Interview sous les cendres - 6/ Christ.

Les plus fidèles de nos lecteurs auront certainement remarqué des messages subliminaux distillés ces dernières semaines sans ostentation dans nos pages, concernant un ambitieux projet prévu pour les fêtes de fin d’année. Coupons court au mystère, si ce n’est au suspense : il s’agit d’une compilation, entièrement composée de morceaux inédits que nous ont gracieusement offerts un certain nombre d’habitués des colonnes d’IRM. Et... c’est tout pour le moment ! Vous en saurez plus très bientôt en suivant les petits cailloux que la rédaction sèmera à raison de deux interviews par semaine, agrémentées d’énigmes et de surprises, jusqu’à la mise à disposition de l’objet. Une invitation à vous familiariser avec l’univers de nos contributeurs de tous horizons géographiques et musicaux, en espérant qu’ils vous surprennent et vous enthousiasment autant que nous.


Eh oui, Christ. en personne apparaîtra lui aussi sur notre compilation avec un morceau composé pour l’occasion et donc 100% inédit, c’est même le trailer qui le dit. On ne va pas vous faire l’affront de présentations en long et en large, vous qui avez certainement suivi notre grand feuilleton de l’été (un, deux, trois, etc...) autour de Cathexis - Motion Picture Soundtrack finalement arrivé sur notre podium des meilleurs albums de la rentrée. Car l’Écossais Christopher Horne issu du fameux collectif Hexagon Sun n’a jamais cessé de pousser l’IDM analogique dans ses plus beaux retranchements amniotiques, oniriques, hypnagogiques... pas comme un certain duo qui semble encore se demander si ressortir de sa tanière vaut le risque d’égratigner son mythe. Nul besoin d’ailleurs d’y chercher d’autres références dans cette interview, il y avait en effet bien d’autres sujets à aborder pour prolonger notre précédent entretien et introduire le cinématique Ashes Of The Nineties que vous pourrez bientôt télécharger librement, en exclusivité dans nos pages.


L’interview


- IRM : Y a-t-il deux ou trois choses que nos lecteurs devraient savoir de toi avant d’écouter la compil’ ?

Christ. : J’aime la marmite, les disques vinyle, le vin espagnol, les vieilles photos, le ciel d’hiver écossais et les vrais livres. Je n’aime pas porter des chaussures et aussi les gens inutilement bruyants. Je ne pense pas que Star Wars soit le meilleur film jamais réalisé, mais je pense que je l’ai vu à la meilleure période de ma vie pour en tirer le meilleur parti. Et aussi, d’une façon très générale, je suis presque certain que tout va bien se passer.

- Une atmosphère étrange et onirique émane souvent de tes compositions. Les rêves sont-ils une source d’inspiration pour toi ?

Complètement, oui. Je n’ai jamais été un bon dormeur, ce qui a ses avantages... Je passe beaucoup de temps la nuit dans un état de somnolence, et je fais des rêves vraiment alambiqués et extrêmement lucides. Il y a une atmosphère particulière aux rêves que tu ne peux pas vraiment confier à quelqu’un d’autre avec des mots. Quoi de plus ennuyeux que d’écouter les trucs aléatoires qui se sont passés dans le rêve d’autrui sans éprouver cette atmosphère décalée, où aucun évènement n’est remis en cause, aussi bizarre soit-il ? Je pense que la musique est le meilleur moyen de transmettre ce sentiment particulier de dépaysement. Rien n’est ordinaire, mais tout est réel.


- Qu’est-ce qui t’a décidé à prendre part à ce projet ?

Vous les gars à IRM m’avez vraiment soutenu cette dernière année... Je me suis senti le besoin de donner quelque chose en retour. Par ailleurs, quand vous m’avez contacté, tout ça était encore très mystérieux et j’ai apprécié cela. Ça semblait pertinent.

- Si tu devais décrire ta contribution en une phrase ?

