Interviews, mixes, places à gagner : focus sur Phi #2, affiche électro de l’année avec Leila, Christ., Arovane... (Toulouse, 9/11)

A l’occasion de ce superbe plateau au Rex de Toulouse vendredi prochain, IRM et Les Charades Électroniques - qui co-organisent avec Le Prisme - ont mis les petits plats dans les grands. Au programme donc, des interviews de Christ. (lequel s’était déjà par deux fois prêté à l’exercice dans nos pages il y a quelques années, cf. ici et ) et d’Arovane - qui partagent une affiche d’exception avec l’Anglaise Leila, magicienne du label Warp que nos lecteurs fidèles connaissent bien, le Danois Karsten Pflum (dont on vous reparlera très bientôt pour cet EP fabuleux enregistré à quatre mains avec son compatriote Monolog) et enfin Syl Kougaï, représentant français de la soirée que les Charades vous font découvrir par ici - mais également des mixes pour vous familiariser si ce n’est déjà fait avec les univers de ces deux musiciens passionnants que l’on adore et que l’on soutient depuis longtemps à IRM.



- "Above Christ." par Mike Griffin (Inervation / Energy No.13)


On n’en voudra pas (trop) au Floridien d’avoir recalé les immenses Happyfour Twenty et Vernor Vinge issus du chef-d’œuvre Blue Shift Emissions, ou d’avoir fait l’impasse sur notre Ashes of the Nineties maison. Car pour le reste, même le superbe Cathexis est représenté au sein d’un mix d’une belle fluidité dans cet onirisme rétro-futuriste cher au beatmaker écossais, sur une heure et vingt minutes qui filent vite et bien.

On en a donc profité pour re-re-poser quelques questions à Christopher Horne, enfin de retour sous nos radars il y a quelques mois après 6 longues années d’absence.

- IRM : Tu t’es fait discret depuis la sortie de Cathexis en 2012, mais nous sommes tombés récemment sur un nouveau morceau de Christ. via la compil’ OHM du label écossais Ambidextrous. Rom est plus techno dans l’esprit comme dans le son, s’agit-il d’une nouvelle direction pour ta musique ou était-ce une sorte d’exercice de style ?

Christ. : Je compose beaucoup de choses différentes. Tu seras peut-être surpris d’apprendre que je suis assez compétent à la guitare, à la batterie et à la basse en plus des synthés. J’avais beaucoup discuté avec Craig [ndlr : Murphy, aka Solipsism] d’Ambidextrous... Il était en train de sortir un sampler du label et j’avais un morceau dont j’étais assez satisfait, une sorte d’hommage à la techno de Detroit des années 90 et je l’ai soumis pour une possible inclusion à cette sortie. Je n’avais pas fait grand chose sur le plan créatif depuis un moment à cause de divers impondérables de l’existence... ces dernières années ont été plutôt difficiles. Donc c’est en quelque sorte arrivé par accident. Je suis assez content du morceau et je suis heureux qu’il ait bénéficié d’une sortie vinyle. J’ai plein de choses dans des styles différents sur mon disque dur, donc ce n’est pas vraiment un changement. Je ne sais pas si beaucoup s’en souviennent, mais j’ai fait une sorte d’hommage au punk britannique des années 70 en remixant Sleeps In Oysters il y a quelques années. Hé oui, je me disperse beaucoup musicalement, mais je considère très rarement sortir quoi que soit parmi ces digressions.


- Tu joues bientôt en France, à Toulouse, aux côtés de Leila, Arovane, Karsten Pflum, Syl Kougaï ... Es-tu familier de leur musique, et plus généralement, t’arrive-t-il d’écouter d’autres musiciens électroniques ?

