2023 en polychromie : les meilleurs albums - #60 à #46

180 albums, car si la frustration demeure de ne pas en citer 100 ou 150 de plus, c’est là que la césure s’avérait la plus supportable en cette année 2023 riche en pépites sous-médiatisées. 180 disques, car le but d’un bilan annuel, de la part d’une publication musicale quelle qu’elle soit, ne devrait pas revenir à montrer que l’on a sagement écouté la poignée d’albums réchauffés que les faiseurs de mode vendus au mainstream le plus racoleur nous ont prescrits, mais bien à faire découvrir des sorties remarquables passées entre les mailles du filet, et comme les plus curieux le savent, ces dernières ne manquent jamais. 180, donc, pour les 180 degrés qui nous séparent, un peu plus chaque année d’ailleurs, des classements de lemmings absolument imbuvables croisés ici ou là.

Non content d’étaler un bilan annuel sur 14 articles (voire probablement 15 histoire de rendre justice à quelques beaux disques oubliés ou sortis trop tard), voilà que l’on passe de 15 à 17 albums dans cette 9e partie du classement des LPs... et puis quoi encore ? La faute à un disque hors classement qui tenait autant de la réédition que de la réinvention [ndlr : et dont on apprend qui plus est après publication de cet article qu’il était en réalité ressorti en 2022... tant pis !], mais aussi à mon indécrottable envie d’en caser le plus possible, au prix de quelques regroupements de projets impliquant les mêmes musiciens...




#60. Tangent - Presence Reverts to Absence

"Sur Presence Reverts to Absence, tous les ingrédients sont réunis pour un grand album d’IDM à une époque où même les simples réussites se font rares dans un genre tristement dominé par l’esbroufe technique et les copiés/collés de faiseurs au savoir-faire inversement proportionnel à l’inspiration : le feeling d’organisme vivant, des morceaux imbriqués qui racontent une histoire et distillent une atmosphère digne de ce nom, un équilibre assez idéal entre l’abstraction souvent abrasive ou pour le moins viscérale des beats et une dimension plus cinématographique, les sonorités électroniques (les clicks & cuts, synthés futuristes, arpeggiators et voix désincarnées) et organiques (le piano aux accents modern classical, les field recordings et autres affleurements noisy), la tension rythmique et une mélancolie presque ambient. Toujours très deep et méditative, la musique de Tangent retrouve ici ses collisions thermodynamiques qui nous étaient si chères mais aussi sa part d’ombre, de quoi accoucher de l’un de ces sommets de science-fiction allégorique dont le duo a le secret."

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#59. Loscil // Lawrence English - Colours Of Air / Lawrence English & Lea Bertucci - Chthonic

Sélections croisées pour le patron du label Room40, qui d’un côté vient perfuser l’ambient aux accents dubtronica du Canadien Loscil du genre d’harmonies texturées instables et mouvantes qu’on lui connaît - une première collaboration entre ces deux géants des musiques expérimentales éthérées, basée sur les enregistrements d’un orgue à tuyaux vieux d’un siècle dans un musée de Brisbane, matériau idéal pour leurs soundscapes majestueux aux reflets d’éternité. Quant à Chthonic, il voit l’Australien triturer à distance les lignes instrumentales (cordes, flûtes et guitare lap steel) déjà singulières de la New-Yorkaise Lea Bertucci, et y trouver matière à d’inquiétantes méditations irradiées, émaillées de basses fréquences caverneuses et de field recordings tempétueux - un album résolument sombre, mu par une inspiration commune puisée dans les tréfonds de la géologie et de ses mouvements impérieux, qu’ils soient violents et menaçants ou quasiment imperceptibles à notre échelle toute transitoire.


#58. Orme - Orme

"On retrouve la fébrilité épurée de cette "post-folk" grave et entêtante aux multiples cordes pincées des guitaristes Simon Chaubard (de Plebeian Grandstand) et Mathieu Felix (bouzouki, guitare portugaise) dont la clarté acoustique le dispute à l’intensité sèche (Couvre feu-la-ville, Apparaîssent les ruines), avec toutefois des sonorités proche-orientales nettement plus marquées que sur Debut EP (Quel nul n’étonne). Car une fois le ton donné, plus sombre et élégiaque ici, par l’introductif Une vaste brume, les percussions boisées d’origine iranienne de Louis L’épée viennent rapidement imposer une dynamique nouvelle, réminiscente quelque part de l’album Moondog 2 du génial Louis Thomas Hardin (De larmes de plomb) : une certaine dimension hypnotique qui n’empêche pas les crescendos de gagner encore en tension aride, sous-tendus par le violoncelle un brin funeste voire par moments presque dissonant de Jeanne Denis, à l’instar de l’impressionnant Désert."

