2017 dans l’oreillette - Best albums pt. 3 : 80 à 71

100 albums en 10 parties, pour renouer avec ma formule chronophage des années 2014 et 2015, car après 30 EPs il fallait au moins trois fois ça. Et surtout parce que quand on aime, on ne compte pas, et qu’il n’y a finalement pas une différence fondamentale dans mon cœur entre, mettons, le 50e et le 100e de cette sélection, simple question d’humeur et d’envie du moment.

Le fait est que tous ces choix, et même une dizaine d’autres laissés de côté pour des raisons de symétrie, m’ont fasciné, touché et marqué de diverses façons, d’écoutes-expériences dont je laisserai l’effet s’estomper quelques mois voire même quelques années avant d’y revenir en quête du plaisir intact de la (re)découverte, en albums-compagnons qui ont su chauffer ma platine virtuelle à intervalles réguliers. Un point commun toutefois dans cette troisième série, un éloge de l’épure et du jusqu’au-boutisme stylistique avec des albums dont l’indiosyncrasie naît en embrassant les gimmicks d’un genre pour mieux en faire tomber les murs.




80. 7’Rinth - Multiple Armz (Autoproduction)




7’Rinth au micro, Zen Studentz à la production, deux incarnations d’un même sorcier bricolo de l’underground new-yorkais dont Spoutnik vous parle bien mieux que moi ici. Minimaliste et distordu (DNT DIE, BLASTED OFF), hanté par des chants de sirènes samplés de chœurs baroques (LABYRINTHHEADEDHEATHEN, ou le fabuleux DNT OD NERA), ce monument de concision lo-fi aux faux-airs de Wu-Tang Clan déliquescent (SLEEPSPELL REMIX, DEAD SAGE 9) fait du hip-hop DIY un art de la subversion des sens, distillant ses atmosphère anxiogènes de froideur urbaine et de désolation des âmes entre deux glauqueries plus belliqueuses, telles que le japonisant MUSASHIMOONBABBLE, le menaçant CLOCK TOWER BRICKZ ou l’insidieux SUICIDAL ORPHANZ avec Menes the Pharaoh, qui via ces trois featurings habités rend la pareille à celui qui apparaissait l’an dernier sur un titre de son excellent Party in a Pyramid.




79. Jay-Jay Johanson - Bury the Hatchet (29 Music)




Même sur les meilleurs albums du Chet Baker suédois aux plus de 20 ans de carrière, en tête desquels pour moi le superbe Self-Portrait de 2009, il y avait toujours un morceau qui sortait du lot et me bouleversait tout particulièrement (citons She Doesn’t Live Here Anymore, Make Her Mine ou The Beginning of the End Of Us pour ses trois sorties qui m’ont le plus marqué cette dernière décennie). Cette fois, signe de maturité peut-être, malgré le superbe From Major to Minor et sa batterie à la Talk Talk de Laughing Stock ou le Paranoid d’ouverture qui symbolise au mieux le talent du songwriter au seuil de la cinquantaine pour le mélange des genres (trip-hop, pop et jazz notamment) et pour l’évocation de ces phases de crépuscule relationnel dont il semble malheureusement coutumier, rien ne surnage vraiment et c’est tant mieux. Car ce nouvel opus dans son entier est un bijou, des ballades rétro faussement easy listening November et Wreck qui le rapprocheraient presque d’un Biolay à son meilleur, aux syncopés et troublants She’s Almost You, Snakes in the Grass et Nightmares Are Dreams Too, en passant par les intimistes Bury the Hatchet et Advice to My Younger Self ou les instrumentaux pianistiques au spleen épuré qui les entrecoupent.






78. Pedestrian - unIndian II (Black Box Tapes)




"Après 12 ans d’absence, le con-fondateur le plus méconnu du label Anticon revient aux affaires avec une suite inattendue à son UnIndian Songs : Volume 1 qui perpétue ses réflexions sur la mort et la transmission en recyclant, déconstruisant et réorganisant des bouts de morceaux et d’interventions au micro par Sole, Jel, Odd Nosdam, Josiah & Yoni Wolf de Why ?, Walter Gross ou encore Bomarr et Telephone Jim Jesus des Restiform Bodies, poussant dans ses retranchements l’esprit de collages post-modernes parsemés de références old school de l’opus précédent et culminant sur le quart d’heure fantasmagorique du final Songs Not Songs aux méditations ambient liturgiques et crépitantes. Unique !"


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77. Dodecahedron - Kwintessens (Season of Mist)




Le projet parallèle du vocaliste de Nihill n’a rien perdu de sa sauvagerie sur ce 2e opus toujours défendu par Season of Mist, qui a également publié l’an passé la première réalisation des excellents Ulsect où se démènent dans une veine plus atmosphérique et rampante deux autres membres de ce combo néerlandais. Toutefois, depuis l’éponyme d’il y a 5 ans, ce qui apparaissait alors comme une récréation cathartique pour Michiel Eikenaar s’est mu en une véritable monstruosité tentaculaire dont le black metal, brutal et frénétique mais également d’une densité impressionnante, irradie de volutes malfaisants pour mieux souiller et convertir aux ténèbres tout ce qui passe à sa portée, jusqu’à un final lovecraftien au dark ambient profondément malsain.




