2023 en polychromie : les meilleurs albums - #45 à #31

180 albums, car si la frustration demeure de ne pas en citer 100 ou 150 de plus, c’est là que la césure s’avérait la plus supportable en cette année 2023 riche en pépites sous-médiatisées. 180 disques, car le but d’un bilan annuel, de la part d’une publication musicale quelle qu’elle soit, ne devrait pas revenir à montrer que l’on a sagement écouté la poignée d’albums réchauffés que les faiseurs de mode vendus au mainstream le plus racoleur nous ont prescrits, mais bien à faire découvrir des sorties remarquables passées entre les mailles du filet, et comme les plus curieux le savent, ces dernières ne manquent jamais. 180, donc, pour les 180 degrés qui nous séparent, un peu plus chaque année d’ailleurs, des classements de lemmings absolument imbuvables croisés ici ou là.

De moins en moins évident de parler des albums à mesure que l’on se rapproche du haut du classement, trusté comme souvent par des disques particulièrement singuliers. Heureusement, 99,9% des artistes mis en avant dans nos colonnes ont une page Bandcamp et la plateforme, bien que toujours menacée par un nouveau rachat dont on ne connaît toujours pas toutes les implications, demeure l’outil de découverte par excellence, qui nourrit quotidiennement depuis plus de 13 ans maintenant notre agenda des sorties, avec pas moins de 8000 albums recensés par nos soins jusqu’ici.




#45. Pjusk & Arovane - Svev

Accompagné par l’Allemand Uwe Zahn, pilier du défunt label electronica City Centre Offices au début des années 2000 et redevenu très actif depuis une petite décennie, le Norvégien Jostein Dahl Gjelsvik, désormais seul aux manettes de Pjusk et déjà en bonne place dans mon bilan des EPs de 2023, livre l’un de ces petits bijoux d’ambient immersive aux textures polaires frémissantes et craquelantes dont il a le secret, magnifiées ici par les pads oniriques et autres mélodies réverbérées d’Arovane. Un album envoûtant, aussi organique qu’aérien, tirant le meilleur des univers volontiers impressionnistes de ces deux figures discrètes mais essentielles des musiques électroniques expérimentales et atmosphériques d’aujourd’hui.


#44. Andrea Belfi - Eternally Frozen

"Bien que les percussions hypnotiques chères au Berlinois d’adoption soient encore présentes de manière feutrée sur des morceaux tels que Setteottavi ou Pulsing, évoquant le minimalisme et les textures de Moondog en la matière, ou tout aussi douce et plus syncopée sur Exotica, on ne retrouve pas ici le même genre de dynamique que sur Alveare, Ore ou Strata. Inspiré par le mythe du Deprong Mori, une chauve-souris des Caraïbes supposée capable de se dissoudre dans l’air pour passer à travers les objets et dont la légende dit que l’une d’elles aurait été figée pour l’éternité dans un mur qu’elle avait tenté de traverser, Eternally Frozen est en effet composé avant tout pour un trio de cuivres, qui ont la part belle sur ces compositions en canon plus ambient qu’à l’accoutumée (Pastorale, Golden), emportées par un certain lyrisme savamment mesuré des harmonies de trombone, tuba et autre cor, rehaussées ici et là par les synthés éthérés de l’Italien."

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#43. Jung - Choices

"Jung, après plusieurs courts-formats livrés avec Strangelove sous le pseudo Chango et chroniqués dans nos pages (lEP1, lEP2 ou encore l’inaugural Purple EP) vole ici de ses propres ailes et le résultat est à la hauteur de nos espérances, à mi-chemin de l’épure particulièrement atmosphérique de ce projet post-rap en apesanteur dont on n’avait plus de nouvelles discographiques depuis 5 ans (cf. l’étrange Pan avec son spoken word pitché dans tous les sens et sa production vouée à nous désorienter, ou le stratosphérique et troublant Stuck avec un certain Alvarezz en guest), et d’une approche plus pop quoique tout aussi aventureuse qui n’est pas sans évoquer certains ovnis des grandes heures d’Anticon et Lex Records. À des morceaux expérimentaux et déstructurés mais capables d’une tension absolument épique, construits sur des beats atypiques, des samples de voix et de respirations et autres motifs électroniques abstraits (le polyrythmique GDP), répondent des titres plus délicats et intimistes, et c’est toute la pluralité de sa personnalité et de se émotions que parvient à mettre en musique le Britannique en moins de 35 minutes tantôt chantées, instrumentales ou rappées, avec l’économie de moyens et le sens du contraste qu’on lui connaît."

