L’horizon 2018 de Rabbit - cent albums : #60 à #51

On ne va pas se mentir, l’exercice est toujours difficile, surtout quand on écoute 800 albums par an déjà triés sur le volet. Mais chaque année, ça se complique encore un peu... de fil en aiguille, d’une connexion à l’autre, de labels sortis de l’ombre en artistes émergents, les découvertes nous submergent et de nouveaux horizons s’ouvrent à nous, sans pour autant éclipser les précédents. Rien d’exhaustif donc dans la liste qui suit, pas même au regard de ma propre subjectivité, qui souffre déjà de tant de grands disques laissés de côté...




- Part I : #100 à #91
- Part II : #90 à #81
- Part III : #80 à #71
- Part IV : #70 à #61



60. Kira Kira - Alchemy & Friends (Autoproduction)

Notre envoyée spéciale en Islande en parlait fort bien par ici, ce 4e opus de Kira Kira, entourée pour l’occasion d’instrumentistes et arrangeurs tels que Valgeir Sigurðsson, Gyða Valtýssdóttir, Dustin O’Halloran, Hildur Guðnadóttir ou encore Úlfur Hansson est auréolé d’un charme certain qui touche même parfois à la pure magie, de l’électro-pop pianistique de Talk To Your Hands à l’instrumental ambient-jazz Alchemy For The End en passant par les syncopations amniotiques de l’irrésistible petit hymne Alchemy For The Heart, le lyrisme aux cuivres cinématographiques de Pioneer of Love ou le néo-classique texturé du bien-nommé Call it Mystery. Un disque insaisissable aux allures d’opéra ambient (Logandi úlfar) avec tout ce que cela suppose de grandeur, d’introspection et de nuances alchimiques entre les deux !



59. Ævangelist - Heralds of Nightmare Descending (Autoproduction)

Heralds of Nightmare Descending, sixième opus d’Ævangelist, est sorti peu avant un Matricide in the Temple of Omega plus "classique" pour le duo ricain. "On s’y perd ? Un peu comme dans les labyrinthes metal-ambient de ce dernier en fait, sûrement la réalisation la plus insidieuse du groupe à ce jour, noyée sous les couches de guitares distordues et d’effets de voix narcotiques (Narcissus), une sorte de cérémonial d’apocalypse aux rythmiques liquéfiées (Heralds of Nightmare Descending) privilégiant l’angoisse à la violence, sous-produit ce qui sied en fin de compte plutôt bien à leurs crescendos nébuleux ici plus doomesques qu’à l’accoutumée, en particulier sur le final Arcane Flesh Revelation aux 18 minutes d’incantations pernicieuses et de radiations empoisonnées. Souffrez, profanes !"



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58. Amantra vs Submerged - Lost Direction (Kvitnu)

"Sortie surprenante que ce Lost Direction, à la fois pour le très électronique et déstructuré label ukrainien Kvitnu et l’excellent Submerged. Aucun beat en effet de la part de cet adepte de la drum’n’bass la plus hardcore, l’Américain manie ici dombra, sheng et synthé analogique Virus KC, se fondant dans l’inspiration naturellement dark ambient du Français Amantra. C’est en effet ce dernier, officiant aux synthés et autres effets, qui donne le ton sur ces deux instrus-fleuve, offrant l’occasion à son compagnon d’armes d’un renouvellement bienvenu. D’une puissance terrassante, And Then We Started to Disappear voit ainsi ses basses fréquences bourdonnantes gonfler et ses oscillations anxiogènes se démultiplier et monter en célérité pour culminer à mi-parcours dans un déferlement déliquescent et malaisant. Quant à Because We Don’t Need to Breath Anymore, il fait son petit effet de façon plus sournoise et rampante à mesure que s’insinue dans nos synapses ce motif de synthé gothique qui sous-rend les deux tiers du morceau."


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57. Bonzo Speechless & Damien - Aberration (I Had An Accident)

"Sur le bien-nommé Aberration sorti en mars dernier, Bonzo laisse libre cours à son goût pour le bruitisme et l’arythmie en usant de sonorités industrielles et ultra-saturées, émaillant ses frappes massives et implosives de cris d’horreur déformés, de boucles de larsens et de motifs de synthés annonciateurs d’apocalypse... l’une des meilleures pièces du bonhomme en somme. Quant à Damien en face B, son Sikoses est nettement plus audible mais véhicule insidieusement le même genre de malaise, celui d’un mal rampant qui contamine nos synapses à coup de saxo reptilien, de claviers lancinants et de drums libérés de leurs gonds."


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56. The Skull Defekts - The Skull Defekts (Thrill Jockey)

"Ce troisième opus pour Thrill Jockey du quatuor suédois sera aussi le dernier à en croire son leader, le génial Joachim Nordwall. Pas de regrets néanmoins tant cet éponyme, tout aussi halluciné mais plus concis et mordant que le sommet Peer Amid dans la lignée du rentre-dedans Dances In Dreams Of The Known Unknown, plus mélangeur aussi, s’impose d’emblée comme le point d’orgue d’une pléthorique carrière de 40 sorties en 12 ans. Le tribalisme psyché-noise des Scandinaves s’y fait plus délétère (cf. l’entame instrumentale chamanique et larsenisante A Brief History of Rhythm, Dub, Life and Death digne des missives vaudou d’un Cut Hands), plus indus et névrotique par moments (Clean Mind et ses allures de Nine Inch Nails des 90s zébré de riffs sauvages à la Pixies des débuts), plus hypnotique et syncopé à d’autres (l’enfumé The Dance), somme toute encore plus noir et plombé, rivalisant avec les derniers Swans au gré des 9 minutes apocalyptiques aux chœurs féminins vénéneux de Slow Storm."


