2012 côté metal

Encore un cru metal qui s’achève dans le sang, avec ce bilan 100% brutal, glauque et déliquescent dont vous êtes désormais coutumiers et duquel se désolidarise automatiquement une bonne moitié de la rédaction d’IRM. Même principe que la dernière fois à quelques exceptions près : pas de limitation concernant les disques instrumentaux, règle implicite que nous n’avions de toute façon pas su respecter l’an passé, et surtout 20 choix au lieu de 15, ou plus précisément 23 puisque pour le dernier chacun y est allé de son coup de cœur perso en conclusion d’un tronc commun rangé par ordre alphabétique. C’était ça ou terminer en guerre des tranchées, et on était déjà trop occupés à soigner nos tympans encore convalescents d’avoir tant saigné et souffert de plaisir masochiste au cours de ces 12 mois riches en déflagrations et en tension larvée.


Les 19 lauréats



Aluk Todolo - Occult Rock

Occult Rock, c’est bien plus que du metal. D’ailleurs, on ne sait pas trop ce que c’est. C’est un peu tout et un peu rien : des bribes de black, une pincée de noise, des bouts de krautrock copieusement arrosés d’un psychédélisme porté sur on ne sait trop quelle drogue. Pas du genre de celles qui font rire, plutôt celles qui rendent paranoïaque et font voyager haut et loin. Explorant consciencieusement toutes les facettes du spectre de l’agression (pas toujours frontale) et de la noirceur, avec cet album, Aluk Todolo ne commet pas moins qu’un monument.

(leoluce)


Amenra - Mass V

2012 aura été l’année de la consécration pour Amenra avec la sortie du très attendu Mass V sur le très prestigieux label Neurot Recordings avec rien de moins que Billy Anderson (Eyehategod, Neurosis, Melvins, Sleep, Swans, ...) derrière la console.
Liturgique, magistral et désespéré, Mass V est comme une exhortation à adhérer et faire pénitence au sein de la très obscure Church of Ra.

(nono)


Ash Borer - Cold Of Ages

En attendant très prochainement chez Gilead et Psychic Violence l’EP Bloodlands (de 35 minutes tout de même) que le combo d’Arcata nous annonce plus brut et atmosphérique à la fois, il fait bon se replonger régulièrement dans les eaux troubles aux méandres volontiers agités de ce deuxième véritable album des Californiens. Sorti chez Profound Lore, ce Cold Of Ages marque la consécration d’un groupe ambitieux, dont les compos martiales et versatiles alternent crescendos climatiques et pics de frénésie tout en martèlement fébriles et en hurlements d’animal blessé perdus dans le lointain. Du black épique et désolé comme on aime.

(Rabbit)


ASIDEFROMADAY - Chasing Shadows

Le disque bulldozer de cette sélection est assurément l’œuvre du quintette de Besançon, dont le postcore gagne en précision et en densité sur ce troisième opus massif aux riffs orageux et aux fûts percutants. Un véritable rouleau-compresseur post-metal en plus braillard, bénéficiant d’une puissance d’exécution rare.


(Rabbit)


Aussitôt Mort - Nagykanizsa

Sur Nagykanizsa, Aussitôt Mort nous dévoile son côté le plus sombre et torturé. Un album tourmenté aux guitares suppliciées et aux rythmiques telluriques. Une très bonne surprise de 2012 et l’album riche et convaincant d’un groupe parmi les plus intéressants de la scène française actuelle.


(nono)


Converge - All We Love We Leave Behind

Personnellement, je n’attendais plus rien de Converge, trouvant que le groupe restait campé sur une même formule depuis ses derniers albums. Formule qu’ils maîtrisaient certes à la perfection mais dont l’application consciencieuse éloignait la moindre surprise. C’est peu dire que j’ai été bien étonné d’apprécier All We Love We Leave Behind. Parce que, franchement, rien n’a changé. Ou si peu. Simplement dira-t-on que l’expertise patiemment bâtie au fil du temps permet aujourd’hui à Converge de faire tout ce qui lui plaît et d’injecter force variété dans son hardcore metal toujours des plus carrés mais qui y gagne en densité.

(leoluce)


Cowards - Shooting Blanks And Pills

Sorti sur Throatruiner Records, un label qui nous surprend de plus en plus, Shooting Blanks And Pills est le premier album des Parisiens de Cowards.
Le groupe cultive un hardcore sludge crasseux, malsain, malodorant, brutal, sombre, lourd, nauséabond et sans concessions. L’atmosphère polluée et désespérée qui suinte tout le long de chaque morceau a été mon exutoire de l’année. Hautement recommandé.