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#42. Elzhi & Oh No - Heavy Vibrato

Plus amateur d’une manière générale du rap d’Elzhi que des productions parfois maniérées du frérot de Madlib, je ne savais pas à quoi m’attendre avec ce disque et force est d’avouer que la claque fut immédiate, en grande partie justement grâce au travail d’Oh No, compère d’Alchemist qui s’avère ici nettement plus organique qu’à l’accoutumée, véhiculant dès l’immense Trick Dice une tension inquiétante rehaussée par les cordes cinématographiques et le flow d’une sereine virtuosité de l’ex MC de Slum Village. Impressionnants de fluidité et aussi denses qu’élégants, les instrus du beatmaker californien se fondent les uns dans les autres tout au long de cet Heavy Vibrato aux subtils accents jazzy (dans les percussions cristallines de type vibraphone en particulier), de morceaux au groove aérien (In Your Feeling, Bishop) en titres plus insidieux et déstructurés (Possessed, Smoke, Twilight Zone ou même RIP avec Guilty Simpson, entre vibe rétro et menace voilée) voire carrément épiques (le génial diptyque final Say It Don’t Spray It / Last Nerve, entre tension rampante et lyrisme éthéré), survolés quoi qu’il en soit par la classe millimétrée d’Elzhi qui retrouve enfin là un écrin à la hauteur de son talent au micro.


#41. Radian - Distorted Rooms

"Il y a du Tortoise versant expérimental, en particulier sur un morceau comme Cicada avec ses polyrythmies entêtantes, percus cristallines et autres circonvolutions mélodiques, dans cette vision de la musique électronique soutenue par de vrais instruments et une dynamique irrésistible sans la moindre raideur. On pense aussi un peu au Four Tet de la première moitié des 00s (qui devait lui-même beaucoup à Tortoise) mais force est de constater que le trio viennois a une singularité bien à lui, avec d’emblée ce Cold Suns particulièrement déstructuré dont les variations et altérations de textures servent d’éléments musicaux à part entière, puis un C At the Gates au groove plus présent mais toujours aussi biscornu avec sa rythmique en constante exploration et ses saturations métamorphes. Serait-ce donc une sorte de dub-ambient perfusé au post-rock voire au krautrock (Skyskryp12, S At The Gates), une electronica microtonale d’indie band à la The Notwist (Stak), une cousinade d’Oren Ambarchi voire pourquoi pas d’Oval pour cette approche très musicale et organique du glitch ? Il me faudra explorer la discographie du groupe, que je découvre à peine malgré 20 ans passés sur le génial label Thrill Jockey, pour espérer percer les mystères de cet univers de toute évidence atypique et passionnant."

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#40. Fire ! Orchestra - Echoes / THE END - Why Do You Mourn

Une année 2023 riche en projets divers et variés pour le saxophoniste suédois Mats Gustafsson, qui culmine à n’en pas douter sur ces deux très gros morceaux, à commencer par le dernier Fire ! Orchestra, qui sans égaler la grâce absolue du merveilleux Arrival (#3 ici) parvient une nouvelle fois à étendre la palette de la petite troupe, entre cousin jazz capiteux du downtempo d’un Melody Nelson, cavalcades de big band pour film noir imaginaire, chansons hors format, ambient tourmentée, free jazz magnétique et influences moyen-orientales. Quant à THE END, quintette qui l’associe justement à l’ex Fire ! Orchestra, Sofia Jernberg aux vocalises acrobatiques et habitées, on lui doit un second album nettement plus névrotique et d’une belle intensité, tout en basse menaçante et cuivres dissonants, entrecoupé d’interludes plus méditatifs et épurés qui en déjouent brillamment les tentations emphatiques.


