Interview sous les cendres - 2/ lufdbf

Les plus fidèles de nos lecteurs auront certainement remarqué des messages subliminaux distillés ces dernières semaines sans ostentation dans nos pages, concernant un ambitieux projet prévu pour les fêtes de fin d’année. Coupons court au mystère, si ce n’est au suspense : il s’agit d’une compilation, entièrement composée de morceaux inédits que nous ont gracieusement offerts un certain nombre d’habitués des colonnes d’IRM. Et... c’est tout pour le moment ! Vous en saurez plus très bientôt en suivant les petits cailloux que la rédaction sèmera à raison de deux interviews par semaine, agrémentées d’énigmes et de surprises, jusqu’à la mise à disposition de l’objet. Une invitation à vous familiariser avec l’univers de nos contributeurs de tous horizons géographiques et musicaux, en espérant qu’ils vous surprennent et vous enthousiasment autant que nous.


lufdbf... difficile de ne pas pouvoir encadrer ce duo bisontin des plus attachants et pourtant on a bien du mal à les faire tenir dans un cadre, ces deux-là. D’un côté (à droite), Thierry Lorée aka Larsen Urbain, de l’autre Fred Debief connu sous les pseudos de Bazaar, Ascalaphe et plus récemment Brou de Noix, deux musiciens aux influences très différentes dont le télescopage aura assurément accouché de l’un des projets les plus singuliers croisés ces dernières années sous nos horizons. Cet univers sensuel et surréaliste maniant les mots avec gourmandise et ambigüité, on avait vainement tenté de le cerner à force de comparaisons avant d’en réaliser le caractère résolument irréductible, insaisissable, mutant même comme vous pourrez le constater au gré des démos que nous révèle Fred Debief en exclu entre les lignes de cette interview à cœur ouvert. Soit pas moins de quatre inédits quasi terminés, en attente de mixage avant d’aller rejoindre les tracklists de trois sorties qui marqueront peut-être la fin de l’aventure... ou peut-être pas, qui sait ?


L’interview


- IRM : Y a-t-il deux ou trois choses que nos lecteurs devraient savoir de vous avant d’écouter la compil’ ?

Fred Debief : Le morceau qu’on propose en inédit a été composé alors qu’on travaillait à trois projets d’albums assez différents. Et ce morceau est composé d’une partie instrumentale issue d’un projet et d’un texte prévu pour un autre. Involontairement, un morceau charnière, un peu à part... mais c’est un bâtard qui nous plaît beaucoup et qu’on aurait pu mettre sur les trois albums. Du coup, on est vraiment ravis qu’IRM ait pensé à nous... un écrin de choix !

- On t’a connu adepte des collages abstract et déstructurés avec les instrumentaux plus cinématiques voire bruitistes de tes projets solo Bazaar et Ascalaphe. Qu’est-ce qui t’a finalement poussé vers l’écriture, le chant et la poésie ?

Je fais de la musique depuis que j’ai 13 ans... mais j’ai commencé à écrire très tôt, vers 7 ans... une très chouette nouvelle racontant les mésaventures d’un lapin shérif (si, si...), tapé sur une vieille Underwood... Tout cela me vient de la lecture. J’avais en effet dévalisé la bibliothèque de l’école. En CM2, tout y était passé...
Et le chant c’est une autre histoire : j’avais une maîtresse qui nous faisait réciter des poèmes et occasionnellement les chanter... J’ai une très mauvaise oreille et je chantais particulièrement faux... ça m’a traumatisé et depuis cet âge là, je rêvais de prendre ma revanche.
Je n’ai jamais vraiment cessé d’écrire – j’espère finir un roman... un jour... je garde ça pour mes vieux jours.
Écrire est donc naturel pour moi et le chant s’est imposé quand j’ai commencé à travailler avec Thierry. Enfin, le parlé-chanté au début... j’essaye de chanter de plus en plus...
Quant à lufdbf, ça c’est fait tout seul. Thierry et moi avions l’habitude de nous croiser en soirée chez des amis... et on finissait souvent par investir la cuisine et commencer à faire des percus sur tout ce qui traînait... et à chaque fois, c’était un vrai plaisir. De là est née l’envie d’essayer de travailler ensemble... Et dès les premiers essais, on a su qu’on tenait quelque chose, qu’il y avait une vraie alchimie... quelque chose de vraiment intéressant pouvait sortir de la collusion de nos univers musicaux assez différents.



Une surprise empoisonnée


La poésie en clair-obscur de lufdbf devait forcément finir par se frotter à celle du mythique William Blake, ce sera bientôt chose faite sur un album entier dont ce Poison Tree, inspiré d’un poème du recueil Songs Of Experience, nous offre un aperçu inquiétant en arrosant de basses envenimées l’angoisse et la frustration du texte de l’Anglais :



L’interview - Suite


- Qu’est-ce qui t’a décidé à prendre part à ce projet de compilation ?