Ashes Of The Nineties est un signe de la tête à une époque plus simple où la musique signifiait beaucoup moins et en même temps beaucoup plus que simplement bidouiller son équipement.

- Tu dévoiles sur Cathexis, et plus particulièrement en ouverture du disque, une facette plus ambient de ton univers aux beats discrets voire même absents. Était-ce pour les besoins de l’atmosphère du court-métrage ou les prémices d’une évolution souhaitée pour ta musique ?

Les premiers morceaux que j’ai envoyés à Stefan [ndlr : Stefan Larsson, réalisateur du moyen-métrage d’animation Cathexis à visionner ci-dessous] avaient des beats assez lourds, et il est rapidement devenu évident que les beats nuisaient au rythme et à la clarté de la narration dans le film. Nous avons été en contact tout le temps pendant la composition de la bande originale, et les choses ont en quelque sorte évolué en fonction de nos besoins à chacun. L’intention avait toujours été d’apporter les éléments les plus rythmiques quand Dave [ndlr : David McGeorge, qui l’accompagnait déjà sur son Live de 2009] et moi commencerions à jouer les morceaux en live, pour leur donner des contours plus dynamiques. Nous avons répété pour notre concert à Glasgow ces dernières semaines et les drums ajoutent vraiment une nouvelle dimension aux versions live [ndlr : cf. notre "surprise" plus bas].


- Tu disais avoir hésité avant d’accepter de sortir Cathexis sous forme d’album. Pourquoi cette hésitation et qu’est-ce qui t’a finalement décidé ?

Ce n’était pas tant une hésitation, plutôt que je n’avais jamais vraiment considéré sortir la BO du tout. Au moment où le film a été structuré et quelques-uns des morceaux gravés dans le marbre, j’ai eu une conversation avec Stefan à ce sujet, et j’ai posté quelque chose à propos de sortir l’album dans un message sur facebook, et Parallax Sounds est entré en contact avec moi tout de suite. Cela m’a en quelque sorte mis sous pression pour réévaluer ce qui était essentiellement le squelette d’une bande-son et d’une certaine manière lui donner chair au sein d’un album susceptible de sortir en tant que tel. Au moment où j’ai atteint ce stade, il n’y avait tout simplement pas assez de distance entre moi et ma musique pour me permettre de la juger efficacement, et j’en avais un peu marre de l’écouter encore et encore. J’en suis vraiment satisfait désormais, mais il m’aura fallu pour ça un mois loin de l’album et une nouvelle paire d’oreilles.

- Ta musique est emblématique de feu Benbecula sur lequel sont sortis tes trois premiers albums avant que la structure écossaise ne mette la clé sous la porte. Suis-tu toujours les artistes anciennement signés sur le label ?

Beaucoup d’entre nous sommes amis, et je sais que Shona (Plum) et Keir (Araya) sont tous deux occupés à faire de la bonne musique et à obtenir beaucoup d’attention pour ça. Frog Pocket a sorti un album intitulé Frog And The Volcano [ndlr : chroniqué dans nos pages en juillet dernier], et il est vraiment génial. Je suis en contact avec Lewis (Operator) sur facebook et tout ça... nous continuons à parler d’aller boire des bières, mais nos vies sont bien remplies. Je suis également Greenbank, ses étonnantes inventions et ses créations italo-disco-funk. La seule chose que nous avons tous en commun c’est notre amour de la musique et notre amour d’en faire, donc tout le monde continue de mener sa barque. Ouais, j’aime à rester en contact, mais c’est difficile de traîner avec tout le monde aussi souvent que je le voudrais.


- La musique "gratuite" ça t’inspire quoi ?