#39. Great Falls - Objects Without Pain

"Si l’on est dans le hardcore voire le post-hardcore ici à bien des égards, rappelons que Demian Johnston notamment, à la guitare et au chant, vétéran des musiques extrêmes de Seattle, vient d’univers nettement plus radicaux, du metal au drone doom, lesquels privilégient souvent l’atmosphère à l’image du génial Trailed & Kept qui demeure l’un de mes albums de chevet des années 2010. Tout ça pour dire que si les compos ne manquent pas sur Objects Without Pain, tout en contrepieds sanglants et changements de tempo saisissants, ce qui m’impressionne le plus sur ce disque est avant tout de l’ordre du malaise, une fébrilité papable qui en transcende l’intensité et la puissance de frappe à chaque instant et fait à mon avis de ce sixième long-format du groupe (hors split albums), capable de breaks surprenants à la lisière de l’expérimentation, un incontournable des musiques bruyantes cette année."

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Hors classement : Buck 65, Doseone & Jel - North American Adonis

Revenu de nulle part, ce North American Adonis aurait initialement dû voir le jour en 98, certains morceaux ayant d’ailleurs fait l’objet d’un bootleg à l’époque, jugé de piètre qualité en termes de son et pour cause, les masters avaient semble-t-il été égarés par Buck 65, Doseone et Jel, membres tous trois à ce moment-là du collectif 1200 Hobos en compagnie notamment de Sixtoo et Skratch Bastid, et seules subsistaient des démos particulièrement lo-fi enregistrées sur un 8 pistes à cassettes, certains instrus ayant par ailleurs été recyclés par Jel entretemps sur ses compils Greenball (on retrouve ainsi avec bonheur l’excellent ...in love with another robot aka Not Weird). Déterré et remodelé 25 ans plus tard, on suppose que l’album a bénéficié de quelque découverte archéologique, le résultat aujourd’hui s’avérant particulièrement probant, avec certes ce feeling spontané propre aux loops analogiques et un son brut de décoffrage, avec tout ce que cela peut donner de punch dans les beats et les dynamiques, mais aussi une maîtrise digne des Buck 65 de l’époque (Vertex en tête) et des productions de Jel pour les premiers projets collectifs d’Anticon, entre abstract, old school épique et alambiqué (Back Back Forth Forth), groove haché (le tubesque Alive In a Landfill), boom bap du côté obscur (Purist), saillies électriques et psyché (Like This Like That) et rondeurs plus funk ou jazzy (Men), la vélocité caverneuse de Doseone contrebalançant la décontraction juvénile du futur auteur des superbes Super Dope et Punk Rock B-Boy dont on reparlera incessamment.


#38. Onry Ozzborn - BlvckBeachBoi

"Une palanquée d’indie rappeurs classieux croisés chez les Gigantics remettent le couvert, à l’image de Murs aux backing vocals sur l’hypertendu Metal Mouf Gabòr, Mr. Lif et bien sûr Aesop Rock (Badminton) et Pigeon John (l’irrésistiblement lyrique Runway Spelling Bee) en featurings de luxe, participant d’un formidable crossover entre ce genre de hip-hop volontiers tribal et futuriste (Gertrude, ou Verified avec Rob Sonic) et une étonnante approche pop qui renvoie sans ménagement à leur médiocrité tous les Drake et Kanye-post-2008 de ce monde, sous l’impulsion des productions à la fois pointillistes, percutantes et planantes (voire gothiques aux entournures, cf. l’énorme Doris Day) de l’ex frère d’armes d’Oldominion et fidèle beatmaker maison, SmokeM2D6. Meilleur exemple de cet équilibre assez miraculeux, l’increvable Glow VVorm que l’on écoute déjà en boucle et dont la mélodie vocale piloérectile de l’excellent Sadistik, mêlée aux synthés aériens, n’est pas sans évoquer un autre génie du rap mélodique, Ecid."