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#57. Andrew Broder - The Show

Album étrangement passé sous les radars, The Show n’est autre que la BO du film du même nom, polar fantastique écrit par Alan Moore, génial scénariste de comics et de romans graphiques, et jamais sorti chez nous. Produit par la filiale ciné du label Lex, on n’est donc pas tellement étonné de retrouver aux manettes l’âme de Fog, Andrew Broder, avec lequel l’auteur de "Watchmen" et "V pour Vendetta" avait déjà bossé sur le projet multimédia The Unearthing dont on parlait ici. Même sans avoir vu le long-métrage en question qui fait l’objet de retours pour le moins inégaux, impossible de ne pas se délecter de cette mixture d’ambient cinématographique aux arrangements de cordes et de cuivres vibrants (Metterton, Walk To Detective, Walk To Library), de musique électronique aussi atmosphérique et percutante (Personal Effects, Herbert, ou dans une moindre mesure These Seas sur lequel Kazu de Blonde Redhead donne de la voix et déçoit quelque peu en rentrant dans le moule d’une pop aux acrobaties vocales calibrées) et, surtout, de hip-hop crépusculaire et tendu à souhait avec des invités non crédités qui auraient pourtant pu à eux seuls multiplier par 10 le succès somme toute restreint de l’oeuvre, toujours disponible en vinyle sur Bandcamp : billy woods et Moor Mother sur l’épique Sleeping Car Porters, ou encore Denzel Curry sur le tribal et virevoltant Bloodrush. À rattraper d’urgence si vous étiez passé à côté.


#56. KHΛOMΛИ - HURT

En bonne place parmi les stakhanovistes de ce cru 2023, KHΛOMΛИ nous a régalés d’une grosse quinzaine de longs formats, que je vous avoue n’avoir pas tous écoutés en dépit de toute ma bonne volonté, le manque de temps n’aidant pas. Pour autant, comme vous en jugerez en le retrouvant un peu plus haut avec une collaboration inédite, en plus de la belle 30e place de l’EP L​Λ​ST ΛSHES avec Innocent But Guilty dans mon classement idoine, ça n’est pas l’envie qui manquait et ça n’est d’ailleurs que de quelques coudées que le menaçant IMP​Λ​RTI​Λ​L IMP​Λ​RF​Λ​IT, le dystopique LES GUERRES DU MO​И​DE, l’insidieux T​Λ​И​K ou même l’apocalyptique DER DES DERS ont échappé à ce bilan. Autant d’épithètes naturellement associés au champ lexical qu’évoque la noise martiale et déliquescente du musicien, et qui s’accompagnent sur Hurt, outre du plus bel artwork de ses sorties de l’année et d’une référence forcément réjouissante à Nine Inch Nails sur le morceau-titre, de textures post-industrielles particulièrement organiques et malaisantes, mais aussi d’élans plus cinématographiques que jamais à l’image du crescendo à la fois élégiaque et belliqueux de Violent Memory, de ce Flayed Fêlée terrassant de tension liquéfiée ou encore du final Familiar samplant magistralement le violoncelle et la voix d’Agnes Obel, source d’inspiration que l’on n’attendait pas forcément ici.


