2013 : les artistes font leur bilan - Part 13

Ils ont fait l’actu l’an passé sur IRM, à leur tour de nous parler de leur cru 2013 ! Dans l’idéal sous forme d’un top 3 des albums, EPs, rééditions, concerts ou autres évènements qu’ils retiendront avant toute autre chose de l’année écoulée, les choix des artistes, patrons de labels et autres activistes des scènes indépendantes de tous horizons géographiques et musicaux nous mènent de découvertes en confrontations de points de vue, l’occasion également de revenir en quelques mots sur leurs propres sorties qui ont toutes marqué à divers degrés l’équipe d’IRM en 2013. Et en dépit d’un retard de publication conséquent dont nous nous excusons auprès des participants, on espère que vous prendrez plaisir, tout comme nous, à explorer tout ça.


Grégoire Fray

(Thot - Belgique)

... nous avait livré sous forme d’EP les prémices à la fois tubesques et névrosées du nouvel album de son projet électro/indus Thot, The City That Disappears, désormais en écoute via Bandcamp et en chronique ici.




Son bilan 2013 :

Tout en écrivant ce top 3, je suis en train d’écouter Magnetica des Japonaises de ZZZ’s, en boucle depuis que je les ai vues en concert fin novembre. Grosse claque. Je leur réserve donc la première place de mon top 3 de cette année 2013.



En deuxième position vient l’album Holiday de l’américain Port St. Willow qui a beaucoup tourné cette année, découvert au hasard de mes errances virtuelles. Idéal pour me faire décrocher du quotidien.

C’est Jon Hopkins qui vient boucler mon top3 avec son majestueux Immunity. Je pense bien avoir écouté la seconde piste, Open Eye Signal, en boucle toute la journée lorsque l’album fut mis en écoute sur npr.org.




Aodhán O’Reilly

(Irlande/États-Unis)

... surprenait avec la sortie dEP 1 qui s’éloignait quelque peu des sentiers battus pour proposer des compositions plus expérimentales et déstructurées.




Son bilan 2013 :

- 1- Trevor Dunn - Solo Upright Bass performance, Brooklyn, NYC

I’ve been getting gradually more interested in experimental, "free prov" music in the last few years of living in NYC. I’d been intrigued by it for a long time before I could say I actually enjoyed it, knowing there was a lot of depth in some of it without really being able to penetrate it. This performance was an epiphany for me. A few minutes in I gave up trying to analyze or get a foothold in what was happening in technical or harmonic terms and just let the sounds and atmosphere envelop me. It was completely dense and absorbing, immense depth and emotion contained within the playing. Constantly surprising, alternately jarring and sinister, then at times achingly beautiful. The prospect of 45 minutes of improvised upright bass playing might have made me flinch a couple of years back, but during this show time felt utterly suspended. I think it changed the way I think about music.

Je me suis intéressé progressivement aux musiques improvisées au cours des dernières années de ma vie à New York. Ça m’intriguait depuis pas mal de temps sans que je puisse dire si j’aimais ça ou non, sachant qu’il y avait beaucoup de profondeur dans certaines de ces performances sans vraiment être capable d’y rentrer. Celle-ci a été une vraie révélation pour moi. Au bout de quelques minutes j’ai renoncé à essayer d’analyser ce qui se passait en termes de technique ou d’harmonies pour simplement laisser les sons et l’atmosphère m’envelopper. Ce fut complètement dense et absorbant, immense de profondeur et d’émotion contenues dans l’instrumentation. Constamment surprenant, tantôt discordant ou sinistre, et parfois douloureusement beau. La perspective de 45 minutes d’impro à la basse m’aurait fait tressaillir il y a quelques années, mais pendant ce concert le temps s’est retrouvé totalement suspendu. Je pense que ça a changé ma façon de concevoir la musique.

- 2- Lightning Bolt - Brooklyn, NYC

I may be lying about this one, it may have been right at the end of 2012, but regardless it feels recent so I’ll proceed. This show took place in a warehouse right down on the waterfront in Williamsburg. I’ve listened to LB for a couple of years but friends have always assured me you need to see them live to get the full experience. They were right. This was one of the best "rock" shows I’ve seen in years. It was intense and haphazard and tight and focused all at once. There was the whole range of ages from teenagers all the way up, and everyone was moshing and head banging, very unusual for NYC audiences on a school night. The band were an absolute force of nature, encapsulating the raw and relentless character of the best punk rock and the hypnotic and ecstatic qualities of free jazz.