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#37. Fawn Limbs & Nadja - Vestigial Spectra

"Grand disque expérimental dès cet Isomerisch étrangement crépitant et pulsé en intro, et surtout davantage qu’une simple somme des parties en présence, Vestigial Spectra, s’il cherche bien la rémanence fantôme de son titre et permet à chacun, à moment donné, de tirer la couverture, les Pennsylvaniens sur l’épileptique et belliqueux Black Body Radiation Curve, puis le duo originaire de Toronto et désormais berlinois d’adoption avec le dronesque, caverneux et néanmoins presque éthéré Redshifted, sonne comme un concentré de mutations sludge déglinguées : d’un Cascading Entropy entre chaos free, breaks abstraits et ascension finale vers les limbes, au slow burner Metastable Ion Decay entrecoupé de saillies brutales et malsaines, en passant par l’ovniesque Blueshifted qui semble consumer un black metal d’outre-tombe par ses textures incandescentes ou même ce Distilled In Observance mi-grind emphatique et dégénéré, mi-ambient irradiée, leur chimère à huit bras - et deux voix - est un Atlas aux pieds d’argile, dont la violence en état de décrépitude avancé évoque avant tout notre propension à l’autodestruction."

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#36. Frank Riggio - GY / LO

Démarrée en septembre dernier avec GY, sa 4e et dernière partie, la nouvelle QU4DRILOGY de Frank Riggio pour le label Hymen Records évoque d’autres projets du musicien électronique, de la trilogie Psychexcess dans les 2010s, qu’il avait complétée ensuite d’un addendum, Jadis, à une autre plus récente, Empreinte Musicale, composée de trois albums mais également de trois "singles" aux allures de véritables petits EPs. Ici, on commence par la fin donc, mais on retrouve d’emblée l’univers particulièrement texturé caractéristique du musicien, tout en synthés mutants et distordus, beats dysrythmiques et basses vrombissantes, cette sensation d’organisme vivant à la croisée des productions cinématographiques polymorphes d’Amon Tobin à la grande époque de Foley Room ou ISAM et de l’onirisme schizophrène d’un Poemss (aka Venetian Snares), le chant, doté d’une place importante sur GY dans la continuité du side project Aqka Torr, participant de ce fragile équilibre sur le fil de l’emphase qui rend le lyrisme du Français d’autant plus précieux sur ce premier/dernier volet plus mélodique et aérien, auquel répondait en novembre un LO plus abstrait, tendu, déstructuré et proche du sound design mais tout aussi indispensable. Vivement la suite...


#35. Black To Comm - At Zeenath Parallel Heavens / Marc Richter - Coh B​â​le

"Maîtres-mots de l’onirique Coh B​â​le  : motifs répétés en flots évanescents, collages hypnotiques et contrastes entre sonorités acoustiques (voire parfois quelques percus boisées) et manipulations électroniques. Chaque morceau prend le précédent à contrepied - à l’effervescence impressionniste de Coh Bâle répond par exemple le minimaliste des choeurs synthétiques de Gesänge I, ou à l’acoustique déstructurée aux accents nippons de Geburt der Pferde, les étranges vocalises autotunées de Der Schlaf dieser Zeit." Quant à At Zeenath Parallel Heavens pour lequel l’Allemand ressort l’alias Black To Comm auquel il réserve une fois de plus ses compositions les plus hallucinées, il cultive davantage cette nature polymorphe au sein des mêmes morceaux, entre ambient, expérimentations synthétiques, arrangements modern classical et flots de percussions façon free improvisation. Ce qui change davantage d’un titre à l’autre, c’est l’humeur, tantôt tourmentée (Never Heed the Tongues of Wooers, La société des rêves, Musik im Schatten) ou plus contemplative (Steep Thy Plumage in His Sweetness, On the Grass Her Shoes of Deer-Skin) voire même rêveuse quoique faussement apaisée et toujours drôlement agitée sous la surface des harmonies éthérées (Time Will Fly on Equal Pinions).

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#34. KHΛOMΛИ/ASH - R​é​sidu Ré​volu

"Liés par une approche cinématographique nourrie à l’indus et l’ambient du côté obscur, les deux musiciens livrent un disque pétri de tension et d’angoisse, où musique tribale, bruitisme, sampling crépusculaire et textures incandescentes fusionnent en un magma de désespoir et de scories, aux incursions de beats martiaux parfois proches de la rhythmic noise (MOON DOOM). Sur des morceaux aux rythmes minimalistes et synthétiques tels qu’IMMINENT ou RUPTURFUTUR ou aux pianotages anxiogènes comme DROPPED, on pense forcément à John Carpenter et à ses soundtracks de fin de monde pour "The Thing" ou "New York 1997", un rétrofuturisme funèbre qui irrigue d’ailleurs l’album jusqu’à ses dernières nappes insidieuses (LARMES DES ARMES). Si ce n’est que nos deux amis sont avant tout de véritables sculpteurs d’atmosphères, aux textures autrement plus denses et étouffantes qui les rapprochent tout autant des projets dark ambient d’un Justin K. Broadrick par exemple, de Council Estate Electronics à Final."

