Interview sur un nuage - 8/ Trivo
Les plus fidèles de nos lecteurs auront certainement remarqué des messages subliminaux distillés ces dernières semaines sans ostentation dans nos pages, concernant un ambitieux projet prévu pour les fêtes de fin d’année. Coupons court au mystère, si ce n’est au suspense : il s’agit d’une compilation, entièrement composée de morceaux inédits que nous ont gracieusement offerts un certain nombre d’habitués des colonnes d’IRM. Et... c’est tout pour le moment ! Vous en saurez plus très bientôt en suivant les petits cailloux que la rédaction sèmera à raison de deux interviews par semaine, agrémentées d’énigmes et de surprises, jusqu’à la mise à disposition de l’objet. Une invitation à vous familiariser avec l’univers de nos contributeurs de tous horizons géographiques et musicaux, en espérant qu’ils vous surprennent et vous enthousiasment autant que nous.
L’excellent Emoterapia, premier essai discographique de Rocco Triventi, alias Trivo, avait mis quelques années avant d’arriver jusqu’à nous. Pour Magnitudo, puisque tel devrait s’appeler le nouvel album du natif de Foggia, c’est promis, nous serons plus réactifs au moment de le relayer dans nos colonnes. Dans l’intervalle, ce discret fan de Lou Barlow, Sparklehorse ou Eels a des choses à raconter sur sa pratique. En attendant le génial - et déroutant - Planck qui figurera sur la compilation d’IRM.
L’interview
IRM : Y a-t-il deux ou trois choses que nos lecteurs devraient savoir de toi avant d’écouter la compil’ ?
Trivo : Eh bien, oui... Je ne suis pas un vrai musicien. J’adore juste mélanger et faire exploser les sons et les mots.
Qu’est-ce qui t’a décidé à prendre part à ce projet ?
Plusieurs choses : l’honneur d’être choisi, la possibilité de faire partie d’un projet international et le thème qui m’a inspiré très rapidement.
Si tu devais décrire ta contribution en une phrase ?
J’avais une vague idée issue des sessions d’enregistrement de mon futur album. Ce n’était pas mauvais, mais j’avais besoin d’une clé pour la déverrouiller.
Alors, un jour, je lisais un article sur la physique quantique et j’ai découvert que le plus petit intervalle de temps mesurable était appelé "Planck", du nom du physicien Max Planck. J’ai adoré jouer avec la notion de temps, en insérant le seul mot "planck" pour marquer le tempo du morceau (en italien, nous utilisons le même mot "tempo" pour "temps" et pour "tempo").
J’ai réalisé qu’une période de temps si petite ne signifiait rien pour nous les humains, mais peut-être, pour quelqu’un là-haut dans les nuages, cela pourrait avoir un sens.
Tu as composé la musique de Perchè La Cattiveria è Enorme en essayant de jouer Today des Smashing Pumpkins. Quelle influence les artistes que tu aimes peuvent-ils avoir sur tes compositions et qui sont-ils ?
Cool. J’ai grandi en essayant de voler les secrets de Corgan, Vedder, Cobain, Staley, Mr. E, Linkous ou Beck... mais je n’ai jamais cherché à les imiter. J’essayais juste de comprendre comment je pourrais utiliser leurs enseignements dans ma musique, à ma façon et selon mes goûts, car je sentais que nous avions le même besoin de nous ouvrir au monde et qu’ils avaient acquis une crédibilité certaine.
J’appelle cela l’enseignement implicite. Par exemple, si j’avais aimé la distorsion de la guitare de Corgan, je n’essayais pas d’obtenir le même son, mais je cherchais un son qui enrichirait mes paroles avec une force similaire à celle que Mr Corgan avait trouvée.
Peux-tu nommer quelques uns de tes compatriotes dont les productions sont particulièrement intéressantes ?
Cette question me met légèrement en difficulté car je n’écoute pas beaucoup de musique italienne contemporaine. Je sais qu’il y a une scène très active en matière d’indie-rock, et qu’il y a une autre scène tout aussi active dont les membres détestent la scène précédente...
Il y a des groupes et des artistes qui font l’objet d’un culte, sont populaires et le méritent peut-être. Parfois, j’aime écouter I Bachi da Pietra, Iosonouncane, Above the Tree, Unorsominore, Mapuche, Babalot, Daniele Brusaschetto, Calogero in Candela, Ovo, Edda, Humpty Dumpty...
Ton album est en téléchargement libre depuis ta page Myspace et il suffit de payer trois euros pour une version physique. Peux-tu détailler ce que tu penses de la musique gratuite ?
En ces temps de crise, qui peut dépenser 8 ou 10 euros pour l’album d’un néophyte ? J’ai décidé de mettre mes enregistrements en téléchargement libre, et cela durera aussi longtemps que j’enregistrerai à la maison.
Plusieurs légendes te concernent. Il se dit que tu as perdu la majorité des enregistrements avant de finaliser Emoterapia et que cet épisode a modifié la direction de l’album. Il se dit aussi que tu as écrit une centaine de textes pendant ton adolescence et que tu comptes les utiliser entièrement avant d’en écrire de nouveaux. Tout cela est-il vrai ?
Oui, tout ceci est vrai. J’ai failli tout abandonner, mais finalement, j’ai repris tous les enregistrements depuis le début avec une intensité double. Peut-être n’utiliserai-je pas autant de textes que ça, mais beaucoup de mélodies... si je retrouve toutes les démos !
Peux-tu nous parler de l’artwork d’Emoterapia ? Intriguant, il décrit pleinement la direction prise par ton son lo-fi. Qui en est l’auteur ?