Il se peut que je triche avec celui-ci, il a peut-être eu lieu fin 2012, mais peu importe, ça semble récent alors je continue. Ce concert s’est tenu dans un entrepôt juste en front de mer à Williamsburg. J’écoute Lightning Bolt depuis quelques années, mais des amis m’ont toujours assuré qu’il fallait les voir live pour en prendre la pleine mesure. Ils avaient raison. Ça a été l’un des meilleurs concerts de "rock" que j’ai vu depuis des années. C’était intense et désordonnée et précis et concentré à la fois. Il y avait toutes les tranches d’âge, et tout le monde pogotait et headbangait, plutôt inhabituel pour le public new-yorkais la veille d’un jour de classe. Le groupe était une force absolue de la nature, encapsulant le caractère brut et implacable du meilleur punk rock et les qualités hypnotiques et extatiques du free jazz.

- 3- Ceramic Dog - Union Pool, Brooklyn, NYC

Another live show. Ceramic Dog is made up of 3 of my favourite musicians in New York, Marc Ribot, Ches Smith, and Shahzad Ismaily. I love seeing shows where you know some of the Artist’s recordings but then go and hear an essentially different band live. All three are pretty heavy weight "players" in the worlds of jazz, improve, experimental and so on. That kindof makes it all the more thrilling to hear them play in a rock format. There were forays into noise, jazz, blues, electronica and more, but the impression left is most assuredly of a punk rock band, and where possible Ceramic Dog should be seen in a small club.

Encore un concert. Ceramic Dog est constitué de 3 de mes musiciens préférés à New York, Marc Ribot, Ches Smith et Shahzad Ismaily. J’aime aller voir des concerts pour lesquels je connais certains des enregistrements de l’artiste et tomber sur un groupe complètement différent sur scène. Tous les trois sont des "poids lourds" dans le monde du jazz, de l’improvisation, des musiques expérimentales etc. C’est ce qui rend en quelque sorte le fait de les voir jouer en format rock encore plus passionnant. Il y a eu des incursions noise, jazz, blues, électronica et plus encore, mais l’impression laissée est assurément celle d’un groupe punk, et si possible Ceramic Dog doit être vu dans un petit club.


Samuel Ricciuti

(Dog Bless You, Chez.Kito.Kat - France)

... nous proposait dans les tous derniers instants de l’année Friends Becoming Ghosts, un album de remixes de Ghosts & Friends, son chef-d’œuvre publié en 2012 sous le pseudonyme de Dog Bless You.
On le retrouvait par ailleurs au sein du projet Beat For Sale, dont l’EP Douchebag était publié sur le label Digital Kito Kat, filiale de Chez.Kito.Kat dont Samuel Ricciuti n’est autre que le créateur...




Son bilan 2013 :

Une année 2013 assez particulière musicalement parlant, et pour le reste aussi. Immobilisé, donc pas mal de temps pour me plonger dans la recherche et (re)découverte de vieilleries house, minimales ou électroniques en tout genre. Pas trop à l’affût des dernières sorties, plutôt occupé à fouiller dans le passé, et gérer un présent compliqué. Peut-être l’état d’esprit du moment, que ce soit dans l’écoute ou les productions.

Il fallait choisir trois références. Je me permets de rajouter un mix et une compilation. Quelques très bon titres cette année ont surgi de je ne sais où (la magie des internets). J’en profite pour en présenter trois ici :

- 1. Mario Basanov - Red Line
Énorme morceau. A l’écoute, je me sens un peu dans l’ambiance spéciale d’une backroom, sensualité froide et sombre, noirceur. Morceau très intense. Par contre, petite précision, le reste de la disco du type m’a pas mal déçu. On ne peut pas tout avoir.

- 2. Majical Cloudz - Childhood’s End
Un super vocal et pas mal d’émotions sur ce titre.

- 3. El Perro Del Mar - Hold Off Dawn (Gidge Remix)
Très très bon remix. Frais, beau, je voyage.