Honnêtement, je n’écoute pas beaucoup de musique électronique. Je connais la musique d’Arovane depuis longtemps et je l’apprécie. J’ai récemment fait quelques concerts avec Karsten Pflum et j’aime ce crossover electronica/techno qu’il propose. Il a ouvert au 23rpm [ndlr : festival londonien consacré aux musiques électroniques] récemment avec quelque chose de complètement différent de ce qu’il fait d’habitude. C’est un type sympa aussi. J’ai entendu parler de Leila, mais je ne connais pas du tout Syl Kougaï. C’est toujours un plaisir d’être exposé à des choses dont je ne suis pas familier quand je joue ceci dit, et il est toujours préférable de découvrir ces choses en live, à mon avis. J’ai hâte d’y être. J’ai récemment eu la chance de voir Tim Exile jouer live pour la première fois et j’ai été très impressionné. Ma collection de disques et ma collection de musique digitale sont assez vastes et vont du jazz des années 20 et 30 à des choses plus récentes. J’ai dans ma voiture 64 Go de musique qui changent de temps en temps, et qui contiennent de tout, de l’ambient au breakcore, de la country au thrash en passant par le grunge, la techno, la pop, le punk et tout ce qu’il y a au milieu. Je ne suis pas regardant en matière de style musical du moment qu’il y a une âme.

English version :

IRM : You’ve been discrete since Cathexis came out in 2012 but we came across a new Christ. track lately on the OHM compilation from scottish label Ambidextrous. Rom is more techno in essence, is it a new direction your music is taking or was it some kind of "exercise in style" ?

Christ. : I write lots of different stuff. It might surprise you to know that i’m pretty competent on the guitar, drums and bass as well as the synths. I’d been talking a lot with Craig from Ambidextrous... He was putting out a label sampler and i had a track i was pretty happy with, kind of a tribute to the OG Detroit techno acts of the nineties and i submitted it for inclusion on the release. I hadn’t done very much creatively for a while due to various life stuff... it’s been a pretty tough couple of years. So it kind of came about by accident. I’m pretty happy with the track and i’m glad it got an outing on vinyl. I have loads of stuff in various styles on my hard drive so it’s not really much of a departure. I don’t know if many people will remember, but i did a kind of homage to 70’s british punk when i remixed Sleeps In Oysters a few years back. Yeah, i dabble in styles a lot, but very rarely consider releasing any of it.

- You’re playing in France soon, in Toulouse, alongside Leila, Arovane, Karsten Pflum, Syl Kougaï... Do you know their music, and more generally, do you listen to other electronic musicians ?

Honestly, i don’t listen to a huge amount of electronic music. I’ve known Arovane’s stuff for a long time, and i like it. I’ve done a couple of gigs recently with Karsten Pflum and i’m into the whole electro/techno crossover thing he does. He played the opener at 23rpm recently and did a completely different kind of thing from usual. He’s a good bloke too. I’ve heard of Leila, but I don’t know Syl Kougaï at all. It’s always a pleasure to be exposed to stuff i’m not familiar with when i gig though, and it’s always better to hear stuff live, i think. I’m looking forward to it. I recently got the chance to see Tim Exile play live for the first time and was suitably impressed. My record collection and digital music collection are pretty vast and range from jazz stuff from the 20’s and 30’s to fairly recent. I have 64GB of music in the car which changes now and then, and it’s got everything from ambient to breakcore, country to thrash and grunge, techno, pop, punk and everything inbetween. I’m not that fussy about style as long as it’s got soul.




- "Eclectic Arovane" par moiCflo (Les Charades Électroniques)


Une heure dédiée au projet électronica/ambient de l’Allemand Uwe Zahn, pilier de feu City Centre Offices que l’on vous présentait ici et qui sévit désormais sur n5MD, A Strangely Isolated Place ou depuis peu l’excellente écurie expérimentale Karlrecords, un sujet que l’on n’a pas manqué d’aborder avec l’auteur du génial Ve Palor dans l’entretien qui suit.

- IRM : Dernièrement, tu t’es accoquiné avec des musiciens ambient tels que Darren McClure, Hior Chronik ou Porya Hatami, plus proches de l’électro-acoustique, du drone ou du néo-classique que de la musique électronique à proprement parler. Certaines de tes dernières sorties solo comme Lyid Skor se centraient également sur l’atmosphère plutôt que sur la rythmique, dirais-tu que les textures t’intéressent plus que les beats désormais ?