#55. Yo La Tengo - This Stupid World

Je disais la même chose de Swans dans le volet précédent : avec Yo La Tengo, groupe actif depuis tout de même près de quatre décennies, c’est d’abord l’exigence et la constance qui impressionnent, d’autant que This Stupid World, comme avant lui le mésestimé I Am Not Afraid Of You And I Will Beat Your Ass, s’impose par sa générosité et sa cohérence dans la diversité comme l’un des tout meilleurs albums de la paire Georgia Hubley / Ira Kaplan, toujours accompagnés du bassiste James McNew. C’est bien simple, du krautrock narcotique (Sinatra Drive Breakdown) à l’ambient-rock planant (le merveilleux Miles Away transcendé par les vocalises éthérées de Hubley), d’un noise rock mélodique et racé dont ils sont l’un des derniers grands représentants historiques avec Thalia Zedek (et notamment son projet E) depuis que Sonic Youth a lâché l’affaire (Fallout) à un psychédélisme dronesque post-Velvet (This Stupid World), ou encore d’une pop hypnotique au groove incandescent (Tonight’s Episode, Until It Happens) à son versant plus light et embrumé post-Velvet & Nico cette fois (le désarmant Aselestine), ils savent tout faire et le font brillamment, sans oublier le plus important : l’atmosphère - ou les chansons si vous préférez, ça marche aussi, cf. le classique instantané Apology Letter avec Kaplan au chant puisque le duo se relaie toujours sans relâche au micro, autre composante essentielle du charme éternel de Yo La Tengo.


#54. Mary Lattimore - Goodbye, Hotel Arkada

"Ajout de taille sur ce disque qui lui confère une aura encore plus envoûtante : les voix, celles en particulier de la fidèle Meg Baird et de Rachel Goswell de Slowdive, qui habitent chacune, de leurs harmonies susurrées, un morceau de cette ode à l’hôtel Arkada en Croatie, devenu pour la musicienne un symbole de l’inéluctable changement et de la beauté éphémère des choses, alors que se profile une rénovation moderne du lieu après des décennies de délabrement progressif face aux ravages du temps. Le premier, And Then He Wrapped His Wings Around Me, n’est autre que le morceau d’introduction de ce nouvel album et bénéficie des sonorités atemporelles et capiteuses d’un omnichord et de l’accordéon discret de Walt McClements (Dark Dark Dark), la voix de Baird flottant comme dans un rêve sur des cascades d’arpèges et des flots de nappes ambient. Le second, Yesterday’s Parties, sert quant à lui de conclusion et ça n’est qu’à la moitié de ses 8 minutes caressantes que sa mélodie de harpe épurée décolle au gré des vocalises réverbérées de Goswell et des lignes de violon dronesques de Samara Lubelski, vers des contrées qui ne sont pas sans rappeler les songes d’une Laura Palmer encore insouciante."

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#53. Odalie - Puissante vulnérabilité

Après deux EPs plus que prometteurs chroniqués dans nos pages (ici et ), Sophie Griffon toujours accompagnée du violoncelliste Paolo Rezze aux arrangements de cordes capiteux trouve enfin avec Mesh, structure londonienne créée par Max Cooper, un label à la mesure de son electronica aussi virtuose qu’envoûtante... puissante et vulnérable ? Sans trop vouloir faire de paraphrase, l’oxymore du titre de ce premier long-format n’en est pas moins une description assez idéale de l’univers de la Lyonnaise, entre beatmaking irrépressible et spleen aérien (Orages intérieurs, Vents contraires, Battements), onirisme délicat et pulsions incandescentes (Attendre l’éclaircie), un brassage des courants contraires parfois plus ambient et non moins foisonnant (Wounded, Danse des astres) qui s’ouvre ici pour la première fois au chant, celui de LLimace, en communion avec la nature comme une Björk apaisée sur Caresse, de Claire Days sur Clear the air, évocateur de la fragilité d’une Stina Nordenstam, ou celui à la fois mélancolique et acidulé d’une certaine Black Lilys sur We are Nature... un pari triplement réussi !


#52. From the Mouth of the Sun - Valley of the Hummingbirds

5e opus et 3e chez Lost Tribe Sound pour les toujours passionnants Aaron Martin et Dag Rosenqvist, duo transatlantique parti cette fois de compositions pour une performance chorégraphique, trois morceaux dont une longue pièce de plus de 20 minutes qui continuent de creuser ce sillon qu’on leur connaît depuis maintenant une décennie, entre élégies électro-acoustiques et post-rock feutré. Progression martiale et affligée digne du meilleur de Constellation à la grande époque, The Herd (Murmuration) retrouve également quelque chose de cette crépitante fébrilité d’un monde au bord de l’effritement qui m’avait fait comparer au même label canadien l’immense The Black Sun Transmissions de Jasper TX (aka Rosenqvist en solo), il y a 12 ans déjà. Quant à la suite, tout aussi délicate et massive à la fois (les cordes et piano désespérés d’un Dandelion à l’incursion drone écrasante, mais aussi Medusa dont la dimension aérienne voire kosmische se double de pulsations obstinées), elle ne démérite pas et se fait le vecteur de la même puissance d’évocation, sans excès d’emphase ni nécessité de pousser les décibels.


