2011 côté métal
On ne parle pas beaucoup de metal sur le Mag (mais peut-être déjà trop pour certains ?), ce petit top sera donc l’occasion de corriger le tir en mettant en lumière quelques sorties de l’année qui nous sont apparues comme essentielles pour les amateurs de gros son, de blast beats, de cordes vocales martyrisées et de sweats à capuches. Et tant pis si Christine Boutin se désabonne de notre page Facebook.
Blut Aus Nord - 777 - Sects(s) & The Desanctification
Difficile de faire le tour des deux premiers volets du triptyque annoncé en quelques mots, il y a tant à dire et à écrire. Dont acte, on avancera simplement que tout est dans le titre unique de chacun des morceaux, Epitome, comme un abrégé des multiples visages de Blut Aus Nord : ni black, ni metal mais quelque part entre les deux et à sa place. Les titres jouent la variété dans leur durée, leur construction, leur intention. On retrouve toujours le carillon singulier des guitares, un carillon légèrement morbide, mal en point, psychédélique et mystérieux, la marque de fabrique de Vindsval et ses sbires dont on sait légèrement plus que rien. The Desanctification est sans doute un poil plus électronique que 777 Sect(s) mais ce que l’on retient d’emblée, c’est que malgré sa grande variété, le propos reste irrémédiablement sombre et que dans les ombres aussi, se nichent des choses magnifiques. Impressionnant, tout simplement.
(leoluce)
Bong - Beyond Ancient Space
On s’était mis d’accord d’emblée pour exclure les univers majoritairement instrumentaux aux martèlement lents et autres riffs rampants sur plus de 20 minutes, mais dans le cas de Bong l’imagerie s’avère tellement typée entre ces incantations de rituels obscurs et des titres aux références ésotériques que Beyond Ancient Space s’est imposé dans un certain consensus.
Il faut dire que les quatre Anglais en connaissent un rayon en magie noire, du moins musicalement parlant puisque c’est la facette la plus psychédélique et progressive du doom qui domine ici, enveloppant l’auditeur jusqu’à lui donner l’impression d’être lui-même allongé sur l’autel sacrificiel à la merci de sorciers encapuchonnés et armés de sitars.
(RabbitInYourHeadlights)
Brutal Truth - End Time
Brutal Truth, son grindcore qui aime copiner avec la folie et son retour après un Evolution Through Revolution monolithique et furieux en 2009 qui venait rompre un long hiatus le séparant de son aîné long format Sounds From The Animal Kingdom paru en 1997. À vrai dire, on n’attendait pas grand chose de End Time tant les choses semblaient avoir été dites (et bien dites) jusqu’ici. Pourtant, dès l’entame et ses « Balance your violence with kindness » répétés à l’envie, son maelström ultra sauvage d’où ne s’extirpent que quelques riffs malades et fuyants, on le sait, on le sent : End Time nous suivra longtemps. Les instruments en prennent plein la gueule, le batteur semble toujours avoir quatre jambes et quatre bras, Kevin Sharp et son Stetson éructent des paroles inintelligibles à moins de les avoir sous les yeux, la guitare explore toujours les multiples nuances du sombre, du méchant et du tordu quand la basse psychotique maintient le tout miraculeusement debout. C’est violent, sauvage, à la fois décérébré et complètement intelligent et surtout, indéniablement jouissif. Grand disque !
(leoluce)
Cave In - White Silence
White Silence marque le retour très attendu des Bostoniens de Cave In après une longue absence. Le groupe n’a plus rien à prouver et nous offre ce qu’il sait faire de mieux : du noisecore à la Cave In. Et comble de tout, ça fonctionne encore mieux qu’il y a 10 ans.
Finies les petites escapades à la Converge des débuts, les œillades vers le stoner de fin de carrière, le groupe semble avoir compris qu’il se suffisait à lui-même et assume enfin le génie qu’on lui reconnaît depuis le début.
Pour moi White Silence est ce que le groupe a fait de mieux en noisecore inspiré et sensible : ça crache, ça vrombit, c’est rageur et désespéré… ça fait du bien !
(nono)
Dirge - Elysian Magnetic Fields
Né à Paris en 1994, Dirge n’est rien moins qu’un des vétérans de la scène hardcore européenne. Excusez du peu. Depuis les 90’s, ils ont déjà engendré 4 albums majeurs oscillant entre hardcore à la Neurosis, noise et post-rock. Le monumental Wings Of Lead Over Dormant Seas, sorti en 2007, ayant laissé une empreinte indélébile dans le paysage sonore hexagonal : lourd, sombre, épique, bref passionnant.