Arovane : Oui, je suis plus intéressé par le sound design et les textures que par les beats parfois. Les frontières entre ce qu’on appelle ambient, drone, électro-acoustique et la musique électronique d’inspiration rythmique sont floues dans mon studio. Cela dépend de mes idées et de l’inspiration du point de départ des nouveaux morceaux. Ce peut être un field recording, me conduisant à des expérimentations électro-acoustiques. Je passe toute la journée à travailler avec ces sources pour créer une vaste collection de sons naturels, synthétiques et traités. Pour mon nouvel EP sur Apollo/R&S Records, une collaboration avec Synkro, j’ai utilisé tous les éléments avec lesquels je travaille, des sons de synthétiseur, des fields recordings manipulés et des beats.


- Y a-t-il une inspiration particulière pour ce changement ?

Il y a un vif intérêt pour les sonorités nouvelles et les nouvelles technologies. Il y a tellement de choses à explorer avec la synthèse granulaire, les méthodes de synthèse modale, c’est une énorme source d’inspiration pour moi.

- Tu as sorti plusieurs albums toi-même dernièrement, quelle est ton opinion sur les labels musicaux ces temps-ci ?

Il est difficile de trouver un label en tant qu’artiste. Les labels sont eux-mêmes sous pression financière. La devise est donc : pas d’expérimentation. Pas de temps ni d’argent à investir dans une musique nouvelle, ou de jeunes artistes. Mais je pense que c’est la mauvaise direction. Si vous écoutez de la musique (électronique) mainstream parfois, vous savez ce que je veux dire. Aucune diversité.

- Était-ce un choix ou un impératif, quels sont les avantages et les inconvénients de sortir un album tout seul par rapport à une collaboration avec un label ?

J’ai essayé de trouver un label à plusieurs reprises, mais la plupart d’entre eux ignorent mes démos ou mes questions. J’ai donc arrêté de courir après les labels et j’ai mis l’accent sur ceux pour lesquels j’avais déjà publié des albums ces dernières années, comme n5MD ou A Strangely Isolated Place. En plus de ça, j’ai commencé à sortir ma musique moi-même sur Bandcamp. Comme ça je n’ai rien à demander à qui que ce soit.

- D’autre part, Organism_evolution, ta dernière collaboration avec Porya Hatami, a été publié par Karlrecords, probablement l’un des labels expérimentaux les plus intéressants à l’heure actuelle. D’où est venue cette connexion ?

Thomas [Herbst] de Karlrecords nous a demandé à Porya et moi de sortir quelque chose d’expérimental sur son label. J’ai rencontré Thomas à Berlin et nous avons eu une conversation très intéressante sur les genre musicaux, l’histoire et la philosophie de la musique.


- De manière plus générale, dirais-tu qu’il existe des liens étroits entre les sphères de la musique électronique et ce genre de label "avant-gardiste" (où l’on peut trouver des artistes harsh noise, dark ambient et darkjazz ou des pionniers de la noise comme Zeitkratzer ou Keiji Haino, aussi bien que des musiciens électroniques tels qu’Ulna ou Nickolas Mohanna) ?

Oui je pense. Des liens plus ou moins forts. On trouve un côté plus académique dans cette scène musicale "électronique d’avant-garde" et d’autres directions ou mouvements qui développent leurs idées sans ce background académique. En ce qui concerne Karlrecords, ils présentent un sain mélange d’artistes de tous bords.

English version :

IRM : Lately you got accointed with ambient artists like Darren McClure, Hior Chronik or Porya Hatami, closer to electro-acoustic, drone or modern classical than electronic music. Some of your latest solo releases like Lyid Skor also focus on atmosphere rather than rhythm, would you say that you’re more interested by textures than beats nowadays ?