Je n’ai rien contre la musique gratuite. Tant de gens offrent leur musique gratuitement... Il y a un approvisionnement sans fin de musique vraiment géniale, gratuitement, avec le consentement des artistes. Allez, servez-vous. Ce qui me pose problème, c’est la musique disponible gratuitement, sans le consentement des créateurs. Je ne vais pas entrer dans ces arguments ridicules à propos du partage de fichiers, mais j’ai vu des sites de torrents décompter le nombre de téléchargements avec plusieurs milliers de clics pendant que le label galérait à s’acquitter des coûts de production du produit physique. Que ce soit parce que des tas de gens le téléchargent sans l’aimer suffisamment pour l’acheter, ou je ne sais quoi d’autre, ces sites de torrents se font du blé sur le taux de clics ou de souscriptions, et dans certains cas, à en juger par les chiffres, gagnent plus que l’artiste ou le label qui a créé l’œuvre en question. Donc pour moi c’est une histoire de consentement. Rendre la musique disponible gratuitement sans le consentement de ses créateurs, c’est juste salement grossier.

Vernor Vinge, EP de 2006 récemment ajouté par Christ. à sa page Bandcamp.

- Quel est le meilleur - ou le plus mauvais - jeu de mots qu’un chroniqueur ait fait sur ton pseudo ?

Quelque chose à propos de pains et de poissons, si je me souviens bien..... Pour être honnête, la plupart des gens sont passés rapidement sur cette histoire de christ. Ce n’est pas un nom facile à intégrer dans un slogan spirituel ou un jeu de mot qui n’ait pas déjà été fait un million de fois, je suppose.

- Un disque à écouter sous les cendres ?

Hawkwind. Sonic Attack, de toute évidence.



Les surprises


La premier cadeau d’aujourd’hui se décline en vidéo et nous gratifie de 7 minutes planantes en HD extraites du set de Christ. au Pivo Pivo de Glasgow, batteur à l’appui, à l’occasion d’une soirée organisée le 25 novembre dernier par l’excellent label Herb Recordings dont on vous parlait ici. Quant à Anthony Merrill, patron de Parallax, il nous a même filmé l’intégralité du concert en deux parties intercalées plus bas entre les questions en VO, avec une qualité plus approximative mais suffisante pour donner un idée de l’évènement qu’on a manqué :


Enfin, le podcast Egg Box #5 concocté pour le site Relevant est encore tout chaud puisqu’à peine daté de quelques heures et nous offre notamment (en libre téléchargement de surcroît) trois titres enregistrés en répétition le mois dernier avec le sus-nommé Dave McGeorge aux fûts entre deux favoris de Christ., et même un inédit intitulé Mallan qui fait son petit effet entre Radiohead et Peter Bjorn And John :



Quelques liens utiles


Christ. sur IRM - Bandcamp - Facebook


English version


- IRM : Are there a few things that our readers should know about you before listening to the compilation ?

Christ. : I like marmite, vinyl records, spanish wine, old photographs, scottish winter skies and real books. I dislike wearing shoes and also unnecessarily noisy people. I don’t think Star Wars was the best film ever made but I think I saw it at the best time of my life to get the most out of it. Also, in a very general sense, I’m pretty sure everything is going to be ok.

- A strange and dreamlike atmosphere often emerge from your compositions. Are dreams a source of inspiration for you ?

Very definitely yes. I’ve never been a good sleeper, which has its advantages... I spend a lot of night time in shallow sleep, and have really convoluted and extremely lucid dreams. There’s an atmosphere to dreams that you can’t really convey to someone else with language. What could be more boring than hearing about the random stuff that happened in someone else’s dream without experiencing that off-kilter atmosphere, where you don’t question anything, however bizarre it might be ? I think music is a better way to convey that particular sense of otherworldliness. Nothing is ordinary, but everything is real.


- What made you decide to take part in this compilation project ?

You guys (IRM) have been really supportive of me over the last year... I felt the need to give something back. Also, when you approached me, it was all very mysterious and I dug that. It felt right.

- If you had to describe your contribution in one sentence ?

Ashes Of The Nineties is a nod of the head to a simpler time when music was about much less and simultaneously much more than flexing your gear.

- You show with Cathexis, especially in the opening part, a more ambient side of your musical universe, with more discrete - or even absent - beats. Was it for the sake of the atmosphere of this short animated movie or the beginning of a desired evolution for your music ?