2011 marque donc le retour de Dirge après 4 ans d’absence avec ce Elysian Magnetic Fields. En 8 morceaux, le groupe nous entraîne dans un road trip nocturne à travers les champs désolés d’un paysage grisâtre, sous un ciel pluvieux et avec la grâce et la rapidité d’un pachyderme.
L’annonce ne donne pas envie et pourtant je vous promets que vous allez adorer ça, comme le junkie adore téter sa dose. Parce que c’est ça le pire avec Elysian Magnetic Fields : on sait pas trop pourquoi et on sait que c’est pas bon pour notre santé mentale mais on peut pas s’empêcher de le mettre sur la platine encore et encore.
(nono)
Krallice - Diotima
Le court morceau d’introduction donne le ton : il va falloir attacher nos ceintures pour suivre Colin Marston et sa bande sur leur nouvel album. Peu voire pas de changement sur le fond comme sur la forme, le black metal version Krallice est toujours aussi frénétique, les compositions toujours aussi longues et s’abandonner à cette avalanche de riffs hypnotiques toujours aussi jouissif. Si le style n’évolue pas, Diotima pourrait quand même bien être à ce jour le meilleur album de ces porte-drapeaux du black metal américain, les musiciens ayant peaufiné leur savoir-faire jusqu’à faire de chaque titre une œuvre épique en soi, à l’image du trépidant The Clearing, morceau de bravoure de plus de 12 minutes qui mettra votre nuque à rude épreuve, ou de ce Dust And Light et son final à couper le souffle.
(FredM)
Liturgy - Aesthethica
Une sortie black metal sur un label comme Thrill Jockey avait de quoi en questionner plus d’un : hérisser les poils des plus puristes, défenseurs d’un genre profondément enraciné et régressif... repousser les plus timides, imaginant les pires clichés. Quoiqu’il en soit de quoi bien faire tourner les têtes, avec la force de frappe d’un régiment d’infanterie en pleine crise d’épilepsie... un peu comme voir Lightning Bolt, corpse paint à l’appui, faire la première partie de Marduk. Avec Aesthethica, le "Transcendental Black Metal" d’Hunter Hunt-Hendrix et sa bande porte bien son nom et repousse les frontières. Ça blaste sec au pays de l’indie !
(Riton)
OvO - Cor Cordium
On savait les Italiens capables de nous faire peur, cf. leurs chansons de variété, leurs feuilletons télévisés ou les calembours de leur ex leader politique. Mais avec OvO, c’est peut-être la première fois depuis les BO de giallos signées Morricone que des Italiens nous font peur et qu’on se prend à aimer ça. Asphyxiante et délétère, la musique du duo milanais croisé l’an dernier au côté de Nadja semble monter tout droit des profondeurs infernales pour vous prendre à la gorge et vous ôter jusqu’à votre dernier souffle. Charmant ?
(RabbitInYourHeadlights)
Primordial - Redemption at the Puritan’s Hand
Quatre ans après le fantastique To The Nameless Dead, les Irlandais reviennent avec un album encore plus noir où la méthode Primordial continue de faire des merveilles. La recette miracle tient en peu de choses : le chant à vous coller la chair de poule d’Alan Averill marié à la beauté de mélodies celtiques, le tout au service de chansons épiques habitées par le souffle de ceux qui à travers l’histoire ont lutté contre les oppresseurs et les tyrans. L’antidote parfait à la Nolwenn-Leroy-mania ambiante.
(FredM)
Ramesses - Possessed By The Rise Of Magik
Ce qui frappe d’emblée chez les trop méconnus Ramesses, c’est la variété des atmosphères (plus ou moins maussades, mystérieuses, menaçantes, mythologiques même... la référence égyptologique aidant) et du traitement des parties vocales (chant clair, chuchotements rauques, déclamations ésotériques, hululements erratiques, grunt maléfique... voire souvent tout ça à la suite sur un même morceau). Ainsi, malgré un penchant jamais démenti pour les tempi lents et les guitares marécageuses, jamais les Anglais ne nous donnent l’impression loin s’en faut d’écouter deux fois le même titre.
Un bon point d’emblée donc pour nos trois pharaons maudits, ex Electric Wizard et Lord Of Putrefaction qui renouent sur ce troisième opus, après le presque immédiat et vaguement sludge Take The Curse de l’an dernier, avec le format plus "exigeant" de leur premier LP Misanthropic Alchemy : sept morceaux seulement, mais particulièrement longs, évolutifs, glauques, immersifs en somme, tirant le meilleur des passifs de ses membres respectifs pour un résultat à la croisée d’un doom massif et d’un psychédélisme déliquescent.
