belles envolées lyriques de guitares à la ligne claire et ce chant du Nord, si particulier, à la fois doux, rageur et parfaitement détaché. John Matthews a toutefois un net avantage sur Ian Brown : il chante juste, bien que son timbre de voix soit étonnamment identique (il suffit d’écouter "Up & Down" pour s’en convaincre).
Les arrangements sont également plus soignés et fouillés que sur l’album des Roses de Pierre. Les arpèges lumineux et les notes de piano égrenées sur "Rather be Marsanne", le chant nasillard du climax de "This is my world", les tablas et l’orgue entêtants de "Dreams of Dinesh", un "Up & Down" ressemblant à un single perdu et parfaitement magnifique des Roses, la beauté incroyable du piano de "P.W.A." ou le final "Somewhere Soon" font se demander, 16 ans après, pourquoi on se rappelle si nettement des albums des La’s ou des Stone Roses, mais pas de The High.
Le seul défaut de ce disque est d’être sorti en 1990, soit un an APRES le "Stone Roses", à un moment où la scène de Manchester avait déjà muté vers la musique de danse avec les Happy Mondays et où les Stone Roses se transformaient en invraisemblable machine à groove et à avaler des drogues, quand le bassiste des Primal Scream faisait des mélanges tellement terribles qu’on se demandait quand son foie allait exploser. Ce qui le raye immédiatement de nos souvenirs collectifs, à tort.
N’allez pas croire qu’il s’agit d’un flop, pourtant. Cet album s’est très bien vendu. Trop, peut-être. A tel point que quand ils se sont rendus compte que le deuxième ne pourrait pas dépasser les ventes du premier, malgré les dépenses engagées en producteurs et en orchestre, London a viré le groupe. Purement et simplement. Ce qui est étrange c’est que ce deuxième album, "Hype", reste parfaitement introuvable de nos jours. Mais selon Andy, il sonne plus "américain" et se révèle être tout sauf indispensable, ayant été largement pollué par les exigences de la maison de disque qui voulait coller à la hype grunge.
Ce qui ressort de ce disque est de toute façon une impression de complétion, ce sentiment qu’on ne peut pas aller au delà de ces 10 titres, qu’on a épuisé le genre. La même sensation d’ailleurs que pour le premier Stone Roses, qui d’ailleurs sont passés à toute autre chose dès le dernier titre de leur premier album pour devenir la machine à groove sous acide bien connue avant de connaître une terrible panne d’inspiration de 5 ans avant de se dissoudre totalement. The High ont tout dit avec ce disque. Il n’y a même pas de regrets quant à une hypothétique future carrière : que seraient-ils devenus après 1992 dans la spirale mancunienne ? Leur disque est un Ourobouros involontaire, se mordant la queue sans le savoir ; le dixième titre passé, la seule suite logique est le premier titre.
Ce n’est pas un disque à message, John dit lui-même que souvent, les autres ne comprenaient même pas ce qu’il chantait et que la plupart des titres ont encore leur nom de travail en studio (D’ailleurs l’étrange titre "Rather be Marsanne" vient de là, les autres n’ayant jamais compris ce que le troisième mot était). Peu importe, c’est la musique et les sentiments qui restent uniques et intacts.
Pour un groupe qui voulait signer chez London pour faire oublier qu’ils étaient de Manchester, The High ont plutôt loupé leur coup : ce disque est un instantané de ce qu’était la scène de Manchester en mai 1990, oui mais... avec un son et des chansons intemporels.
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