Bilan 2015, un casse-tête chinois - part 4 : Albums #80 - #71

De la douceur et du bruit dans cette troisième tranche d’albums où l’ambient d’outre-rêve, les bidouillages analogiques et le metal ont la part belle, hasard du classement dira-t-on.





80. Simon Scott - Insomni


La belle idée de ce nouvel opus du batteur de Slowdive, toujours aussi actif dans l’ambient onirique depuis la reformation du mythique combo shoegaze en 2014, c’est d’avoir splitté ses deux faces entre drone océanique noyé dans la reverb et les distorsions granuleuses, et acoustique mélancolique biberonnée à la folk britannique des 60s / 70s, une première pour l’Anglais qui sort la guitare débranchée pour flirter en toute clarté avec les méditations solaires d’un James Blackshaw.





79. Cowards - Rise To Infamy


Dans la foulée de l’imposant Hoarder EP de 2013, les Parisiens en remettent une couche dans le harcdore sludge malaisant, autodestructeur et rageux, avec une notable tendance aux explosions de tempo. Riffs désarticulés aux saturations étouffantes, larsens glaçants, section rythmique d’apocalypse et grunt de Bête du Gévaudan au programme de ce deuxième long de Cowards toujours fidèles à l’excellent label Throatruiner, autant dire qu’il faut aimer se faire peur.


< l’avis de nono >





78. Heather Woods Broderick - Glider


On croyait en avoir soupé des pseudo-héritières de Kate Bush, mais quand l’ex pianiste/flûtiste d’Efterklang et sœur de Peter B. s’attaque à la descendance de l’Anglaise avec davantage de sobriété à l’image d’une Julee Cruise des années 2010 - et derrière une pochette qui pourrait sortir tout droit de Twin Peaks - on se prend finalement à apprécier le romantisme acrobatique nouvelle génération, piano mélancolique, guitare et nappes de synthés au diapason d’une reverb irréelle d’où émergent sur Fall Hard ou le merveilleux A Call For Distance des vagues d’émotions qui prennent au cœur et ne lâchent plus.


< l’avis de Riton >





77. Mike Cooper - Fratello Mare


Le cultissime guitariste et bidouilleur australien reprend les choses là où New Globe Notes les avait laissées l’année précédente : l’océan, les tropiques, une steel guitare psyché déglinguée, une reverb onirique et autres effets d’opiomane au pays des songes, des percus exotiques (gamelan en particulier) et des chants d’oiseaux et d’insectes pour parfaire l’atmosphère de trip chamanique insulaire. Du grand art.





76. Crystal Shipsss - I Will See No Moon No Sky


"Qui aurait misé sur la probabilité de retrouver le cador Aidan Baker en renfort d’un trio danois qui n’aura guère généré jusqu’ici que l’écho de quelques blogs curieux ? En guitares sourdes qui saturent avec parcimonie et rampent dans la pénombre, le Canadien y connaît un rayon, apposant d’emblée sa marque sur le néanmoins mal-nommé Metal, dans une atmosphère fantomatique qui présidera plus loin aux 8 minutes de distos éthérées et de batterie feutrée d’un Deer pourtant étrangement apaisé. Sans réelle corrélation musicale avec la pop abrasive et lyrique de l’EP éponyme ou l’indie rock plus décadent et déglingué du fabuleux Dirty Dancer, Jacob Faurholt témoigne ainsi via ce nouvel opus d’un goût persistant pour les ambiances rêveuses ou fantasmagoriques, qu’elles soient à la limite du bad trip (le Lynchien Crown au "chant" étouffé de goule neurasthénique) ou au contraire épurées à l’extrême comme sur le très contemplatif Head."


< streaming du jour >< top metal 2015 >





75. John Zorn - Pellucidar - A Dreamer’s Fantabula


"Mixture idéale de ferveur jazz pop à la Vince Guaraldi, d’atmosphère onirique et de coolitude exotique, ce 5ème opus du sextette magique ne flirte que de loin avec l’ésotérisme mis en avant par la série zornienne dite des "œuvres mystiques". Les Dreamers semblent cette fois privilégier l’immersion sensuelle au simple kaléidoscope ludique qu’on leur connaissait jusqu’ici, associant désormais sur des morceaux moins nombreux et plus longs l’épure poids plume de l’Alhambra Trio, la féerie en flux continu du Gnostic Trio et la substance des toutes meilleures combinaisons d’instrumentistes organisées par le père Zorn, avec en sus une pincée de plaisirs orientaux à la sauce drogues douces (d’Atlantis au Jewels of Opar final). Le vibraphone décomplexé de Kenny Wollesen est pour beaucoup dans cette parfaite combinaison de minimalisme, de tension et de densité, rivalisant de légèreté et de vélocité avec le clavier du tout aussi brillant Jamie Saft."