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55. REiNDEER667 - SiNALOA GUNSHiP WARLORDiSM (Autoproduction)

"Inspiré dans l’esprit par le cultissime Only Built 4 Cuban Linx de Raekwon, SiNALOA GUNSHiP WARLORDiSM flaire bon la fresque urbaine dès son intro aux cordes fatalistes sur fond d’hélicos de la police qui tournoient. Mais Boadicea Podium Desolation Throes avec sa référence à la matriarche celte des chefs de guerre les plus vindicatifs et occultes (rappelons que le rappeur s’affuble désormais sur les réseaux du nom d’Hassan ibn al-Sabbah) montre d’emblée que Reindeer voit plus loin, de la mythologie au détournement des codes d’un genre devenu à ses yeux bien trop aseptisé et peu surprenant, ne véhiculant guère que des fantasmes racoleurs sans idées ni point de vue. Méditation au vibraphone sur un monde en flammes où il est difficile de trouver sa place, While They Fade Away, We Stay manie l’argot latino et un allemand rugueux comme pour conjurer l’agressivité qui nous entoure de toutes parts, le tout aussi cristallin SMOKEY667/REiNDEER131 aux percussions jazzy servant dans la foulée de profession de foi à un artiste en deuil qui a choisi l’art dans une atmosphère de violence dès l’enfance et ne lâche rien en dépit de l’isolement croissant de ses contemporains."


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54. Skee Mask - Compro (Ilian Tape)

"Impossible de s’inscrire en faux contre cette sensation électro de l’année, tant ce deuxième long format permet au jeune Munichois Bryan Müller, fidèle au label du cru Ilian Tape depuis les débuts sur EP de ce nouvel alias il y a 4 ans déjà, d’imposer le formidable équilibre d’une mixture irrésistible. Difficile en effet de mettre une étiquette sur Dial 274 par exemple, radical dans son beat martial et ses infrabasses bourdonnantes comme ses distos cybernétiques et néanmoins presque hédoniste aux entournures lorsque les nappes de synthés vaporeux viennent à affleurer de ce bouillonnement ténébreux. Le successeur du déjà très réussi Shred d’il y a deux ans n’est ainsi pas à un paradoxe près, ressuscitant entre autres avec un art discrètement post-moderne du métissage électronique les vibrations old school mélodiques et avant-gardistes à la fois de Beaumont Hannant ou des premiers Autechre (Via Sub Mids), plus clairs et accrocheurs aux oreilles néophytes que leurs récents chefs-d’œuvre angoissés et déstructurés."


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53. Ari Balouzian & Ryan Hope - Mood of the Era Vol. 1 (Autoproduction)

"L’ex Cliff Dweller s’associe avec un certain Ryan Hope, réalisateur de cet intense clip en burka sur un extrait (She Ran) de l’immense Western Medicine de 2017, pour donner corps à des atmosphères urbaines crépusculaires et déliquescentes de monde sur le déclin (Citrus, ou le flippant Sour Tangerine à la croisée de John Carpenter et Mika Vainio), entre ambient expérimentale (Deceit, Flag, Fungus), électro minimale (Tabouleh, Pesticides), techno-indus tribale (Flesh, Lawyer) et néo-classique post-apocalyptique (Orchids). Complètement inclassable, d’où les adjectifs sans queue ni tête alignés précédemment, et c’est ça aussi qui rend ce Mood of the Era Vol. 1 très prenant."


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52. Anguish - Anguish (RareNoise)

Anguish, c’est donc le nouveau projet (supergroupe ?) du rappeur Will Brooks accompagné de son compère de Dälek, Mike Mare (guitare, électronique, synthés), du pionnier krautrock Hans Joachim Irmler de Faust (synthés, chant), et du noyau dur des Suédois de Fire ! et Fire ! Orchestra constitué de Mats Gustafsson (saxo, électronique) et d’Andreas Werliin (batterie, percus). Ce fut également l’un des derniers lauréats de l’album du mois d’IRM cette année, et pour cause : entre drones dissonants, rap résolu, drums tour à tour tendus, intrigants ou feutrés et le jazz anxiogène de Gustafsson qui s’insinue dans les interstices et autres zones d’ombre laissées vacantes par le flow du MC ricain, Anguish est une ovni de plus dans cette tranche décidément bien mélangeuse de mon bilan 2018, et quel ovni ! Pour le reste je laisse la parole au Crapaud, qui en parle bien mieux que moi.



51. Spain - Mandala Brush (Glitterhouse)

"Entre deux bijoux d’alt-country chorale faisant la part belle aux backing vocals de ses sœurs Petra et Tanya, on pourrait croire sur le papier que Josh Haden est rentré dans le rang, se reposant élégamment sur ses lauriers comme au tournant des années 2000, sans audace ni prise de risque. Il n’en est rien. On entend en effet sur ce nouvel opus des jams folk-rock opiacés aux allures de western halluciné (Maya in the Summer), du pur rock psyché versant atmosphérique élevé à Can et au Pink Floyd des origines ([Rooster † Cogburn]) ou encore une complainte acoustique au fingerpicking délicat où l’accordéon lancinant de Mike Bolger et les cordes poignantes des deux sœurs font merveille (Holly). Plus surprenant encore, GOD Is Love fait fi de la voix suave de l’Américain pour laisser place aux circonvolutions d’une flûte orientale, le mizmar, et au violon nébuleux de Petra Haden sur fond de batterie tantôt chamanique ou carrément free jazz, de basse tâtonnante et de guitare acoustique méditative. Autant de morceaux qui trouvent leur place dans le grand tout du mandala, une figure qui semble ici dédiée à la féminité et plus largement à la vie, comme en témoigne en son centre le symbole de vénus."


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To be continued...


Articles - 02.01.2019 par RabbitInYourHeadlights