(RabbitInYourHeadlights)
Sólstafir - Svartir Sandar
Spontanément je ne m’étais pas proposé de parler de ce Svartir Sandar, c’est un vrai cadeau empoisonné que l’on m’a fait là, avec bien sûr la directive de pas fait trop long. Surtout que tout a déjà été très bien chroniqué par mon collègue Leoluce.
Ce nouvel album des Islandais de Sólstafir est trop dense pour être décrit en quelques lignes. Alors, j’ai envie de vous dire que ce qui m’a plu ici c’est justement ce mélange maîtrisé entre black metal, folk metal, stoner et post-rock, le tout porté par une dominante « gros rock » franche et une basse à l’accroche puissante.
Svartir Sandar s’écoute tout le temps, en toutes occasions. Original, riche, tantôt éclatant et souvent mélancolique, c’est un petit bijou de vrai rock comme je les aime.
(nono)
Terra Tenebrosa - The Tunnels
Pour planter le décor The Tunnels est distribué par le label Trust No One Recordings qui n’est pas réputé pour son catalogue ska festif mais plutôt pour ses groupes barrés et réservés à un public averti (Khanate, Kongh, Switchblade). Rien que ça devrait mettre la puce à l’oreille des amateurs.
On va faire fi de l’emballage (ex Breach, groupe suédois, musiciens masqués et anonymes, etc.) pour se concentrer sur le contenu : c’est complètement glauque, à coté Neurosis c’est la danse des canards. Les tempi se traînent, c’est déstructuré, on navigue dans des eaux boueuses où se mêlent ambient sombre, indus glauque, riffs doom ultra-saturés nappés dans un brouillard de samples et de synthés.
Sérieusement ça file les chocottes de savoir que ce sont des humains qui ont pondu ça, je n’aimerais pas être dans leurs têtes. Je comprends qu’ils veuillent garder l’anonymat pour ne pas décevoir leurs mères. Avec The Tunnels, tous les amateurs de métal expérimental underground vont se régaler. Un album fort et angoissant, terriblement addictif, l’un de mes plus grands coups de cœur de l’année.
(nono)
Tombs - Path Of Totality
Troisième album déjà pour le trio new-yorkais formé durant l’hiver 2007. Comme la saison qui les a vus naître, la musique de Tombs est froide et complètement noire. Allant ouvertement fureter du côté du black, encore plus dans ce disque que dans les précédents, le trio semble avoir trouvé son point d’équilibre et sa formule devient personnelle. L’architecture des morceaux est alambiquée, l’exécution, sauvage mais plastique, s’adapte à la grande variété d’atmosphères distillées tout au long d’un disque dont les sommets de rage se trouvent contrebalancés par des abîmes joliment aériens. Viscéralement désespérée, il n’en reste pas moins que la musique de Tombs offre un relief cabossé et chaotique que l’on se plaît à explorer encore et encore, preuve que l’on s’y sent bien. Lourd et éthéré, sombre et dissonant, Path Of Totality est une incontestable réussite.
(leoluce)
US Christmas - The Valley Path
Assurément l’album le plus tangentiellement métal de cette sélection mais après tout le métal c’est comme le punk, c’est avant tout une question d’état d’esprit. Et dans ce domaine ces gars-là ont de quoi en remontrer à pas mal de groupes et ils pourraient même jouer des reprises de Claude François au xylophone que ça serait encore du métal. Bref, pas de ça sur The Valley Path heureusement mais plutôt une errance aux confins du psychédélisme, du stoner et du blues. Un trip cinématique en trois mouvements dans une ambiance désertique et rugueuse à savourer d’une seule traite.
(FredM)
Wolves In The Throne Room - Celestial Lineage
Quatrième fois que les loups pénètrent dans la salle du trône et pourtant ils n’ont jamais été aussi proches de leur espace naturel. Du haut de leur Mont Olympe, les frères Weaver, toujours en plein trip mystico-écolo, signent leur album le plus aéré mais également le plus puissant : longues plages ambient, chant féminin, contre hurlements et blasts parcimoniques. Randall Dunn (Earth, Boris...) est encore une fois derrière les manettes et donne l’impression de sublimer le son WITTR en un ensemble précis, texturé, en harmonie avec l’état d’esprit du groupe. Celestial Lineage, ou le black metal boisé au parfum de maturité, sans le goût de bouchon !
(Riton)
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