< chronique >





74. Jasmine Guffond - Yellow Bell


Représentante cette année de l’excellent label expérimental Sonic Pieces, l’Australienne d’origine franco-suisse sort un premier album solo après une vingtaine d’années de collaborations synth-pop, électro-rock, noise et autres, d’Alternahunk à Minit en passant par Alien Christ. Entre drone fantasmagorique, acousmatique méditative, field recordings hypnotiques et résidus électroniques aux pulsations cardiaques, Yellow Bell est aussi majestueux qu’envoûtant et augure du meilleur pour la suite.





73. Napalm Death - Apex Predator - Easy Meat


Pas étonnant que des génies de l’expérimentation bruyante tels que Justin K. Broadrick (Godflesh, Jesu, Greymachine), Mick Harris (Scorn) ou Nicholas Bullen soient sortis du giron de Napalm Death, combo grind increvable après 35 ans d’activité et toujours d’actualité à en juger par cet impressionnant retour en forme : 14 morceaux épiques et carnassiers qui tabassent les tympans à coups de riffs oldschool bien rentre-dedans, et démontrent malgré une traditionnelle tendance aux martelages épileptiques et au grunt belliqueux que même dans l’ultraviolence, un minimum de variété dans l’atmosphère et le tempo ne peut faire que du bien avec des passages plus incantatoires ou martiaux.







72. Bersarin Quartett - III


Sans égaler tout à fait les sommets de souffle spleenétique du parfait II, ce nouvel opus de l’Allemand Thomas Bücker, l’un des fers de lance de la désormais prestigieuse écurie Denovali, persiste dans les élans post-classiques aux rythmiques ouatées, déroulant ses drones de poussière d’espace-temps et ses ronflements de synthés analogiques avec un sens du contraste intact et une poignée de climax saisissants, du final martial de Schwarzer Regen fällt au puissant crescendo cinématographique d’Ist es das, was Du willst.







71. Matthew Collings - Guilt Soundtrack


"Éruptions de drones violoneux crépusculaires et pénétrants, microséismes texturés et reflux amers d’un piano en suspens, lorsque Matthew Collings projette ses compositions sur grand écran les sentiments prennent corps en un abîme de passion scarifiée que les corbeaux, pensionnaires privilégiés de ce Guilt Soundtrack par field recordings interposés, viendront dépouiller de ses derniers tourments charnels pour ne laisser que mélancolie, désespoir et résignation."


< streaming du jour >


N’attendez plus, ils n’y seront pas :

- Flying Saucer Attack - Instrumentals 2015

J’aurais pourtant bien voulu dans le cas de ce premier opus de FSA en 15 ans, mais cette série d’instrus composés par le seul Dave Pearce, malgré ses belles qualités contemplatives et quelques incursions noisy du plus bel effet, manque autant de liant que d’ampleur au regard des chef-d’œuvre de shoegaze abrasif aux murs de son abyssaux livrés par le Bristolien dans les années 90.

- Panda Bear - Panda Bear Meets The Grim Reaper

Bien qu’inégal et inférieur aux deux opus précédents de l’échappé d’Animal Collective, ce Grim Reaper n’est pas si mal. Pour autant, à l’image des sempiternelles attentes que génère son groupe en chute libre, le consensus autour du disque en dit long sur la mauvaise foi de la presse musicale, tout simplement incapable d’admettre avoir surcoté un artiste même quand l’évidence saute aux yeux.

- Viet Cong - Viet Cong

Il n’y aura pas eu beaucoup de nouvelles sensations rock emballantes à mes oreilles cette année. Dans cette tiédeur ambiante côté guitares qui sonnent, le jusqu’au-boutisme post-punk, teinté d’indus voire de krautrock (March of Progress, pas loin d’un Can dans sa première moitié avant de virer Talking Heads), du combo canadien emmené par deux ex Women aurait pu faire figure d’exception sans quelques tics anachroniques, notamment dans le chant. Dans l’ensemble, ça reste très bon.