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#33. Arve Henriksen - Sanctuary

"Cette année, si le temps m’a jusqu’ici manqué pour jeter une oreille aux disques collaboratifs lâchés par le trompettiste norvégien (Villfarande Barn et Lost in Space), Sanctuary, première sortie solo depuis Murimorphosis en 2021, s’est rapidement imposé comme une franche et fascinante réussite dans cet ambient-jazz magnétique et transcendantal, entre méditation et malaise, que le musicien affectionne, son instrument utilisé avec langueur et parcimonie se fondant dans des harmonies évanescentes tantôt solaires ou inquiétantes, sur fond d’électronique discrète et de field recordings dépaysants. Construit autour de deux pièces commissionnées par le festival des arts lumineux Fjord Oslo, le très changeant Monad cheminant de l’ombre à la lumière via une incursion presque industrielle et le plus bucolique Perspective zébré de chants d’oiseaux, ainsi que d’une troisième, The fundamental tone that connects us, destinée à la Fondation Lillehammer et sillonnant sur plus de 15 minutes le champ des possible d’un jazz électro-acoustique éthéré y compris avec des passages spoken word ou chantés, Sanctuary porte bien son titre et semble en effet vouloir recueillir les névroses de son auteur pour mieux les raffiner en poussières de songes."

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#32. Gnaw Their Tongues - The Cessation Of Suffering

"The Cessation Of Suffering est encore plus jusqu’auboutiste et saigneur de tympans que les malaisants Hymns for the Broken, Swollen and Silent et Genocidal Majesty, au point de ne plus reconnaître grand chose du black metal des origines. Textures papier-de-verre souvent réduites à des crépitements abrasifs (Dreamless, The Departure Of Light), bribes de piano funeste entrecoupées d’explosions dissonantes (Salvation Body) ou drone d’outre-tombe sur fond de martèlements doomesques (The Cessation Of Suffering) constituent l’ossature de ce puits de noirceur étrangement magnétique tiraillé entre chaos black d’âmes damnées aux rythmiques quasi liquéfiées (The Veneer, Mensenlucht), harsh noise élégiaque (Vengeful Spit, Throatrot) et indus des enfers (Met Huid En Haar, Messen). Le disque idéal pour se déchirer l’âme en lambeaux ou achever ses enceintes en fin de vie, et assurément l’un des albums metal/noise les plus terrassants de ce cru 2023."

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#31. Torre di Fine - Girl On The Shore

"Le songwriting passe au second plan de progressions instrumentales d’une intensité folle, entre acoustique à fleur de peau, drone incandescent et arrangements de cordes élégiaques (les 8 minutes de Vanta en intro donnent le ton), mâtinés de sampling discret et d’électronique viscérale. On pense cette fois encore à Flying Saucer Attack et à son space rock papier-de-verre (N02A) mais si l’influence semblait lointaine sur le premier opus de ce nouveau projet de Marco Cella, cette ambitieuse suite rend pleinement justice à l’héritage halluciné et texturé des assassins du shoegaze, réussissant quelque part là où Low avait à moitié échoué sur ses deux derniers disques en faisant d’une production contrastée aux effets radicaux l’écrin idéal pour des chansons véritablement habitées et inspirées (Attraction). Alternant complaintes d’une douceur sépulcrale (Kenopsia), rêveries orchestrales au sound design digne d’un Ben Frost (Ammonia) et dream-pop aux allures de tempête sous un crâne flirtant autant avec le bruitisme qu’avec le modern classical (Coercion), l’Italien et son bassiste Matteo Trevisan font appel à plusieurs chanteuses ainsi qu’à des violistes et à un violoncelliste, mais n’hésitent pas pour autant à se délester de toute enluminure quand cela s’avère pertinent."

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