#51. Thavius Beck - Untitled vol. 1

"Exit le flow mais pas la propension hymnique de l’EP Leo dont on parlait ici (en #10) ou de Technol O.G., que le beatmaker originaire de Minneapolis (qu’il quitta pour devenir pilier de la scène expérimentale californienne au tournant des années 90/2000) démultiplie d’emblée ici sur Produce à coups de beats profonds, de samples vocaux malmenés et de bribes de mélodie orientale. Pour autant, Untitled vol. 1 renoue aussi avec une autre facette du rappeur/producteur qui commençait à nous manquer, l’abstract crépusculaire et downtempo du fabuleux Decomposition de 2004 (Tense Tracker), dont les atmosphères cinématographiques lorgnent volontiers sur un certain trip-hop de qualité, celui des Earthling et autre Red Snapper des débuts (Mighty Strokes of War)."

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- Hors classement : Strië & Scanner - Struktura Revisited [découvert cette année mais sorti en 2022]

"Sortie ambient atypique de l’hiver dernier défendue par A Strangely Isolated Place, Struktura Revisited réinvente un album antérieur, Struktura donc, originellement publié en 2015 chez Serein par Strië aka la Polonaise Olga Wojciechowska, et que l’on retrouve en entier sur une première moitié de disque qui permet grâce au superbe remaster de Rafael Anton Irisarri d’en redécouvrir les rêveries magnétiques aux denses architectures glitch et texturées, entre drone sous-marin, pulsations dub et poésie sismique. Mais cette version revisitée est conçue comme un split album, avec une seconde moitié confiée au Britannique Robin Rimbaud alias Scanner, cultissime producteur electronica/ambient. On a ainsi l’équivalent d’un double album plutôt copieux - 16 titres pour pas loin de 80 minutes - qui investit ouvertement du côté de ses relectures signées Scanner le terrain d’un minimalisme hypnotique, sans véritablement marcher sur les plates-bandes beaucoup plus luxuriantes et imposantes des originaux, dont on ne retrouve jamais tout à fait d’ailleurs la dynamique sous-jacente."

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#50. Anatoly Grinberg + Abell Leonid - The birth of a quantum lamb

"Enregistré durant la pandémie, l’album, pas vraiment (pour ne pas dire "vraiment pas") facile d’accès, est l’une de ces intrigantes mixtures expérimentales dont le label bulgare Mahorka a le secret, et suinte sans équivoque l’anxiété d’une période de doutes et de confusion. On y entend du dark ambient austère et hypnotique aux textures mi organiques mi synthétiques (Dragon hope ripper, The heart of loving Bardak), de l’IDM déstructurée (Rubicon pink foam) et d’étranges rêveries technologiques (cf. le morceau-titre), tout ça au gré de compositions agencées à distance flirtant allégrement avec les 8 minutes. Des cascades de pianotages inquiétants (Seconds shine in Gala’s eyes) y côtoient des flots grouillants de glitchs et d’idiophones (The subway car runs through the veins) ou autres pulsations dysrythmiques sur lits de drones dystopiques (Your breathing is just noise). Ici et là, des motifs atonals entêtants et déglingués charrient leurs affleurements mélodiques angoissés (Black stork of digital swamps) et des crescendos electronica décollent pour explorer l’infini du cosmos (Through the horizon vertically), ouverture vers un futur à peine moins oppressant."

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#49. Pruven - Egregious Elevation

Avec cet album long en bouche produit par un certain Quiet Genius qui porte bien son nom, 2023 démarrait sur les chapeaux de roues pour Pruven, par ailleurs doublement mentionné dans mon bilans EPs avec ses deux sorties suivantes de l’année écoulée. Aussi atmosphérique qu’élégant, Egregious Elevation associe le lyrisme posé et la spiritualité du MC américain élevé à Cannibal Ox à des écrins feutrés tout en nappes en suspension et en beats profonds, souvent downtempo et atypiques dans leurs signatures rythmiques, de quoi transfigurer son flow sereinement habité et nous faire languir d’un nouvel opus entièrement mis en musique par l’excellent Ill Sugi qui vient justement de voir le jour (avec en guests son ancien compère du Red Lotus Klan SCVTTERBRVIN et Breeze Brewin des vétérans Juggaknots).