J’en suis l’auteur. J’ai pris quelques photos autour de moi avant de les éditer sur Photoshop en les mêlant aux textes des chansons de manière aléatoire. La pochette représente un pied de mon père sur son lit d’hôpital et un autre patient en train de nous regarder. J’ai dessiné une tête d’éléphant car je n’aimais pas sa tête. Et puis, j’ai décidé que ce serait une chouette pochette d’album.
Obsession, dépendance, schizophrénie : Emoterapia utilise le champ lexical de la psychose et des addictions. Cela est-il volontaire ?
Je n’ai jamais essayé les drogues et je n’ai jamais fumé de ma vie. Je ne pense pas avoir de sérieuse addiction - à part le café -, je suis un peu étrange mais pas schizophrène. Donc tout ce que j’écris n’est que pure empathie. Nero parle des troubles alimentaires mais je n’ai jamais rien expérimenté de ce type. Je me suis senti très proche de ceux qui sont moins chanceux que moi et j’ai essayé de donner une voix à leurs tourments.
Il y a trois ans, tu disais qu’Emoterapia pourrait être le premier et dernier album de Trivo. As-tu retrouvé le plaisir de jouer ?
Planck n’est qu’une mise en bouche avant mon nouvel album qui sortira au début 2013. J’ai enregistré vingt nouveaux morceaux en 2011/2012 qui agrémenteront le nouvel opus intitulé Magnitudo. J’espère que tu l’aimeras autant qu’Emoterapia !
Quelques liens
English version
IRM : Are there a few things that our readers should know about you before listening to the compilation ?
Trivo : Well, yes... I’m not a real musician... I just love to mix and explode sounds and words !
What made you decide to take part in this compilation project ?
Different things : the honour to be chosen, the chance to be part of an international project and the theme that soon inspired me.
If you had to describe your contribution in one sentence ?
I had a kind of idea recorded from the session of my next album, so it wasn’t bad, but it needed a special key to be opened.
So, one day, I was reading an article about quantum physics, and I discovered that the shorter measurable interval of time had taken the name of "Planck", from the physicist Max Planck. I enjoyed playing with the scan time, by inserting only one word "planck", to mark the tempo of song (in italian we use the same word "tempo" for "time" and for "tempo").
Yes, I realized that a period of time so short that for us humans does not mean anything, but maybe, for someone up there in the sky could have sense.
You composed the music of Perchè la cattiveria è enorme trying to play Today from Smashing Pumpkins. What is the influence of the artists you like on your own music and who are these influences ?
Cool. I grew up trying to steal secrets from Corgan, Vedder, Cobain, Staley, Mr. E, Linkous, Beck... but I never wanted to mimic them, I just tried to figure out how I could put their teachings into my music, with my means and my taste, because I felt that we had the same need to open up to the world and they had succeeded remain credible.
I call it "the implicit teaching." For example, if I liked the distortion of Corgan’s guitar, I was not trying to get the same sound, but I was looking for a sound that enhances the words I was saying with a similar force that Mr Corgan had found.
Could you tell us some names of your compatriots whose productions are particularly interesting ?
This question makes me a bit in trouble because I’m not a big listener of contemporary Italian music. I know there is a very active scene of indie-rock, and there is a scene as active as those who hate those of the previous scene... There are bands / individuals who have a cult following, are successful and maybe they have some merit and sometimes I like to listen to : I Bachi da Pietra, Iosonouncane, Above the Tree, Unorsominore, Mapuche, Babalot, Daniele Brusaschetto, Calogero in Candela, Ovo, Edda, Humpty Dumpty...
Your album is available as a free download from your myspace and you’re only asking for 3 euros for a physical version. Can you explain us what you think about "free" music ?
In these time of crisis, who could spend 10/8 euros for a record of a newcomer ? I decided to put my records always in free download, as long as will record at home.
Several legends concern you : some say that you lost a lot of digital recordings before finalizing Emoterapia and this episode changed the direction of the album. Some also say that you wrote a hundred lyrics during your teenage years and accounts to use them all before writing new ones. Is that true ?
Yes, it’s all true... I was giving up everything, but then I went back to recording from the beginning all the lost parts with a doubled intensity. Maybe I will not take so much lyrics, but many music and melodies... if I could find all my demotapes !
Can you talk about the artwork of Emoterapia ? Intriguing, it perfectly sums up the direction taken by your lo-fi music. Who is the autor ?
I am the author. I did some shots around my world and then I edited them with photoshop mixing the lyrics of the songs in random mode. The cover depicts a foot of my father on the hospital bed, and another patient who was watching us. I drew a face of elephant because I did not like his face ... I decided it would be a nice cover for the album.
Obsession, dependences, schizophrenia : Emoterapia deals with lexical fields of psychosis and addictions. Was it a deliberate choice ?
I’ve never tried drugs and I’ve never smoked in my life, I do not think I have any serious addiction (coffee perhaps), I am a bit strange but I’m not schizophrenic... so everything I wrote was only for empathy. Nero is about eating disorders but I’ve never had anything like it. I felt very close to those who are less fortunate than me and I have tried to give voice to their torments.
Three years ago, you said Emoterapia could be the first and last album from Trivo. Did you find again the pleasure of playing ?
Planck is just a little taste of the new album that will be released in early 2013. Yes, I recorded about 20 new songs between 2011/2012 that will fill the new work named Magnitudo... and I hope you will enjoy it as Emoterapia !
A écouter et télécharger librement :
Clouds et Clashes, les deux premières parties de notre compilation - qui en comptera trois.
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