Pas possible de passer outre l’influence énorme des productions de la scène électronique Néerlandaise/Flamande chez moi ces derniers temps, notamment de Legowelt qui est devenu depuis un petit moment mon nouveau Dieu tout puissant, et qui continue à me surprendre sur chacune de ses sorties ou mix (un très bon mix Lo Fi de ses prods ici), ainsi que la confirmation du label Field Records qui reste un de mes labels préférés actuellement en matière d’Electronique/Ambient/House, avec ses excellentes compilations Field que j’ai un mal fou à trouver en vinyle à des prix raisonnables (dernière sortie du label, Field 10).

- Boards of Canada - Tomorrow’s Harvest
Niveau « classiques », je suis obligé de souligner la sortie surprise du dernier Boards Of Canada qui m’a fait passer un bon moment sonore, j’avais peur après l’album précédent The Campfire Headphase de revivre la même déception...



Alexandre Rochon

(The Delano Orchestra - France)

... nous a proposé en début d’année 2013 "un voyage en altitude entre lacs et volcans" comme l’écrivait Spoutnik dans sa chronique dEITSOYAM, dernier album en date du Delano Orchestra.




Son bilan 2013 :

Il est encore difficile pour moi de me prononcer sur les meilleurs albums de l’année. Il me faut toujours du temps pour digérer et lister ces musiques, jeu que j’adore faire début janvier.

- San Fermin - Daedalus

Je découvre l’album, peut-être imparfait ou très influencé. Mais il y a cette chanson Methuselah que j’écoute en boucle depuis sa sortie et qui est certainement la plus belle chanson de l’année.



- Arcade Fire - Reflektor Part II

J’aime l’objet disque. J’aime son format, les pochettes. Une histoire de génération peut-être. Après avoir acheté le double album d’Arcade Fire, j’ai mis le disque deux, un peu sans le savoir. Ce disque est magnifique.

- The Pastels - Slow Summits

La façon la plus objective de faire un top serait peut-être de placer en première place le disque le plus écouté. Pour moi, c’est celui de The Pastels, écouté à la maison, en travaillant sur Le Cahier Bleu, un projet de livre.



- Jean-Louis Murat - Tobbogan

Un très beau disque, fin, délicat, très bien arrangé. Forcément dans le top de l’écriture en français.

- A Grave With No Name - Whirlpool

Et comment ne pas donner une place particulière à ces disques que je choisis et bichonne, machine à coudre en main ? [ndlr : via son label Kütu Folk]




Monsieur Saï

(La Mauvaise Humeur, Le Meilleur des Mondes - France)

... a monté l’an dernier un spectacle hip-hop dystopique librement adapté du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley et nous est revenu dernièrement sur EP, en attendant l’album Libertés Nomades en collaboration avec Dakota qui verra le jour début mai.




Son bilan 2013 :

Pour 2013, une sélèction pas très originale... puisqu’il n’y a que du rap. Mais qu’y puis-je ? Plusieurs tueurs en séries ont décidé de se mettre au boulot cette année et dans l’ensemble ils ont fait ça correctement, à tel point que j’ai dû me battre contre moi-même pour en choisir seulement trois.

- Deltron 3030 - Event II  : Trois règles à retenir pour bien écouter cet album : 1. Les suites sont toujours décevantes. 2. Les come-backs sont toujours décevants. 3. Oubliez les deux premières règles lorsqu’il s’agit de Del the Funky Homosapien, Dan the Automator et Kid Koala. 15 ans plus tard, le deuxième album de Deltron 3030 est une tuerie intersidérale.

- Ghostface Killah & Adrian Younge - Twelve Reasons To Die  : L’album qu’on a pas vu venir ! Ghostface qui réinvente le son Wu-Tang avec un backing band et RZA qui se contente d’allonger la thune. Rien à jeter dans ce mix entre Ghost Dog de Jarmusch et Superfly de Curtis Mayfield. J’ai encore la joue qui brûle un peu.



- La Rumeur - Les Inédits  : Bon, le nom du skeud est pas bandant et la pochette est moche. En revanche, niveau son c’est encore du très bon. Et le plus surprenant est probablement qu’ils ont encore réussi à tenter de nouvelles choses. Les textes sont plus perso, on est balladé dans Paname comme des touristes japonais. Les flows sont encore plus lents qu’avant mais lourds comme des rames de métro blindées.


Photo : Grégoire Fray (Thot).
Propos recueillis par Elnorton, Rabbit et Spoutnik.


Articles - 28.04.2014 par Elnorton, RabbitInYourHeadlights