Baxter Dury - Prince of Tears

« Votre confiance est de retour et votre monologue intérieur vous rappelle gentiment que vous ne pensez PAS à la personne qui vous a brisé le cœur… Non… Vous ne pensez pas à elle… Absolument pas… Parce que c’est votre nouvelle vie, votre nouveau domaine… Votre cœur brisé » précise le communiqué de presse du nouveau disque de Baxter Dury.

1. Miami Voir la vidéo Baxter Dury - Miami
2. Porcelain (feat. Rose Elinor Dougall)
3. Mungo
4. Listen
5. Almond Milk (feat. Jason Williamson)
6. Letter Bomb
7. OI
8. August
9. Wanna
10. Prince Of Tears Voir la vidéo Baxter Dury - Prince Of Tears - YouTube

date de sortie : 27-10-2017 Label : Heavenly

En vérité, il y a tout lieu de penser que l’artiste ment. Ou qu’il se ment à lui-même. Car s’il cherche à être le souverain de sa nouvelle vie, cette sortie est totalement imprégnée du spectre de cette rupture sentimentale. Et la popularité de Baxter Dury étant ce qu’elle est, cette œuvre semble être le genre de message adressé à l’être jadis aimé sous la forme d’un « tu m’as fait du mal, mais je suis mieux sans toi ». Le commun des mortels utilise (bassement) les réseaux sociaux ou fait appel à des intermédiaires. Baxter Dury peut se permettre de sortir un disque pour transmettre le message.

Pour autant, Prince of Tears n’est pas un simple prétexte. Il constitue une œuvre aboutie sur laquelle Baxter Dury a eu le temps de travailler puisqu’il explique lui-même que « tu peux te faire tirer dessus et te séparer de ta copine dans la même semaine, tu penseras quand même toujours à ta copine. C’est ce qui s’est passé, mais je m’en suis servi. L’année dernière a été dure, et donc je me suis contenté de passer mon temps à me concentrer là-dessus ».

Prince of Tears est donc un disque cathartique dont le titre est suffisamment explicite pour s’avancer comme le contrepoint d’un It’s A Pleasure abouti qui comptait néanmoins son lot de sceptiques chez les fans de la première heure, qui regrettaient la dimension plus dramatique de Len Parrot Memorial Lift et Floorshow.

Surtout, les cordes apparaissent pour la première fois dans l’œuvre du Britannique et occupent même une place centrale dans cette œuvre. Dès le premier titre, la pop dansante de Miami évoquant l’histoire d’un homme au fond du trou qui se rêve en roi de Floride, ces arrangements de cordes à la Benjamin Biolay nous surprennent et génèrent autant d’ébahissement chez l’auditeur qu’ils ajoutent de grâce au titre.

L’autre point central de ce disque réside dans l’omniprésence des voix féminines pour soutenir celle de Baxter Dury. Un artifice qu’il utilise depuis longtemps pour apporter de la nuance à son propre timbre dont il connaît les limites. Ainsi, Rose Elinor Dougall, invitée sur Porcelain et son ouverture sur un faux trip-hop, propose des intonations vocales rappelant celles de Skye Edwards pour accompagner l’évolution vers un spleen downtempo dont l’intensité va crescendo pour s’achever là aussi sur un arrangement de cordes que n’aurait pas renié le Craig Armstrong de la fin du siècle précédent.

Mungo permet à Baxter Dury de faire apparaître pour la première fois sur cet opus son timbre vocal de manière aussi claire. La fidèle Madelaine Hart signe l’essentiel des chœurs féminins du disque, qui ne manquent pas, comme c’est le cas ici, de pondérer la nonchalance du Britannique. S’il y a toujours de la lumière dans son univers, l’opacité gagne du terrain.

Par la suite, la mélodie jungle binaire d’Almond Milk s’installe doucement avant qu’un invité inattendu, en l’occurrence Jason Williamson, n’intervienne en fin de titre dans un registre beaucoup plus modéré que d’habitude. Se retenant légèrement en comparaison de sa rage habituelle, c’est de manière presque désabusée qu’intervient le chanteur des Sleaford Mods sur l’un des titres les plus pop de ce disque pour prendre le relais de la voix angélique de Madelaine Hart. Si Jason Williamson se déclare « vachement content d’avoir fait quelque chose d’aussi super avec quelqu’un qui m’a influencé », ce titre peut pourtant paraître anodin à la première écoute mais s’étouffe au fil des écoutes et offre une parfaite introduction à un Letter Bomb sur lequel l’entrain de Baxter Dury et la boite à rythme minimaliste pourrait justement évoquer l’univers des Sleaford Mods.

Aux deux tiers du disque, Oi et August ressuscitent la facette solaire et désabusée de It’s A Pleasure, à l’époque où le dandy privilégiait encore les claviers chaleureux influencés par les années 80 aux cordes désarmantes. Il achève justement ce cinquième long-format avec deux sommets aux cordes Gainsbourgiennes, qu’il s’agisse de Wanna et sa rythmique jouant sur les contretemps et l’harmonie entre piano et cordes ou du sommet Prince of Tears, hymne idéal pour un enterrement (quand bien même une musique pourrait être adaptée à ce type d’événement) transcendé par ces cordes hésitant entre grandiloquence assumée et extase modérée. Ce
duo sucré-salé sensuel voit Madelaine Hart épouser le chant de Baxter Dury tout en ne cessant de répéter « Everybody loves to say goodbye », concluant aussi bien cet album que la romance dont le fils de Ian Dury semble à peine se remettre.


Plus mélanco-dramatique que son prédécesseur, mais également plus ambitieux, Prince of Tears devrait réconcilier les fans de la première heure de Baxter Dury, lequel cite justement son père pour évoquer son état d’esprit actuel, précisant le concept de pronoïa inventé par ce dernier : « c’est le contraire de la paranoïa, c’est quand tu penses que tout est trop génial. Bon j’ai un sérieux cas de pronoïa en ce moment ». A l’écoute de Prince of Tears, cela n’a rien de frappant, mais il est en tout cas évident que Baxter Dury n’a rien perdu de la justesse de son analyse.

Il peut ainsi se permettre d’indiquer que « pour être honnête, certaines paroles sont profondément ringardes, mais mon style moqueur me permet un certain degré de sentimentalisme qui ruinerait le disque de n’importe qui d’autre ». Peut-être, en effet. Mais à la manière d’un Gainsbourg à l’époque de Melody Nelson, les limites vocales et les facilités de certaines paroles sont habilement masquées par un songwriting imparable et des artifices efficaces.

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