#48. The Gaslamp Killer & The Heliocentrics - LEGNA

"D’emblée, on retrouve les cordes capiteuses et la fluidité du groove des Britanniques, puis le sombre Punks tire vers le baroque et le psychédélisme aux beats plus rêches et syncopés chers à l’auteur du fabuleux Heart Math de 2020. Ici, c’est la lofi mystique et crépusculaire du second qui domine (Star Strangled Banner), habillée par les premiers de leur luxuriance de petite troupe d’instrumentistes (Divine Retribution) ; là, place à l’abstract cinématographique des Heliocentrics dont les arrangements respirent l’influence de David Axelrod (Machine Dub, Legna) et que The Gaslamp Killer pervertit de son sens du break inquiétant (Rumble In The Jungle). On est quelque part en terrain(s) connu(s), du moins jusqu’à ce que Witches Whisper, merveilleux morceau pas loin de flirter avec le Tortoise de Standards ou de TNT, en vienne enfin à dépasser la somme des parties."

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#47. Babelfishh x Reindeer - No Man’s Gospel

"Un univers hybride à la croisée d’un indie rap désossé, d’une americana crépusculaire et d’un rock très free, lofi et habité, du fébrile Black Tea Day au final Nobody Tries tout en spleen vocal, drones de guitare et gerbes rythmiques en passant par le narcotique Spinal Landscape dont les riffs évoquent presque les Doors de The End, le bipolaire Strasbourg Cathedral partagé entre des passages ambient aux accords de piano épars et des pics d’intensité électriques, ou encore le déséquilibré Rusted Silos dont les fûts paraissent prêts à s’effondrer à tout moment sous le poids des guitares saturées et du rap véhément. Le micro est laissé à Babelfishh tout au long du disque, et avec Blackened Atlas puis Concrete Island, que l’on soit dans une sorte de psychédélisme DIY aux drums dysrythmiques ou dans un hip-hop aux guitares très présentes dont la batterie finit par mettre les voiles en un crescendo aux connotations post-rock, on pense pas mal au premier album de Sole & The Skyrider Band, véritable anomalie jamais vraiment suivie d’effet qui semble enfin trouver ici un héritage à sa mesure."

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#46. Pointe du Lac - Les siphonophores des eaux froides et profondes de l’Arctique

Entre son titre et son artwork cartographique, ce 3e opus du désormais trio composé du musicien électronique Julien Lheuillier (aux synthés analo), du multi-instrumentiste Richard Francés et du saxophoniste Quentin Rollet, nouveau-venu dans l’aventure, ne fait pas mystère de son inspiration géographique puisée dans les profondeurs des mers arctiques et auprès de leur faune planctonique. Pour autant, loin d’une ambient contemplative dominée par les field recordings comme en inspire souvent ce genre de thématique, la musique de Pointe du Lac continue de cultiver une musicalité plus cosmique héritée à parts égales du krautrock 70s versant kosmische musik (ou même motorik) et d’une electronica plus contemporaine à la fois chaleureuse et libertaire, sur lesquels viennent se greffer les élans jazz de Rollet et leur aura de mystère auxquels la rythmique s’adapte ici et là de manière plus feutrée (Un narval mâle sur 500 possède deux défenses). Hypnotiques et mouvantes, entre tension rondelette (Haménania Manania), mécanique arpégée (Les Anqallyt, ou Anglatha Digitale avec son spoken word en japonais), méditations plus atmosphériques (Crossota Millsae, ou le plus dronesque et déstructuré Cyanea Capillata) et downtempo ascensionnel tout en nappes oniriques (Nanomia Cara), les compositions du groupe évoquent ainsi la belle époque de Air ou le soundtrack de Blade Runner autant que Neu ! ou Klaus Schulze, les grands espaces polaires ou sous-marins aussi bien que les cieux qui les surplombent, leurs aurores boréales et leurs nuits ouvertes sur un cosmos infini.