76. Gas - Narkopop (Kompakt)




"A l’inverse du rêveur voire même par moments presque lumineux Pop, dernier opus avant la mise en sommeil du projet de l’Allemand pour près de 17 ans, les textures de ce cinquième long format forment un brouillard bien plus déliquescent que bucolique (Narkopop 1 et 4), usant plus ouvertement que jamais de ces samples de musique classique que Wolfgang Voigt aime à triturer jusqu’à l’abstraction (Narkopop 2, symphonie ambient-techno en apnée de plus de 11 minutes qui semble convier Debussy à une lente asphyxie), pour un résultat particulièrement hanté (Narkopop 8 et 9) en dépit de quelques passages aux synthés plus "lyriques" (Narkopop 6). Gas est devenu un genre à lui tout seul, creusant son sillon loin des tendances et des idées reçues."


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75. Alder & Ash - Clutched in the Maw of the World (Lost Tribe Sound)




Entre l’austère mélancolie des cordes néoclassiques, la tension sourde des percussions et les crescendos d’un folklore violoneux aux stridences et saturations menaçantes, Adrian Copeland confirme ici chez Lost Tribe Sound tout le bien que l’on pensait de son autoproduit Psalms for the Sunder de l’année précédente, le Montréalais faisant preuve d’une économie de moyens qui n’a d’égale que l’intensité de ces compositions navigant quelque part entre les univers de William Ryan Fritch et de Jasper TX. Autant dire que l’on vous promet quelque chose d’assez exceptionnel pour son morceau Twin Peaks à paraitre bientôt sur l’un des trois volets restants de notre compilation, le 15e, entièrement dédié à Laura Palmer.




74. Jute Gyte - Oviri (Autoproduction)




Des chorales de riffs décadents, du grunt vindicatif, des arpèges déliquescents de guitare ambient aux effets chamaniques ou même du no man’s dark ambient grouillant et déboussolant d’un final à la croisée de Coil et de John Carpenter, difficile de dire ce qui est le plus déglingué chez l’ultra productif Adam Kalmbach qui se cache derrière ce projet, sorte de Primus tabassé à coups de rangers cloutées dans une ruelle malfamée d’Oslo qui aurait viré black metal pour mieux se mêler à la faune locale et fomenter sa vengeance. Ce qui est certain par contre, c’est que cet Oviri est un digne successeur de l’excellent Perdurance de 2016, encore plus démesuré du haut de ses 75 minutes et sans doute encore plus fatigant pour les non-initiés, qui devront être d’humeur dissonante pour apprécier la découverte.




73. 36 - Black Soma (3six Recordings)




Avec ce dernier album en date, le Britannique Dennis Huddleston met le holà sur les influences synthétiques trop prégnantes de ses sorties précédentes pour revenir à ce qu’il sait faire de mieux, ces majestueuses nappes ambient élégiaques caractéristiques de sa période faste de la première moitié des 00s (Black Halcyon, Black Cascade), délicates vagues stratosphériques semblant charrier sur Black Soma ou Black Sleep les réminiscences symphoniques d’un orchestre stellaire dont la lumière nous parviendrait avec quelques millions d’années de retard. Cette fois, les synthés s’incorporent à l’ensemble de façon moins ostentatoire (Black Sun, Black Shore), donnant même à Black Future ou encore au final du superbe Black Sustain des allures de mélancolie SF à la Blade Runner.




72. Balmorhea - Clear Language (Western Vinyl)




Une grâce toute pastorale émane des compositions post-classiques veloutées de ce nouvel opus des Texans, dont les élans - des cordes frottées (Clear Language), résurgences électroniques (Behind the World, Sky Could Undress) et autres chœurs éthérés (First Light) - se font plus mesurés que sur leurs premières sorties post-folk ou bien sûr leur plus dynamique et Tortoise-ien Strangers. Pour autant, le duo d’Austin ne renoue pas complètement avec la relative austérité méditative du chef-d’œuvre Constellations et si Clear Language est comme son nom l’indique un modèle de clarté, c’est justement parce que Rob Lowe et Michael Muller, qui étaient pourtant en passe de mettre un point final au projet avant de se décider à enregistrer ce sixième opus, semblent avoir trouvé ici et en formation resserrée comme sur 55 ou All Flowers l’équilibre parfait entre mélancolie, lyrisme et sérénité - voire même quelques jolies interférences noisy (Ecco).




71. Rafael Anton Irisarri - The Shameless Years (Umor Rex)




Un cran au-dessus de son A Fragile Geography d’il y a deux ans, ce nouvel album du droneux new-yorkais impressionne finalement moins pour ses imposants murs de vapeur opaque que pour la mélancolie presque rétro-futuriste des mélodies qui les sous-tendent avec une paradoxale clarté romantique digne de Badalamenti sur la première moitié du disque (Indefinite Fields et RH Negative en tête), pour en faire une sorte d’équivalent mythologique voire carrément glorieux (Bastion) à l’album de 36 classé deux places plus bas.