(nono)


Eagle Twin - The Feather Tipped The Serpent’s Scale

Avec The Feather Tipped the Serpent’s Scale, Eagle Twin nous offre un concept album chamanique et halluciné, mélange d’incantations effarées et de sludge poussiéreux.
Une heure de riffs massifs et interminables, de rythmiques monumentales et de vocalises gutturales.
Un album bestial et délirant, hors de question pour vous de zapper ce monument de l’année 2012.

(nono)


Eryn Non Dae - Meliora

Agressif, dense, d’une profondeur et d’une noirceur abyssales, Meliora poursuit la voie de son prédécesseur, Hydra Lernaïa, déjà des plus impressionnants. En développant des plages plus apaisées mais non moins inquiètes que le groupe injecte avec force dans son metal massif et technique en diable, Eryn Non Dae crée une dynamique montagne russe alternant uppercuts et transe ouatée qui décuple son pouvoir de sidération déjà important et impressionne carrément.

(leoluce)


Horseback - Half Blood

Où il sera question de transe. Une transe basée sur la répétition. D’un motif de guitare, d’une boucle d’orgue fureteuse, d’un mouvement percussif resserré, d’une nappe contemplative, voire d’un cri. Un cri qui semble venir de loin et qui tranche avec l’americana baroque et solaire qui l’accompagne. Car Horseback s’appuie sur les contrastes et si sa musique suit les rivages désertiques et asséchés foulés aux pieds par Earth avant lui, sa voix, elle, rappelle bien plus un Xasthur. Curieux mélange qui repousse autant qu’il enveloppe. Belle transe qui sait mettre mal à l’aise.


(leoluce)


Kadavar - s/t

Débarqué tout droit d’une faille spatio-temporelle avec les 70’s, digne héritier de Black Sabbath, Led Zep et Hawkwind, Kadavar s’écoute fort sous la lumière tamisée d’une lava lamp à l’arrière d’un vieux van aménagé en baisodrome.
Wolf, Tiger et Mammut (non vous ne rêvez pas) ne révolutionneront pas le rock, mais ils nous rappellent à grands coups de fuzz les racines du rock occulte des 70’s. Un disque complètement illuminé pour un plaisir intense et enfumé garanti à 100%.

(nono)


Krallice - Years Past Matter / ( Dysrhythmia - Test Of Submission )

Colin Marston fait parti des musiciens metal les plus cités dans nos pages, déjà bien placé dans notre top 2011 avec Diotima. Il réitère non seulement l’exploit de figurer dans celui de 2012 mais avec cette fois deux albums : Years Past Matter, confirmant tout le bien que nous pensions du black metal ravageur et jusqu’au-boutiste de Krallice et Test of Submission, qui ne manquera pas d’élever Dysrhythmia au rang des monuments de l’instrumental déstructuré et distordu, techniquement implacable, atypiquement jouissif.


(Riton)


Lento - Anxiety Despair Languish

Garants de la section "gros son" du catalogue de Denovali, aux cotés d’Omega Massif, Switchblade ou encore Celeste, les italiens de Lento n’auront pas mis longtemps avant d’offrir un petit frère à l’excellent Icon (2011). Anxiety Despair Languish permet au groupe d’exposer une fois de plus ce qu’il a dans le ventre : un post-metal instrumental varié entre violence et majesté, à l’ambiance torturée et immersive, toujours plus surprenant au détour de chaque riff. C’est encore un sans faute !

(Riton)


Nihill - Verdonkermaan

Nouvelle récidive du gang hollandais qui racle encore un peu plus les ténèbres de son black metal ambient aux riffs dissonants et abrasifs. Verdonkermaan est un tel concentré de haine et de noirceur qu’il ferait passer la fin du monde pour un simple coucher de soleil.


(Riton)


Old Man Gloom - NO / ( Split Cranium - s/t )

Alors que le label Hydra Head est à l’agonie, son fondateur Aaron Turner n’a jamais été aussi inspiré et créatif. On pourrait citer l’étrange Black Curtain de Jodis ou l’insolite split avec Locrian au sein de Mamiffer mais ce sont les albums NO d’Old Man Gloom et l’éponyme de Split Cranium qui nous auront le plus marqués cette année.
Ces deux albums nous ont apporté à eux seuls notre dose annuelle déconseillée d’angoisse claustrophobique et de terreur viscérale. Deux très grandes réussites.


(nono)


Pig Destroyer - Book Burner

Stupeur et tremblements au pays de Scott Hull et de sa bande ! Dès le sample d’intro et les premières notes, le temps passé à se demander si la parenthèse doom Natasha (2008) aura laissé des séquelles se transforme rapidement en cramponnement obligatoire : un grindcore pur jus, sismique, plus léché que ses prédécesseurs mais tout aussi rageur et défouloir.