The first tracks I sent to Stefan [ndlr : Stefan Larsson, director of the Cathexis animated movie] were quite beat heavy, and it quickly became apparent that the beats were detracting from the rhythm and clarity of the narration in the film. We were in touch the whole time during the scoring of the film, and things sort of evolved according to each of our requirements. The intention was always to bring the beatier elements in when Dave [ndlr : David McGeorge, heard on his Live album back in 2009] and I started doing them live, to give the tracks more of a dynamic edge. We’ve been in rehearsal for our glasgow gig for the last few weeks and the drums really add a new dimension to the live versions.


- You said you hesitated before releasing Cathexis as an album. What were the reasons of that hesitation and why did you finally decide to put it out ?

It wasn’t so much a hesitation, more that I hadn’t ever really considered releasing the soundtrack at all. By the time the film was structured and some of the tracks were set in stone, I’d had a chat with Stefan about it, and I posted something about maybe releasing it in a post on facebook, and Parallax got in touch straight away. This kind of put me under pressure to reassess what was essentially the bones of a soundtrack and kind of flesh it all out into a releasable album. By the time I got it to that stage, I just didn’t have enough distance between me and the music to judge it effectively, and I was kind of sick of listening to it over and over. I’m really happy with it now, but it took a month or so away from it and a fresh set of ears.

- Your music is emblematic of Benbecula, on which your three previous albums were released before the Scottish structure went out of business. Are you still watching closely the artists formerly signed on the label ?

A lot of us are mates, and I know that Shona (Plum) and Keir (Araya) are both busy making great music and getting a lot of attention for it. Frog Pocket has an album out called Frog And The Volcano, and it’s really awesome. I’m in touch with lewis (Operator) on facebook and stuff... we keep meaning to go for beer, but life’s busy. I also keep up with Greenbank and his amazing inventions and italo-disco-funk creations. The thing we all have in common is a love of music and making it, so everybody is still doing their thing. Yeah, I like to keep in touch, but it’s hard to hook up in person with everybody as often as I’d like to.


- What are your thoughts about "free" music ?

I have no objection to free music. So many people offer their music for free... There’s a never ending supply of really great music, for free, with the artists consent. Go on, help yourself. I do have an issue with free music which is available for free without the creators consent. I’m not going to get into the ridiculous arguments about filesharing, but I’ve seen torrent sites that clock the number of downloads with several thousand counted where the label is struggling to pay for the production costs of the physical product. Whether that’s because lots of people download it that don’t like it enough to buy it, or whatever, those torrent sites are earning on clickthroughs or subscriptions, in some cases, judging by the numbers, earning more than the artist or label that created the work. So for me it’s an issue of consent. To make music available for free without the creators consent is just fucking rude.

- What is the best - or worst - play on words ever been made on your alias by musical reviewers ?

Something about loaves and fishes if I remember rightly..... To be honest, many people have just glossed over the whole ‘christ thing’. It’s not an easy name to incorporate into a witty tagline or pun that hasn’t been done a million times already, I suppose.

- A record to listen to, laid under the ashes ?

Hawkwind. Sonic Attack, obviously.



A écouter et télécharger librement :


-  Clouds et Clashes, les deux premières parties de notre compilation - qui en comptera trois.




A lire également dans notre série :


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Interviews - 05.12.2012 par RabbitInYourHeadlights


Interviews, mixes, places à gagner : focus sur Phi #2, affiche électro de l'année avec Leila, Christ., Arovane... (Toulouse, 9/11)

A l’occasion de ce superbe plateau au Rex de Toulouse vendredi prochain, IRM et Les Charades Électroniques - qui co-organisent avec Le Prisme - ont mis les petits plats dans les grands. Au programme donc, des interviews de Christ. (lequel s’était déjà par deux fois prêté à l’exercice dans nos pages il y a quelques années, cf. ici et là) et d’Arovane - (...)