Arovane : Yes, i’m more interested in sound design and textures than beats sometimes. The borders between so called ambient, drone, electro acoustic and beat driven electronic music are blurred in my studio. It depends on my ideas and inspiration, where’s the starting point for new tracks. It could be a field recording, leading me to an electro acoustic experiment. I spend the whole day working with those sources, to build a huge collection of natural, processed and synthetic sounds. With the new EP on Apollo/R&S Records, a collaboration with Synkro, i used all elements i’m working with, synthesizer sounds, processed field recordings and beats.

- Is there any particular inspiration for that shift ?

There was and is a huge interest in new sounds and new technology. There is so much to explore with granular synthesis, modal synthesis methods, it’s a huge inspiration for me.

- You self-released several albums lately, what is your take on music labels these days ?

It’s difficult to find a label as an artist. The labels themselves are under financial pressure. So the motto is : no experiments. No time and money to "invest" in new music, young artists. But that’s a wrong direction i think. Listen to the so called mainstream (electronic) music and you’ll know what i mean. Diversity, no way.

- Was it a choice or an imperative, what are the pros and cons of releasing an album by yourself vs. working with a label ?

I tried to find a label several times but most of them ignored my demos or questions. I stopped the label shopping and put the focus on the labels i released on the last years, like n5MD or ASIP. In addition to that i release my music on Bandcamp. So i don’t have to ask somebody.

- On the other hand, Organism_evolution, your latest collaboration with Porya Hatami, was released by Karlrecords, probably one of the most interesting experimental labels around. Where did that connection come from ?

Thomas from Karlrecords asked Porya and me to release some experimental stuff on his label. I met Thomas in Berlin and we had a very nice conversation about music styles, history and music philosophy.

- More generally would you say that there are strong ties between the electronic spheres and this kind of "avant-garde" label (where we can find harsh noise, dark ambient and darkjazz artists, and noise pioneers like Zeitkratzer or Keiji Haino as well as electronic musicians like Ulna or Nickolas Mohanna) ?

Yes, i think so. More or less strong ties. You’ll find the more academic side in that "avant-garde electronic" music scene and other directions or movements that are developing their ideas without an academical background. Regarding Karlrecords, you’ll find a healthy mix of all kinds of artists.



Après tout ça, on espère que vous rejoindrez les rangs des aficionados qui se presseront aux portes du Rex de Toulouse, 15 avenue Honoré Serres vendredi 9 novembre à partir de 21h pour une soirée (voire une nuit, jusqu’à 3h du matin pour les plus assidus) qui s’annonce assez exceptionnelle.

Pour les préventes c’est par ici... voire directement dans votre boîte mail si vous parvenez à trouver la réponse à la question suivante et que vous êtes l’un des deux chanceux tirés au sort pour remporter une place. La solution est dans nos pages, il va falloir faire chauffer la fonction recherche !

- A quelle place du bilan 2008 de Rabbit le génial Blood, Looms And Blooms de Leila avait-il terminé ?

Envoyez votre réponse, ainsi que vos nom et prénom, à l’adresse concours.irm@gmail.com avant le mercredi 7 novembre à minuit, et IRM fera le reste (ou pas). Bonne chance et surtout bons concerts au Phi #2 !

News - 03.11.2018 par RabbitInYourHeadlights
 


Streaming du jour // 13 janvier 2012
Le streaming du jour #271 : Leila - 'U&I'

Étrange album que cet U&I, surprenant d’emblée par sa précocité après les 8 années qui avaient séparé Courtesy Of Choice de Blood, Looms & Blooms mais tout autant par sa dimension bipolaire, celle peut-être du système binaire bien connu des informaticiens et auquel les assauts soniques de l’Anglaise semble donner une vie propre, à l’image (...)



Chroniques // 8 juillet 2008
Leila

L’ex-claviériste de Björk, révélée par ses bidouillages de magicienne sur la tournée de Post, revient après huit ans de hiatus avec un troisième chef-d’oeuvre entre pop hybride, électronica onirique et vagues de saturation organiques. Que le voyage commence...