(Riton)


Pigs - You Ruin Everything / ( Unsane - Wreck )

Il fallait bien une entorse. Ce sera celle-là. Pas de metal ici. Du noise-rock. Un point commun : Dave Curran et qu’importe le nombre de cordes qu’il maltraite, qu’elles soient six chez Pigs ou quatre chez Unsane, on retrouvera toujours son sens aigu de la simplicité et de l’abrupt.
Derrière sa somptueuse pochette, You Ruin Everything correspond exactement à son titre et se meut avec la grâce d’un éléphant qui court un cent mètres. Un noise-rock ultra-efficace et extrêmement jubilatoire.
Unsane, quant à lui, reprend exactement les choses là où il les avait laissées avec tous ses albums précédents tout en ménageant quelques respirations assez inédites (Stuck, Decay) qui ne manquent pas d’interloquer. Il n’en reste pas moins qu’il fallait un espace pour en parler car pas de bilan 2012 sans ces deux-là.


(leoluce)


Scythling - Smokefall / ( Nadja - Dagdrøm )

A force de méditations guitaristiques ou de jams semi-improvisés, on était à deux doigts de se demander s’il restait encore en Aidan Baker quelque chose de cet apôtre doom ambient si souvent imité et rarement égalé. Plutôt que de Nadja et d’un Dagdrøm sous perfusion shoegaze aux murs de son plus nébuleux et feutrés que jamais, c’est de Scythling qu’est venu la réponse, duo avec le guitariste de Bloody Panda Josh Rothenberger qui déroule ses atmosphères lourdes et crépusculaires sur trois titres hors-format de doom insidieux et hanté, ménageant quelques respirations plus élégiaques au gré des déluges de saturations et des chœurs de succubes. Imposant !


(Rabbit)


Ufomammut - Oro : Opus Primum / Oro : Opus Alter

L’apocalypse selon nos alchimistes transalpins favoris tient en deux actes, déclinés chacun en autant de vidéos qu’il y a de morceaux-fleuves sur ces deux manifestes de doom mastondique et non dénué pour autant d’une certaine finesse d’évocation : d’un côté Opus Primum et ses crescendos opaques irradiés d’une rage sourde, de l’autre Opus Alter et ses jams diluviens aux riffs dévastateurs, deux faces d’une même médaille marquée du sceau d’un psychédélisme obscur et pesant qui change le plomb en or.

(Rabbit)


Haro sur le 20ème



- Le choix de leoluce : Om - Advaitic Songs

Je vous vois venir : c’est pas du metal ! Oui, c’est vrai mais alors, qu’est-ce que c’est ? C’est avant tout un disque qui m’a demandé du temps. Non pas qu’il soit difficile à cerner ou que sa construction s’avère tellement complexe et opaque qu’il faille encore et encore répéter les écoutes pour simplement savoir si on l’apprécie ou pas. Non, rien de tout ça ici. L’adhésion est venue dès la première écoute et l’architecture de ces cinq titres est même assez simple : des accents liturgiques charriés par une psalmodie mystique, des violons élégants, une basse toujours omniprésente et des roulements de tambours secs et véloces... Peu ou prou la même formule que depuis quelques disques donc. Non, s’il m’a fallu du temps, c’est que j’étais parti en errance aux côtés dAdvaitic Songs et que j’ai mis du temps à redescendre, coincé trop longtemps là-haut avec lui. Je n’en suis d’ailleurs toujours pas redescendu.


- Le choix de nono : Jason Van Gulick - Entelechy

En véritable virtuose, Jason Van Gulick a su, pour son premier album solo, transcender les genres pour créer un univers personnel et torturé. Ma révélation de l’année 2012.



- Le choix de Riton : Gnaw Their Tongues - Eschatological Scatology

Avec un titre et un artwork aussi poisseux et malsain, pas étonnant que le dernier album de l’hyperactif Maurice de Jong (Gnaw Their Tongues mais aussi Seirom, Aderlating, Cloak of Altering...) suinte autant de tous les côtés. Depuis 2006 et Spit at Me and Wreak Havoc on My Flesh , Gnaw Their Tongues a beau avoir déjà bien parcouru les méandres de la perversité à la sauce black-drone, ce n’est jamais aussi bon que quand il se remet en selles. Grandiose et inconfortable !


- Le choix de Rabbit : Love Sex Machine - s/t

Après la scatologie, on termine sur une touche de sexe brutal confinant à la nécrophilie avec ces Lillois dont le sludge érotico-sataniste aux deux tiers barbu (dixit leur Bandcamp) ne s’embarrasse pas vraiment de galanterie : c’est violent, retors, dérangeant, massif et sans pitié, autant dire que quand le label Throatruiner joue les Gorge Profonde il ne fait pas les choses à moitié !