Le Mag nous suit depuis le premier EP, One ... donc la compilation, c’est un peu comme être invité à l’anniversaire d’un pote. Et puis tout le monde le sait... c’est toujours bien d’être diffusé...

- Si tu devais décrire ta contribution en une phrase ?

Un portrait aigre-doux en ombres chinoises des travers de notre société.

- lufdbf s’est malheureusement séparé il y a quelques semaines, mais tu rebondis déjà en multipliant les EPs avec le projet Brou de Noix dont les frontières semblent difficiles à définir. T’es-tu fixé des limites esthétiques en dehors de l’aspect "sombre" ou est-ce par nature un terrain de jeu malléable à foison ?

lufdbf est en pause... je crois qu’on en avait besoin, après deux ans de production non-stop... on passait tellement de temps sur ce projet qu’on aurait pu se pacser ! Mais il n’est pas improbable que lufdbf renaisse de ses cendres, dans une formation élargie et dans une optique de faire des concerts... l’avenir nous le dira !
Brou de Noix est un projet qui me permet de retrouver des choses plus personnelles, d’être aux manettes à 100%... Pour l’instant, Brou de Noix, c’est un concept : 1 Pantone, 3 morceaux. Aucune limite esthétique, j’espère justement pouvoir aborder tout ce qui me plaît... L’aspect sombre ne sera d’ailleurs pas forcément prévalent, même si en effet, je préfère souvent une certaine rugosité...

- Plusieurs albums et EPs de lufdbf doivent encore voir le jour, as-tu des nouvelles fraîches de ce côté-là ?

Fraîches, non hélas... Thierry et moi essayons de mixer les trois albums que nous voudrions sortir mais c’est assez long... mais en effet, on prévoit un LP en anglais sur les textes de William Blake, un EP en français sur les textes de Claude Pélieu et ¾, un double album en français sur des textes que j’ai écrits, album pour lequel on lancera sans doute un appel à souscription. Acid Cobra nous suit toujours, mais les temps sont durs pour les petites structures et malgré les chroniques élogieuses, l’album sorti l’an passé ne se vend pas...


Deux surprises pour un Janus fait disque


Après One et Deux, c’est donc un ¾ que nous réserve le duo pour un prochain double album qui s’annonce pour le moins bipolaire à en juger par ces mises en bouche, tour à tour dépouillée et intrigante ou plus groovesque et truculente :



L’interview - Fin


- La musique "gratuite" ça t’inspire quoi ?

Demande à ton garagiste de réparer ta caisse gratos en échange de l’inscription de son nom sur le pare-brise...
Je ne sais pas trop... D’un autre côté, faut être réaliste, il y a aujourd’hui tellement de musiciens autoproclamés qu’il serait ridicule de vouloir rétribuer tout le monde... ce qui est frustrant, c’est juste de ne pas avoir les moyens de sortir de beaux objets.
Je suis un peu à part sur ce coup là, je ne cherche pas à gagner de l’argent avec la musique. Le fait que je gagne ma vie par ailleurs me permet de rester totalement libre et sans doute aussi, nourrit mes envies de création...
J’veux pas d’thunes, juste de l’amour.

- Un disque à écouter sous les cendres ?

Rusconi - Revolution.



Une dernière surprise pour la route


Celle-ci est de taille, et nous vient tout droit du futur EP Claude Pélieu, sur un texte du poète "beat" du même nom décédé il y a tout juste 10 ans. Et en parlant de beats, ceux du morceau-fleuve en question se cherchent au gré des strophes du texte d’Indigo Express, de ses errances enfumées et de ses rêves de renaissance... un must :


Quant au morceau composé par lufdbf pour notre compilation, il s’intitule Un chien noir se rue sur le monde et vous le découvrirez très bientôt !



Quelques liens utiles


lufdbf sur IRM - Site Officiel - Bandcamp - Facebook


A écouter et télécharger librement :


-  Clouds et Clashes, les deux premières parties de notre compilation - qui en comptera trois.




A lire également dans notre série :


- Interview sous les cendres - 1/ Tapage
- Interview sur un nuage - 1/ Arno Mori
- Interview sur un nuage - 2/ Fuji Kureta
- Interview sous les cendres - 3/ Cyrod Iceberg
- Interview sur un nuage - 3/ Richard Kapp
- Interview sous les cendres - 4/ William Ryan Fritch (aka Vieo Abiungo)
- Interview sur un nuage - 4/ Y. K L Ei N
- Interview sous les cendres - 5/ Nicolas Godin (aka Shape2)
- Interview sur un nuage - 5/ 7even Sun
- Interview sous les cendres - 6/ Christ.
- Interview sur un nuage - 6/ Aodhán O’Reilly
- Interview sur un nuage - 7/ Dog Bless You
- Interview sous les cendres - 7/ Stormloop
- Interview sur un nuage - 8/ Trivo


Interviews - 06.11.2012 par RabbitInYourHeadlights


Le streaming du jour #1112 : lufdbf - 'Drei' & 'Pélieu'

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